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Dorothée Kindé Gazard, ministre de la santé |
Les publicités sur les médicaments modernes et traditionnels proscrites
Les médias du Bénin ne doivent plus servir de vecteur aux publicités sur les médicaments traditionnels et modernes. L’Etat y met fin à compter du 31 décembre 2011. La décision d’interdiction est intervenue à la suite de la séance de travail qui a eu lieu ce jeudi 29 décembre 2011 entre la ministre de la Santé, Dorothée A. Kindé Gazard, et les Conseillers de la Haute autorité de l'audiovisuel et de la communication (Haac).
L’application de l'arrêté interministériel N°9960/Msp/Dc/Sgm/Dped/Cp/Mt/Sa du 3 novembre 2004 aura suffi pour donner un fondement juridique à la décision d'interdiction. Ce règlement dispose, en son article 1er, que la publicité en matière de pharmacopée et de médecine traditionnelle et toute forme de message écrit, radiodiffusé ou audiovisuel contre rémunération ou non par une institution ou une entreprise publique ou privée, dans le but d’inciter les populations à l’utilisation de médicaments traditionnels en échange de biens de service ou non, est interdite. Pour les conseillers de la Haac présents à la séance, la pratique en cours actuellement ne répond en rien aux dispositions contenues dans cet article qui fixe pourtant les limites à la publicité de ces produits. C’est donc au regard du constat général, une volonté délibérée de ces commerçants d’enfreindre aux principes en la matière. Mesurant les impacts de ces publicités agressives sur la santé des communautés, la première responsable en charge de la Santé et le Président de l’autorité de régulation des médias ont à l’unanimité, pris cette décision qui permettra d’assainir la publicité en matière de pharmacopée et de médecine traditionnelle et moderne. A travers un exposé détaillé des nombreux dangers qu’on peut faire subir à l’organisme en cédant facilement au charme de la publicité, la ministre de la Santé a réaffirmé son engagement à assainir le secteur. Par ailleurs, il a été décidé de la mise sur pied d’une commission qui se chargera d’étudier les autorisations délivrées à ces promoteurs de médicaments traditionnels. Celle-ci aura pour fonction d’assurer un meilleur suivi de la diffusion de messages et publicités, le cas échéant, dans les médias. Les Conseillers ont également soulevé la nécessité d’un toilettage des textes en vue de définir les types de médicaments pouvant faire l’objet de publicité. Par ailleurs, de nouvelles dispositions seront prises dans un meilleur délai entre le ministre de la santé et le président de la Haac pour l’application effective de ces décisions

Une décennie déjà que les personnes vivant avec le Vih/Sida (Pvvih) au Bénin bénéficient d’une prise en charge médicale. Afin de prévenir les infections opportunistes et freiner l’évolution du virus dans le corps, ces malades utilisent des antirétroviraux (Arv). Des produits dont l’acquisition et la distribution font souvent l’objet de longues procédures administratives, créant ainsi des ruptures de stock sur les sites de prise en charge. Les Personnes vivant avec le Vih (Pvvih), contraintes de prendre ces molécules pour le reste de leur vie, se déciment dans le silence.
Calme et serein, Marius Acotchou raconte comment la rupture des Arv a décimé dans un passé récent certains de ses compagnons : « Je me souviens de la période de 2002-2003 où il y avait eu environ six mois de rupture d’Arv et les gens sont décédés. Il y avait des décès en cascade. C’était ardu pour nous. C’est ainsi que d’autres Pvvih étaient allées se refugier sous la coupole des marchands d’illusions, les tradithérapeutes sans gain de cause. Finalement les problèmes de survie se sont mêlés au Vih et les gens sont morts ». De son siège, les paupières légèrement rabattues et le visage froissé, le rescapé et actuel président du réseau des Pvvih au Bénin, lâche : « C’était triste, on avait constamment peur ». Cette angoisse, loin d’être révolue, constitue encore le lot quotidien des 20.000 porteurs du virus du Sida placés sous Arv en République du Bénin. Ils représentent 33,33% des 60.000 Pvvih. Quant aux 40.000 autres, plusieurs raisons expliquent leur attente. Parmi eux, 2000 meurent chaque année faute de soins. « Toutes les Pvvih ne peuvent pas être systématiquement mises sous Arv. Nous avons des critères d’éligibilité », détaille le Dr Amédée de Souza, Chef service prise en charge au Programme national de lutte contre le Vih/Sida (Pnls).
