L’avenir délicat des PV/VIH-Sida
Depuis deux ans déjà le monde entier est frappé par une crise économique intégrale qui n’épargne aucun secteur d’activité. Une crise qui a atteint un niveau tel que ce n’est plus indécent pour un pays riche de manquer au respect des engagements pris en faveur des pays pauvres. Dans cet environnement d’incertitude totale, les pays du Sud se livrent pratiquement une bataille peu loyale pour accéder du mieux possible à l’aide publique au développement qui se raréfie. Voilà le contexte dans lequel les malades du Sida résidents dans les pays pauvres du Sud doivent attendre les généreux donateurs, contributeurs du Fonds mondial pour le Sida, avant de s’assurer une prise en charge gratuite et efficiente. En tant qu’observateur de la société béninoise et surtout témoin des faits qui la caractérisent, nous nourrissons une certaine inquiétude sur le sujet pour les mois ou même années à venir. Imaginez qu’en Occident, à la Banque mondiale notamment, les responsables dudit fonds ont exprimé leurs inquiétudes, du fait de la crise, dès l’année 2008...
Nous n’avons pas vocation à prendre comme prétexte le malheur des autres pour alarmer l’opinion publique. Cependant le présent commentaire est inspiré d’une réflexion que nous voudrions bien partager avec le grand nombre. Imaginez qu’à une date donnée il était devenu impossible pour les structures impliquées dans la prise en charge des Porteurs vivants avec le VIH (PVVIH) d’assumer leur mission. Pensez-vous que ce soit possible pour les PVVIH de la société béninoise en particulier et à ceux des pays du Sud en général de s’organiser pour revendiquer quoi que ce soit ? A notre sens, étant entendu la particularité de cette maladie et les préjugés de la société à ce propos, une telle organisation a peu de chance de voir le jour. Seule une certaine société civile peut se mettre au devant de la scène pour défendre lesdits malades. Et si cette société civile manquait à son devoir, les PVVIH mourront en série, à petit coup et en silence sans que personne ne soupçonne quoi que ce soit.
Le mardi 24 novembre 2009, l’Onu-Sida a rendu public un rapport annuel très éloquent. Celui de 2010 ne s’est pas trop éloigné des conclusions de ceux précédents. Si sur le plan global la lutte contre le VIH-Sida a donné des résultats, cette performance générale cache des insuffisances majeures. En effet, aux termes desdits rapports, les pays occidentaux ont connu des avancées significatives et rassurantes. L’Afrique au Sud du Sahara n’est pas du reste. Ses améliorations les plus insignifiantes cohabitent avec ses insuffisances notoires, voire, les plus catastrophiques. Si le Bénin, dans une certaine mesure, peut relativement se réjouir du contenu de ce rapport, ce n’est pas le cas pour le seul pays qualifié d’émergeant en Afrique. Le pays de Nelson Mandela, en vingt ans, a connu une régression de 12 ans de son espérance de vie, principalement du fait de la pandémie du Sida. Il n’y a donc pas matière à « jazzer », quelque soient les relatives performances.
Prendre conscience de la réalité
« A la date d’aujourd’hui il n’est pas alarmiste de clamer haut et fort qu’il y a déjà un certain amenuisement du Fonds mondial pour la lutte contre le Sida. Les acteurs du système le reconnaissent en attendant peut être, on ne sait jamais, le pire. ». Cette affirmation n’est pas de nous, mais d’une personnalité française impliquée dans le fonctionnement du Fonds mondial pour la lutte contre le VIH-Sida. Pour cette personnalité, qui est intervenue plus d’une fois sur Radio France internationale, l’avenir de la prise en charge des PVVIH surtout dans les pays du Sud est préoccupant. Pour elle, plus aucun pays riche n’honore ses engagements vis-à-vis du Fonds. Elle soutient que ceci était une réalité bien avant la crise économique actuelle qui n’a fait que l’accentuer.
Le lundi 16 novembre 2010, le monde entier entendait les cris de détresse d’un Jaques Diouf froissé par le désintéressement affiché par l’Occident face à ces déclarations, pourtant très alarmistes, à propos de la faim dans monde. Selon des statistiques qu’il rapportait à la communauté internationale, dans le monde, au moins une personne mourrait de la faim toutes les six secondes. N’est-ce pas plus préoccupant que la pandémie du Sida ? Pourtant, cette déclaration a laissé indifférents les pays du G8 au point où Jacques Diouf a l’impression d’avoir prêché dans le désert.
