jeudi 24 novembre 2011

Conséquences de la crise économique mondiale:

Le franc Cfa dévalué le 1er janvier 2012?

NB: Le texte dont la teneur suit, est un article d'un confrère ivoirien, tiré d'un journal paraissant en Côte d'Ivoire. Nous le publions ici parce que nous sommes préoccupés par le sujet abordé. Déjà, en dehors de toute dévaluation du Franc Cfa, les effets pervers de l'actuelle crise mondiale doublée de la "crise de l'euro" créent déjà d'énormes distortions dans les économies africaines, notamment celle de l'Uemoa. dans un tel contexte, une dévaluation ne ferait qu'accroître les difficultés déjà suffisament perceptibles actuellement. C'est pouquoi, nous prenons ici le risque de rendre publique la présente information si elle pouvait servir à quelque chose, nous aurions fait oeuvre utile. Lire l'intégralité de l'article du confrère ivoirien.
Togo, Bénin, Niger, Burkina Faso… le quotidien ivoirien "Notre voie" dévoile l’objet de la tournée ouest-africaine de Ouattara. C’est une information exclusive. Les pays membres de la zone Cfa n’ont pas fini de souffrir. Cette fois, c’est le noir qu’ils vont commencer à broyer. Si rien ne vient entre temps changer la donne, dès le 1er janvier 2012, c’est-à-dire dans 40 jours, le F Cfa sera dévalué à nouveau. La parité fixe qui jusque-là était de 1 euro=655,59 F Cfa, passera à 1 euro=1000F Cfa.
 
Selon un diplomate européen, c’est pour apporter cette information aux chefs d’Etat de l’Uemoa qu’Alassane Dramane Ouattara a fait le tour de la sous-région la semaine dernière. Il a été mandaté, selon le diplomate, par le président français Nicolas Sarkozy. « En Afrique centrale, c’est à Denis Sassou Nguesso que la mission a été confiée d’informer ses homologues de la Cemac mais aussi des Comores », ajoute notre source. Le diplomate assure que Sarkozy, compte tenu des problèmes que le Président sénégalais rencontre actuellement et surtout à cause de sa grande susceptibilité, a tenu à parler personnellement à Abdoulaye Wade, lequel devrait informer son petit voisin Bissau-guinéen. Comme on peut s’en douter, cette mesure de dévaluation du F Cfa est venue de la grave crise que traverse en ce moment l’Europe de l’euro et que seule, l’Allemagne supporte à travers ses caisses. C’est donc la Chancelière allemande, Angela Merkel, qui, selon nos sources, a demandé à son homologue français, Nicolas Sarkozy, de mettre de l’ordre dans les ex-colonies françaises avant qu’il ne soit tard. Mais si l’on regarde bien le schéma, il ne s’agit pas, à travers cette mise en garde de Mme Merkel, de sauver les économies des pays de la zone F Cfa. Il s’agit bien d’aider la France à éviter de sombrer, ce qui pourrait plomber la zone euro, l’Allemagne ne pouvant plus à elle seule financer les déficits de cette zone. Mais qu’est-ce que la dévaluation du F Cfa peut bien apporter à la France au plan financier et budgétaire ? Beaucoup, beaucoup trop même.
Au travers de la guerre militaire qu’elle a menée ouvertement en Côte d’Ivoire pour renverser Laurent Gbagbo, la France a réussi à mettre sous l’éteignoir, tous les nationalistes et autres souverainistes dont le fondement de la politique est de redonner à l’Afrique, toute sa dignité. Laquelle devrait lui permettre de diversifier ses relations commerciales et politiques avec le reste du monde et non plus seulement avec l’ancienne puissance coloniale. Le cas de la Côte d’Ivoire est édifiant à cet égard. Aujourd’hui, tout semble dire que les accords de 1961, lendemain des indépendances, ont été réveillés. Les sociétés françaises ont récupéré tous les marchés. Bouygues est présent partout et il ne serait pas surprenant que, pour acheter désormais sur le marché mondial, l’Etat de Côte d’Ivoire passe forcément par l’Etat français. En d’autres termes, c’est en France que nous allons désormais acheter tout. Et comme tout cela se fait en devise (euro), nous allons dépenser beaucoup de Cfa pour obtenir peu de produits. Ce qui arrangerait vraiment la France, si l’on tient compte de l’ensemble des pays de la zone Cfa qui vont acheter sur le marché français ou qui vont être obligés de faire transiter leurs marchandises par les ports et aéroports français. Si l’on ajoute à cela l’exploitation honteuse de nos ressources à laquelle se livre en toute impunité la France, on peut dire que le pari est gagné pour Paris de trouver les milliards d’euro qu’elle cherche partout pour combler son déficit.
De l’avis d’un expert, les pays africains vont contribuer, avec cette mesure, pour 40% de leurs avoirs, au colmatage du déficit français. Comme en janvier 1994, lors de la première dévaluation, les pays africains qui font la manche recevront encore beaucoup d’argent des pays européens. Puisqu’il leur suffit de dégager 1 million d’euro pour que cela se transforme en 1milliard de F Cfa. Parions ! Les hagiographes des différents palais présidentiels chanteront à l’unisson la fameuse chanson qui ne leur réussit pourtant pas : « Pluie de milliards !!! ».
Oubliant que cet argent est à rembourser non seulement avec des intérêts mais en devise. Conséquence, la dette des pays africains toujours sous la coupole de Paris va accroître de façon vertigineuse. Sacrifiant ainsi les futures générations africaines qui, une fois aux affaires, passeront le clair de leur temps à rembourser des dettes. Depuis que Ouattara est parvenu au pouvoir, les prix des produits alimentaires de première nécessité ne font qu’augmenter à la vitesse grand V. A partir du 1er janvier prochain, ça va être plus grave. La dévaluation ne peut nous servir que si nous exportons beaucoup. Tout le monde le sait. Tous les pays de l’espace francophone importent presque tout : produits manufacturés, riz, bois, poisson etc. A partir du mois de janvier 2012, c’est maintenant 1000 fcfa pour un euro. Au moment de servir le marché intérieur, les commerçants revendeurs devront tenir compte de cette nouvelle parité fixe. Les prix vont donc gonfler et ça va chauffer dans les marmites ! Le prix du carburant va suivre la flèche dans le sens vertical. Et on n’y pourra rien. Malheur aux pauvres populations africaines !
Abdoulaye Villard Sanogo
(Quotidien "Notre Voie" Côte d’Ivoire)