Hormis les dons directs en molécules d’Arv offerts par certains Partenaires techniques et financiers (Ptf), environ 10 milliards de Francs Cfa sont déboursés chaque année sur financement du Fonds mondial (22.000.000.000 Fcfa, octobre 2010 à décembre 2012). 90% des acquisitions en Arv sont financés par le Fonds mondial. Les 10% sont répartis sur l’ensemble des autres Partenaires techniques et financiers. Afin de mieux prendre en charge ces malades sous Arv, 90 sites de prise en charge sont installés sur toute l’étendue du territoire national. Ces centres et hôpitaux de prise en charge des personnes vivant avec le Vih/Sida (Pec) et de Prévention de la transmission mère enfant (Ptme) accueillent, conseillent et s’occupent de la prise en charge psychologique et médicale des Pvvih. « Chaque fois que des personnes sont dépistées séropositives, elles sont référées vers ces centres qui s’occupent de leur prise en charge », explique Marius Acotchou, président du Réseau des personnes vivant avec le Vih/Sida au Bénin (Rébap+). « Placés désormais sous contrôle, ces malades bénéficient à un stade donné (en fonction du taux de lymphocyte Cd4 - globules blancs - et de la masse corporelle, Ndlr) des Arv », poursuit-il. De la quantification des besoins en Arv à leur mise à disposition des malades, la procédure est complexe. « La conditionnalité de toute commande d’Arv sous le Fonds mondial passe par la validation des documents de commande. Ce n’est qu’après cette étape que l’appel d’offres est lancé. C’est une procédure complexe », relate le Dr Mireille Ahoyo da Silva, Chef service Gestion des médicaments et produits de laboratoire au Pnls. Depuis peu, les médicaments sont livrés et réceptionnés par le Dépôt principal de la Centrale d’achat des médicaments essentiels et consommables médicaux (Came) à Cotonou. « Ces médicaments sont d’abord mis en quarantaine puis contrôlés. Ce n’est qu’après la confirmation par le laboratoire de leur qualité que la quarantaine est levée. Et nous passons à la distribution », précise le Dr Marcus Viakin Kintossou, Chef dépôt régional de la Came Parakou. Placées sous la coupole du Pnls et ses structures décentralisées (les Centres d’information, de prospective, d’écoute et de conseils (Cipec), ces distributions sont assurées par Came Cotonou, pour ce qui concerne les sites situés dans les départements du Sud et du Centre. Les dépôts Came de Parakou et de Natitingou alimentent eux les sites du septentrion.
Chaque site dispose d’un stock d’alerte de trois mois et un stock de fonctionnement d’un mois. « Chaque gestionnaire d’Arv (celui qui a en charge la gestion des Arv sur les sites de prise en charge, qui en donne aux Pvvih et en rend compte) est tenu de faire un rapport mensuel et d’établir un bon de commande afin d’obtenir dans un mois les produits demandés. Ainsi, à la fin de chaque mois, nos équipes sont dépêchées sur le terrain. Elles collectent les rapports, les bons de commande et mettent à la disposition des gestionnaires d’Arv, les molécules commandées lors de leur dernier passage », retrace le Dr Marcus Viakin Kintossou.
Malgré la volonté et la détermination de la plupart des Pvvih sous Arv à suivre le traitement, ces malades sont généralement confrontés aux problèmes de ruptures de molécules sur les sites de prises en charge. Selon ces bénéficiaires, il existe deux catégories de ruptures. « Il y a des ruptures au plan national et au niveau des sites de prise en charge. Mais souvent, ce ne sont pas toutes les molécules (médicaments, Ndrl) qui manquent à la fois. Je pense que c’est un problème d’organisation qui se pose », regrette Marius Acotchou.