Cette digression, nous la faisons pour dire que les inquiétudes que nous évoquions plus haut à propos du Sida doivent nous préoccuper au plus haut point si nous ne voulons pas nous laisser surprendre les semaines, les mois et années à venir. Car, une régression du Fonds mondial entraînerait inévitablement une baisse du taux de prise en charge des malades.
Lorsque vous parcourez le document « Cadre stratégique national de lutte contre le VIH/SIDA/IST 2007-2011 au Bénin», préfacé par le président de la République, et que vous rapporter son contenu à la réalité actuelle, vous vous rendez compte qu’il y a des impératifs qui s’imposent à la société béninoise, quelle soit politique ou civile. Mais, l’observateur averti que nous sommes ne voyons pas venir des initiatives sérieuses et convaincantes à ce sujet. Il est vrai que la situation du Bénin n’est pas aussi alarmiste que cela avec un taux de prévalence moyenne nationale qui tourne autour de 2% pour une population d’environ huit millions d’âmes, selon le document cité plus haut. Mais aussi bas soit ce taux, le Bénin n’est jamais arrivé à prendre en charge la totalité des PVVIH. Les raisons sont multiples et ne dépendent pas toujours de la non disponibilité des produits. Car, il arrive que des malades du Sida ne se rapprochent des structures chargées de la prise en charge par ignorance ou du fait de leur volonté. Dans tous les cas, il est une constance qu’il y a des efforts à faire pour affiner la prise en charge en temps normal. Mais voilà qu’il y a désormais des contraintes majeures qui viennent remettre en cause le circuit traditionnel de mobilisation de ressources pour la prise en charge des PVVIH. En attendant d’espérer que les donateurs révisent leurs attitudes, à la limité suicidaires, il sera cynique d’attendre en croisant tout simplement les doigts.
Des pistes à explorer
Selon les statistiques les plus récentes rendues publiques par l’Etat béninois, plus de cinq mille PVVIH sont pris en charge gratuitement en République du Bénin du fait des structures officielles. Le chiffre en lui seul est assez expressif. Ce chiffre montre en effet que le Bénin est loin de l’objectif de la prise en charge intégrale de tous les PVVIH résident sur le territoire national. C’est la preuve qu’il a encore de nombreux défis pendant que les ressources pour y faire face s’amenuisent.
Le 1er décembre dernier, la communauté internationale a une fois encore sacrifié à la tradition en organisant une série de manifestations de mobilisation autour de la question du SIDA. Les demandes de sponsoring ont encore circulé. Mais pour les documents de projet que nous avons pu parcourir, nous n’avons pas l’impression que notre présente inquiétude soit largement partagée par les acteurs dudit système. En effet, à notre sens, aujourd’hui où il n’y a encore aucune revendication, publiquement exprimée, à propos de la prise en charge plus efficiente des PVVIH, il importe que les acteurs du système se mobilisent autour de la question de la raréfaction du fonds mondial. Cette mobilisation est d’autant plus utile qu’elle permettra d’anticiper afin de prévoir un dispositif national de mobilisation de ressources, et ceci, le plus tôt possible. Lorsque vous circuler dans une grande ville occidentale, où vivent les principaux contributeurs du Fonds mondial, vous trouvez quasiment à tous les coins de rue de grosses caisses de mobilisation de ressources pour financer la lutte contre le Sida. Ce n’est pas parce qu’il existe un Fond mondial de lutte contre le Sida qu’il ne doit plus y avoir dans les pays bénéficiaires dudit fonds un autre dispositif intérieur de mobilisation de ressources en dehors du trésor public. Car, dans un pays pauvre, il y a des hommes qui dégagent un excédent de ressources pour ne pas dire des hommes riches. Il y a au Bénin et ailleurs en Afrique des hommes riches qui peuvent faire preuve de générosité au point de pouvoir prendre en charge au moins un malade qui a besoin d’assistance pour survivre. Aujourd’hui, même avec la crise actuelle, il existe au Bénin des entreprises capables de faire autant, sinon mieux. Mais les occupations de ces personnes physiques et morales ne leur permettent pas de penser, seules à leur niveau, à ces questions. Pour faire d’une telle mobilisation de ressources un événement attractif, l’option d’un Téléthon peut être examinée. Ainsi, la responsabilité des structures en charge de la question est grande.
Nous n’avons pas la prétention d’avoir la meilleur inspiration qui soi. Il s’agit tout simplement d’une contribution citoyenne à une préoccupation publique qui mérite une certaine attention en cette période que nous traversons. Notre souhait est que les voix les plus autorisées se saisissent du sujet afin que nos idées soient affinées dans le but d’aboutir à une stratégie nationale de mobilisation de ressources. Des ressources intérieures indispensables à la lutte mondiale contre le fléau du Sida.
Aubin R. Towanou
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