mercredi 23 novembre 2011

En réponse à la lettre ouverte de l'opposition béninoise au Pape

 

SEM Boni Yayi, président de la République du Bénin
en arrière plan, son premier ministre Irené Koupaki
  Boni Yayi rencontre l’opposition
Les représaentants du regroupement politique de l'opposition "Union fait la Nation" ( Un ) ont été reçus le mardi 22 novembre 2011 au Palais de la présidence de la République. La délégation, conduite par son président, M. Bruno Amoussou, est allée s’enquérir des contours du dialogue politique proposé et maintes fois évoqué, par le chef de l’Etat, mais qui tarde à être mis en pratique.

La délégation de l’Union fait la Nation qui était reçue ce mardi par le président Boni Yayi au palais de la présidence de la République était également composée du coordonateur général de l'Union, Antoine Kolawolé Idji, de l’ancien ministre, Théophile Montcho et des députés Augustin Ahouanvoébla et Eric Houndété. Cette rencontre a été obtenue au lendemain de la publication de la lettre ouverte que ledit regroupement politique de l'opposition a adressée au Pape Benoît XVI qui était en visite au Bénin du 18 au 20 novembre 2011. On pourrait dire que la plainte du président Bruno Amoussou a fait mouche. De sources dignes de foi, l’Union fait la Nation s’est rendue au palais de la République pour s’informer des réelles motivations qui sous-tendent l’appel au dialogue politique lancé par le président Yayi Boni. les membres de la délégation ont voulu savoir les raisons de l’organisation du dialogue politique avant de prendre la moindre décision dans ce cadre. Mieux, le président Bruno Amoussou et les siens veulent en savoir davantage sur les conditions de la mise en œuvre de l’initiative. Mais rien de concret n’a été retenu à la fin de l’audience qui n’aura duré que 30 minutes. Le chef de l’Etat et les responsables de l’Union devraient se revoir très prochainement pour donner du contenu au nouveau cadre de discussions mis en route.
Il convient de souligner que cette rencontre est la première  que le président de la République et les membres de l’opposition ont eue depuis la présidentielle qui a constaté en avril 2011 la réélection controversée de Boni Yayi.
 
Lettre ouverte de l'"Union fait la Nation" au Pape


A l’occasion de la visite du Pape Benoît XVI au Bénin, le regroupement de partis politiques, "Union fait la Nation" ( Un ) s’est adressé au chef de l’Eglise catholique dans une lettre datant du 16 novembre 2011. L’Un, une formation politique se réclamant de l'Opposition, y a dénoncé une régression des acquis démocratiques au Bénin au cours de ces dernières années. Elle a invité la Conférence épiscopale nationale à continuer, avec le soutien du Saint père, de s’impliquer dans la résolution des difficultés sociopolitiques nationales. Lire la lettre dont la teneur suit.
Cotonou, le 16 novembre 2011
L’Union fait la Nation
A
Sa Sainteté le Pape Benoît XVI
N/Réf. : 020./UN/PDT/CG/SP/11
 