Pour gérer ces ruptures, les stratégies varient d’un site à un autre. « En cas d’absence d’une molécule, nous arrêtons le traitement », renseigne Ambroise Toton, agent de santé à l’Organisation pour le service et vie (Osv Jordan) Parakou. Par contre, d’autres agents de santé optent pour la substitution de molécules : « Lorsqu’il y a rupture, vous êtes obligés de changer de protocole (Combinaison de molécule, Ndlr », note le Dr Félix Atakpa, gestionnaire des Arv au Centre hospitalier départemental (Chd) Borgou. Parfois, afin de faire face à la crise, les responsables de sites de prise en charge d’Arv se prêtent des produits, en attendant le prochain ravitaillement. « Pour ne pas pénaliser les malades, nous sommes obligés en cas de rupture d’aller négocier les médicaments au niveau des autres sites qui en disposent. Dès qu’il y a de disponibilité de stock, nous rétrocédons », explique Béatrice Gnonhossou, agent de santé au Chd Borgou. Dans le souci d’avoir toujours des stocks disponibles et de satisfaire tous les malades, des gestionnaires de stock n’hésitent pas à réduire la quantité des médicaments d’Arv. Au lieu d’en donner pour un ou deux mois, ils en donnent pour une à deux semaines aux Pvvih. C’est le cas du site de l’hôpital de Boko, situé à 30 km de Parakou, où des Pvvih reçoivent toutes les deux semaines des Arv au lieu d’une fois par mois. A ce jour, le Bénin dispose de trois types (lignes) de traitement à base d’antirétroviraux. Chaque ligne composée de plusieurs molécules, généralement trois, est administrée en fonction du stade de la maladie et des résistances observées. « Dès que le malade qui est placé sous une ligne des molécules développe des résistances, il passe à la ligne suivante », précise le Dr Félix Atakpa.
La mauvaise foi
« En réalité, même s’il y a des ruptures au niveau national, il ne devrait pas y avoir de problème de stock au niveau des sites parce qu’en plus des trois mois de stock dont doivent disposer chaque site, nous leur donnons un mois de roulement. Donc s’il s’avère qu’il y a rupture au niveau national, les sites auront au moins trois mois avec leur stock d’alerte », soutient le Dr Marcus Viakin Kintossou. « Mais, poursuit-il, certains gestionnaires d’Arv n’arrivent pas à produire à tant leur rapport mensuel, et mieux d’autres sites ne possèdent même pas de gestionnaire d’Arv, (la distribution est confiée aux simples agents, Ndlr) ». Il en découle la réticence des agents de la Came à approvisionner ces sites en Arv, alors que de l’autre côté, le Pnls suit au fur et à mesure l’utilisation de ses produits. « Si, sur votre site de prise en charge, vous ne jouez pas des pieds et des mains pour pondre à tant votre rapport, la Came ne peut pas vous servir encore un autre stock, sans qu’elle n’ait l’assurance que vous avez utilisé rationnellement le stock préalable et que vous avez pondu des rapports qui sont approuvés. », renchérit Marius Acotchou, président Rébap+ : « A Parakou par exemple, sur un site, il y a un agent qui est à la fois infirmier et dispensateur d’Arv. Vous imaginez quand celui-là descend de la garde, il n’aura plus le temps de revenir parler des Arv. Il le fera lorsqu’il aura un bout de temps parce qu’il se dit : ce qui me paie le plus mon salaire, c’est de l’autre côté (le titre d’infirmier et non de gestionnaire d’Arv ou chargé de prise en charge des Pvvih, Ndlr) » poursuit-il. Selon le Dr Marcus Viakin Kintossou : « Les trois mois de stock d’alerte ne sont plus respectés dans ces conditions ». Même réquisitoire du côté des associations de Pvvih du Borgou et du Zou. « Les gens nous disent qu’ils ne sont pas motivés. En plus de leur quotidien en tant qu’agent de santé, ils ne perçoivent pas d’autres émoluments relatifs à la prise en charge des Pvvih », relève sous anonymat, une Pvvih à Abomey. Ce que confirme Maxime Todonou, gestionnaire de stock, Osv Jordan Parakou : « Nous n’avons aucun contrat. Nous sommes juste sollicités à travers nos centres à prendre en charge les Pvvih », déclare-t-il. Hormis ces dysfonctionnements, au plan national plusieurs raisons motivent ces ruptures d’Arv. « Parfois les produits sont disponibles, mais on nous dit qu’il n’y a pas de moyens pour les convoyer sur les sites, surtout ceux de l’intérieur du pays », fustige un responsable d’association de Pvvih du Zou. Du côté du Pnls, cette plainte n’est pas fondée. Car, aux dires de certains responsables, la Came a la responsabilité de distribuer sur tous les sites les Arv. « Elle rend compte mensuellement au Pnls », indiquent-ils. L’autre raison, qui fâche les Pvvih, est la lenteur administrative. Selon Marius Acotchou, les procédures administratives sont trop lourdes. « Une demande de besoins d’Arv envoyée le 4 novembre 2010 a été validée par le bailleur le 20 mai 2011. Ce qui a provoqué la dernière rupture de molécule (premier semestre de 2011, Ndlr), alors que les documents transmis étaient finalisés », détaille une source proche du Pnls. Cela pèse énormément sur le système de prise en charge. » Il déplore, à l’instar de certains acteurs œuvrant dans la lutte contre le Vih/Sida, le fait que le Bénin continue de compter sur les bailleurs de fonds et partenaires techniques et les financiers pour l’acquisition des Arv. La mauvaise foi de certains fournisseurs d’Arv qui ne livrent pas les produits dans les délais contractuels est également mise à nu.
« Le pauvre n’a pas droit à la parole »
Les conséquences des ruptures d’Arv sur les malades sont nombreuses. Au plan moral, à chaque fois qu’il y a rupture, c’est la panique : « c’était une réaction de panique qu’il y a eu à leur niveau (Pvvih, Ndlr) ; ce qui a fait que nous avons substitué les molécules. Et cela nous a vraiment aidés. Dieu merci, nous n’avons pas connu de décès », étaye Maxime Djidonou, gestionnaire des Arv à l’Osv Jordan, en réponse aux conséquences de la récente rupture d’Arv en 2011. « Psychologiquement, la personne est atteinte », confirme le Dr Félix Atakpa. Sur la question des inconvénients, une Pvvih prise en charge à l’hôpital de zone de Sinendé-Bembèrèkè pique une colère : « Nous avons l’impression qu’au Bénin, le pauvre n’a pas droit à la parole. Nous les Pvvih sommes souvent considérées comme des moins que rien sur le terrain car, pour une raison ou une autre, les ruptures se créent. Nous avons eu des ruptures d’un mois, on sait ce que cela a donné ». Pour le Dr Marcus Comlan Viakin Kintossou, « lorsqu’un malade arrête de suivre son traitement, il développe des résistances du virus contre le même médicament qu’il aura à prendre un peu plus tard. Ce genre de résistance forcément va entrainer une inefficacité ». Nonobstant le fait que la substitution n’a, selon certains spécialistes, aucun impact négatif sur le traitement, elle constitue pour d’autres un risque. « Lorsqu’il n’y aura plus de ligne, il n’y a plus rien à faire, c’est la mort », alerte Ambroise Toton, agent de santé. Entre la rupture, la substitution, le changement de ligne et la mort, les malades sont également confrontés à des problèmes d’ordre économique. En témoignent ces propos de Yabi Vincent, Kpambouragni, médiateur : « Hier, il y a un ami qui a effectué plus de 50 km de voyage et on lui a donné seulement des Arv pour un mois. C’est des charges financières pour lui parce qu’il doit revenir chaque mois. » L’autre fait qui met à mal le budget des Pvvih, ce sont certains bilans qui sont demandés après les périodes de rupture. Aussi, font-ils eux-mêmes face aux maladies opportunistes.
La thérapie…
« Avant, les malades n’aimaient pas suivre les traitements ; maintenant cela ne dépend plus d’eux », constaste Ambroise Toton. Il invite les acteurs impliqués à tous les niveaux à prendre conscience du rôle qui est le leur dans la lutte contre le Vih au Bénin. « Les Partenaires techniques et financiers disent que des milliards, il y en a au Bénin pour résoudre les équations en matière d’Arv. Il faudrait que chacun joue sa partition à temps. », exhorte Marius Acotchou qui met l’accent sur une meilleure organisation du personnel au niveau des sites de prise en charge : « Il faut éviter de mettre des gens de niveau inférieur. Parfois vous tombez sur des gens qui sont débordés. Il faudrait qu’au niveau des sites on soit beaucoup plus exigeant et qu’on mette un système performant de gestion des Arv, pour qu’on n’en arrive plus à ces ruptures d’Arv. » Dans le même sens, le Dr Marcus Viakin Kintossou plaide pour des formations en faveur des gestionnaires des Arv de sites de prise en charge.
« Au plan national, l’Etat ainsi que les bailleurs doivent faire de leur mieux afin de garantir aux malades les molécules. Les acteurs doivent bien jouer leur partition », propose Maxime Djidonou qui suggère aux autorités de lancer des commandes d’Arv auprès des laboratoires nationaux qui en fabriquent déjà. A l’unanimité, les acteurs impliqués dans la prise en charge des Pvvih demandent à l’Etat béninois de penser à budgétiser l’acquisition des Arv. « Sans Arv, Sida=Mort », déclare Pascal Atikpa, Chargé de programme de l’Ong Centre de réflexion et d’action pour le développement intégré et la solidarité (Ceradis).
Hormis les dons directs en molécules d’Arv offerts par certains Partenaires techniques et financiers (Ptf), environ 10 milliards de Francs Cfa sont déboursés chaque année sur financement du Fonds mondial (22.000.000.000 Fcfa, octobre 2010 à décembre 2012). 90% des acquisitions en Arv sont financés par le Fonds mondial. Les 10% sont répartis sur l’ensemble des autres Partenaires techniques et financiers. Afin de mieux prendre en charge ces malades sous Arv, 90 sites de prise en charge sont installés sur toute l’étendue du territoire national. Ces centres et hôpitaux de prise en charge des personnes vivant avec le Vih/Sida (Pec) et de Prévention de la transmission mère enfant (Ptme) accueillent, conseillent et s’occupent de la prise en charge psychologique et médicale des Pvvih. « Chaque fois que des personnes sont dépistées séropositives, elles sont référées vers ces centres qui s’occupent de leur prise en charge », explique Marius Acotchou, président du Réseau des personnes vivant avec le Vih/Sida au Bénin (Rébap+). « Placés désormais sous contrôle, ces malades bénéficient à un stade donné (en fonction du taux de lymphocyte Cd4 - globules blancs - et de la masse corporelle, Ndlr) des Arv », poursuit-il. De la quantification des besoins en Arv à leur mise à disposition des malades, la procédure est complexe. « La conditionnalité de toute commande d’Arv sous le Fonds mondial passe par la validation des documents de commande. Ce n’est qu’après cette étape que l’appel d’offres est lancé. C’est une procédure complexe », relate le Dr Mireille Ahoyo da Silva, Chef service Gestion des médicaments et produits de laboratoire au Pnls. Depuis peu, les médicaments sont livrés et réceptionnés par le Dépôt principal de la Centrale d’achat des médicaments essentiels et consommables médicaux (Came) à Cotonou. « Ces médicaments sont d’abord mis en quarantaine puis contrôlés. Ce n’est qu’après la confirmation par le laboratoire de leur qualité que la quarantaine est levée. Et nous passons à la distribution », précise le Dr Marcus Viakin Kintossou, Chef dépôt régional de la Came Parakou. Placées sous la coupole du Pnls et ses structures décentralisées (les Centres d’information, de prospective, d’écoute et de conseils (Cipec), ces distributions sont assurées par Came Cotonou, pour ce qui concerne les sites situés dans les départements du Sud et du Centre. Les dépôts Came de Parakou et de Natitingou alimentent eux les sites du septentrion.
Chaque site dispose d’un stock d’alerte de trois mois et un stock de fonctionnement d’un mois. « Chaque gestionnaire d’Arv (celui qui a en charge la gestion des Arv sur les sites de prise en charge, qui en donne aux Pvvih et en rend compte) est tenu de faire un rapport mensuel et d’établir un bon de commande afin d’obtenir dans un mois les produits demandés. Ainsi, à la fin de chaque mois, nos équipes sont dépêchées sur le terrain. Elles collectent les rapports, les bons de commande et mettent à la disposition des gestionnaires d’Arv, les molécules commandées lors de leur dernier passage », retrace le Dr Marcus Viakin Kintossou.
Malgré la volonté et la détermination de la plupart des Pvvih sous Arv à suivre le traitement, ces malades sont généralement confrontés aux problèmes de ruptures de molécules sur les sites de prises en charge. Selon ces bénéficiaires, il existe deux catégories de ruptures. « Il y a des ruptures au plan national et au niveau des sites de prise en charge. Mais souvent, ce ne sont pas toutes les molécules (médicaments, Ndrl) qui manquent à la fois. Je pense que c’est un problème d’organisation qui se pose », regrette Marius Acotchou.
Pour gérer ces ruptures, les stratégies varient d’un site à un autre. « En cas d’absence d’une molécule, nous arrêtons le traitement », renseigne Ambroise Toton, agent de santé à l’Organisation pour le service et vie (Osv Jordan) Parakou. Par contre, d’autres agents de santé optent pour la substitution de molécules : « Lorsqu’il y a rupture, vous êtes obligés de changer de protocole (Combinaison de molécule, Ndlr », note le Dr Félix Atakpa, gestionnaire des Arv au Centre hospitalier départemental (Chd) Borgou. Parfois, afin de faire face à la crise, les responsables de sites de prise en charge d’Arv se prêtent des produits, en attendant le prochain ravitaillement. « Pour ne pas pénaliser les malades, nous sommes obligés en cas de rupture d’aller négocier les médicaments au niveau des autres sites qui en disposent. Dès qu’il y a de disponibilité de stock, nous rétrocédons », explique Béatrice Gnonhossou, agent de santé au Chd Borgou. Dans le souci d’avoir toujours des stocks disponibles et de satisfaire tous les malades, des gestionnaires de stock n’hésitent pas à réduire la quantité des médicaments d’Arv. Au lieu d’en donner pour un ou deux mois, ils en donnent pour une à deux semaines aux Pvvih. C’est le cas du site de l’hôpital de Boko, situé à 30 km de Parakou, où des Pvvih reçoivent toutes les deux semaines des Arv au lieu d’une fois par mois. A ce jour, le Bénin dispose de trois types (lignes) de traitement à base d’antirétroviraux. Chaque ligne composée de plusieurs molécules, généralement trois, est administrée en fonction du stade de la maladie et des résistances observées. « Dès que le malade qui est placé sous une ligne des molécules développe des résistances, il passe à la ligne suivante », précise le Dr Félix Atakpa.
La mauvaise foi
« En réalité, même s’il y a des ruptures au niveau national, il ne devrait pas y avoir de problème de stock au niveau des sites parce qu’en plus des trois mois de stock dont doivent disposer chaque site, nous leur donnons un mois de roulement. Donc s’il s’avère qu’il y a rupture au niveau national, les sites auront au moins trois mois avec leur stock d’alerte », soutient le Dr Marcus Viakin Kintossou. « Mais, poursuit-il, certains gestionnaires d’Arv n’arrivent pas à produire à tant leur rapport mensuel, et mieux d’autres sites ne possèdent même pas de gestionnaire d’Arv, (la distribution est confiée aux simples agents, Ndlr) ». Il en découle la réticence des agents de la Came à approvisionner ces sites en Arv, alors que de l’autre côté, le Pnls suit au fur et à mesure l’utilisation de ses produits. « Si, sur votre site de prise en charge, vous ne jouez pas des pieds et des mains pour pondre à tant votre rapport, la Came ne peut pas vous servir encore un autre stock, sans qu’elle n’ait l’assurance que vous avez utilisé rationnellement le stock préalable et que vous avez pondu des rapports qui sont approuvés. », renchérit Marius Acotchou, président Rébap+ : « A Parakou par exemple, sur un site, il y a un agent qui est à la fois infirmier et dispensateur d’Arv. Vous imaginez quand celui-là descend de la garde, il n’aura plus le temps de revenir parler des Arv. Il le fera lorsqu’il aura un bout de temps parce qu’il se dit : ce qui me paie le plus mon salaire, c’est de l’autre côté (le titre d’infirmier et non de gestionnaire d’Arv ou chargé de prise en charge des Pvvih, Ndlr) » poursuit-il. Selon le Dr Marcus Viakin Kintossou : « Les trois mois de stock d’alerte ne sont plus respectés dans ces conditions ». Même réquisitoire du côté des associations de Pvvih du Borgou et du Zou. « Les gens nous disent qu’ils ne sont pas motivés. En plus de leur quotidien en tant qu’agent de santé, ils ne perçoivent pas d’autres émoluments relatifs à la prise en charge des Pvvih », relève sous anonymat, une Pvvih à Abomey. Ce que confirme Maxime Todonou, gestionnaire de stock, Osv Jordan Parakou : « Nous n’avons aucun contrat. Nous sommes juste sollicités à travers nos centres à prendre en charge les Pvvih », déclare-t-il. Hormis ces dysfonctionnements, au plan national plusieurs raisons motivent ces ruptures d’Arv. « Parfois les produits sont disponibles, mais on nous dit qu’il n’y a pas de moyens pour les convoyer sur les sites, surtout ceux de l’intérieur du pays », fustige un responsable d’association de Pvvih du Zou. Du côté du Pnls, cette plainte n’est pas fondée. Car, aux dires de certains responsables, la Came a la responsabilité de distribuer sur tous les sites les Arv. « Elle rend compte mensuellement au Pnls », indiquent-ils. L’autre raison, qui fâche les Pvvih, est la lenteur administrative. Selon Marius Acotchou, les procédures administratives sont trop lourdes. « Une demande de besoins d’Arv envoyée le 4 novembre 2010 a été validée par le bailleur le 20 mai 2011. Ce qui a provoqué la dernière rupture de molécule (premier semestre de 2011, Ndlr), alors que les documents transmis étaient finalisés », détaille une source proche du Pnls. Cela pèse énormément sur le système de prise en charge. » Il déplore, à l’instar de certains acteurs œuvrant dans la lutte contre le Vih/Sida, le fait que le Bénin continue de compter sur les bailleurs de fonds et partenaires techniques et les financiers pour l’acquisition des Arv. La mauvaise foi de certains fournisseurs d’Arv qui ne livrent pas les produits dans les délais contractuels est également mise à nu.
« Le pauvre n’a pas droit à la parole »
Les conséquences des ruptures d’Arv sur les malades sont nombreuses. Au plan moral, à chaque fois qu’il y a rupture, c’est la panique : « c’était une réaction de panique qu’il y a eu à leur niveau (Pvvih, Ndlr) ; ce qui a fait que nous avons substitué les molécules. Et cela nous a vraiment aidés. Dieu merci, nous n’avons pas connu de décès », étaye Maxime Djidonou, gestionnaire des Arv à l’Osv Jordan, en réponse aux conséquences de la récente rupture d’Arv en 2011. « Psychologiquement, la personne est atteinte », confirme le Dr Félix Atakpa. Sur la question des inconvénients, une Pvvih prise en charge à l’hôpital de zone de Sinendé-Bembèrèkè pique une colère : « Nous avons l’impression qu’au Bénin, le pauvre n’a pas droit à la parole. Nous les Pvvih sommes souvent considérées comme des moins que rien sur le terrain car, pour une raison ou une autre, les ruptures se créent. Nous avons eu des ruptures d’un mois, on sait ce que cela a donné ». Pour le Dr Marcus Comlan Viakin Kintossou, « lorsqu’un malade arrête de suivre son traitement, il développe des résistances du virus contre le même médicament qu’il aura à prendre un peu plus tard. Ce genre de résistance forcément va entrainer une inefficacité ». Nonobstant le fait que la substitution n’a, selon certains spécialistes, aucun impact négatif sur le traitement, elle constitue pour d’autres un risque. « Lorsqu’il n’y aura plus de ligne, il n’y a plus rien à faire, c’est la mort », alerte Ambroise Toton, agent de santé. Entre la rupture, la substitution, le changement de ligne et la mort, les malades sont également confrontés à des problèmes d’ordre économique. En témoignent ces propos de Yabi Vincent, Kpambouragni, médiateur : « Hier, il y a un ami qui a effectué plus de 50 km de voyage et on lui a donné seulement des Arv pour un mois. C’est des charges financières pour lui parce qu’il doit revenir chaque mois. » L’autre fait qui met à mal le budget des Pvvih, ce sont certains bilans qui sont demandés après les périodes de rupture. Aussi, font-ils eux-mêmes face aux maladies opportunistes.
La thérapie…
« Avant, les malades n’aimaient pas suivre les traitements ; maintenant cela ne dépend plus d’eux », constaste Ambroise Toton. Il invite les acteurs impliqués à tous les niveaux à prendre conscience du rôle qui est le leur dans la lutte contre le Vih au Bénin. « Les Partenaires techniques et financiers disent que des milliards, il y en a au Bénin pour résoudre les équations en matière d’Arv. Il faudrait que chacun joue sa partition à temps. », exhorte Marius Acotchou qui met l’accent sur une meilleure organisation du personnel au niveau des sites de prise en charge : « Il faut éviter de mettre des gens de niveau inférieur. Parfois vous tombez sur des gens qui sont débordés. Il faudrait qu’au niveau des sites on soit beaucoup plus exigeant et qu’on mette un système performant de gestion des Arv, pour qu’on n’en arrive plus à ces ruptures d’Arv. » Dans le même sens, le Dr Marcus Viakin Kintossou plaide pour des formations en faveur des gestionnaires des Arv de sites de prise en charge.
« Au plan national, l’Etat ainsi que les bailleurs doivent faire de leur mieux afin de garantir aux malades les molécules. Les acteurs doivent bien jouer leur partition », propose Maxime Djidonou qui suggère aux autorités de lancer des commandes d’Arv auprès des laboratoires nationaux qui en fabriquent déjà. A l’unanimité, les acteurs impliqués dans la prise en charge des Pvvih demandent à l’Etat béninois de penser à budgétiser l’acquisition des Arv. « Sans Arv, Sida=Mort », déclare Pascal Atikpa, Chargé de programme de l’Ong Centre de réflexion et d’action pour le développement intégré et la solidarité (Ceradis).
Chimelle Gandonou
(Quotidien Le Matinal)
Enquête réalisée grâce au soutien de l’Upmb avec l’appui financier du Padeg/Danida
(Quotidien Le Matinal)
Enquête réalisée grâce au soutien de l’Upmb avec l’appui financier du Padeg/Danida
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