Très Saint Père,
Nous souhaitons respectueusement à Votre Sainteté la plus chaleureuse bienvenue et un excellent séjour en terre africaine du Bénin. Nous vous exprimons notre profonde reconnaissance d’avoir choisi ce pays pour délivrer votre message au peuple de Dieu en Afrique. Votre visite est un honneur et un encouragement pour tous les Africains en lutte pour la vie. L’Union fait la Nation, qui vous fait parvenir cette correspondance, est un regroupement de partis politiques en désaccord avec la politique du Président Boni YAYI, actuellement au pouvoir au Bénin. Nous nous permettons ainsi d’emprunter le seul canal à notre portée pour nous adresser à vous.
Depuis la visite de Votre Sainteté au Cameroun en 2009, nous avons accueilli avec confiance les préoccupations que vous aviez confiées aux Evêques africains. Elles portent sur la Réconciliation, la justice et la paix. Parce qu’elles font l’objet de nos réflexions depuis lors, nous voudrions saisir cette opportunité pour souligner leur actualité et l’écho particulièrement favorable qu’elles rencontrent auprès des populations. En 2010, elles ont inspiré notre démarche de pardon mutuel, de réconciliation et de rassemblement.
S’il est vrai que la mondialisation, telle qu’elle fonctionne, traduit une perte des valeurs notamment de justice et de solidarité, cela explique difficilement toutes les déchéances morales et politiques auxquelles nous assistons. Les abus de positions dominantes, dans les relations entre les personnes, les familles ou les communautés à l’intérieur de nos pays ou entre les Etats, nourrissent nos interrogations sur la préservation d’une paix durable. Au Bénin, nous étions fiers de nos acquis démocratiques et de l’éclosion des libertés arrachées à un parti-Etat. Malheureusement, ces conquêtes auxquelles ont contribué des Prélats de l’Eglise catholique et des Autorités morales de stature exceptionnelle, enregistrent depuis quelques années une constante régression :
- Les Institutions républicaines et de contre pouvoir, qui assuraient un équilibre social et politique acceptable, ont perdu leur indépendance et ne garantissent plus d’espace d’expression de différences, encore moins de contradictions.
- La confiscation et l’achat des moyens de communication rendent inaudible toute parole jugée indésirable.
- La privation arbitraire et illégale du droit de vote de milliers de citoyens et leur exclusion du processus de choix des dirigeants de leur pays engendrent des frustrations aux conséquences imprévisibles.
- Les détournements de suffrages des électeurs, pour s’accaparer du pouvoir de façon frauduleuse, sèment les germes de conflits et d’antagonismes difficiles à réconcilier. Nous en avons fait l’expérience à l’occasion de l’établissement d’une liste électorale lors des dernières consultations et de déroulements de scrutins.
- La corruption généralisée, magnifiée et amplifiée à l’occasion des activités électorales, a détruit la valeur du travail. La promotion du gain facile a provoqué dans notre pays la ruine de milliers de compatriotes, abusés par des comportements équivoques de hautes autorités au côté d’escrocs. De pauvres citoyens ont ainsi perdu plus de 225 millions d’euros en 2010, bien au-delà du montant total des investissements publics durant la même année. Or, en Afrique et dans le monde, nous avions bâti notre renommée sur la qualité de notre travail.
Les discours ne manquent pourtant pas pour condamner officiellement et publiquement ces faits. Il s’agit de déclarations de principes, anesthésiantes, parfois chantées et dansées, que les actes démentent quotidiennement.
Très Saint Père,
Le Bénin a bénéficié, dans certaines circonstances difficiles de son histoire sociale et politique récente, du courage, de la clairvoyance et du dévouement d’autorités de l’Eglise catholique. L’action de Bernardin Cardinal GANTIN, de vénérée mémoire, et celle de Monseigneur Isidore de SOUZA, ont éclairé le chemin et permis au pays d’éviter des crises qui, ailleurs, se seraient sans doute transformées en violences sanglantes. Nous leur disons Merci. Ces dernières années, la société béninoise subit des traumatismes qui sont autant de menaces pour la réconciliation, la justice et la paix. Pendant ces temps de souffrance, elle aurait aimé qu’une parole de vérité fût dite à qui la méritait. Nous l’attendions de nos Autorités morales qui, pour la plupart, n’ont pas pris ce risque. Certaines se sont tues, tout simplement.
Cependant nous voudrions remercier la Conférence épiscopale pour son implication dans la résolution de difficultés qui surviennent dans notre pays. Elle le fait autant qu’elle le peut, peut-être en deçà de nos immenses attentes. L’Eglise catholique, qui célèbre les cent cinquante ans d’évangélisation du Bénin, a été constamment présente dans l’histoire de notre pays durant cette période. Elle y a joué un rôle déterminant que nous saluons et encourageons. Aussi voudrions-nous compter sur Elle pour inscrire dans nos cœurs et dans nos comportements la réconciliation, la justice et la paix.
Nous espérons humblement que vous continuerez de vous souvenir de l’Afrique dans vos prières.
Nous vous prions d’agréer, Très Saint Père, l’hommage déférent de notre très haute considération.

L’Union fait la Nation
Bruno Ange-Marie AMOUSSOU
Le Président

mardi 22 novembre 2011

Sous région ouest africaine

L’UEMOA confirme la nomination de Cheikh Hadjibou Soumaré
 
L’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) a confirmé la nomination de l’ancien Premier ministre sénégalais, Cheikh Hadjibou Soumaré, au poste de président de la commission de ladite organisation, dans un communiqué le vendredi dernier. Telle est l'information publiée par le site internet de "telediaspora.net". Selon la même source, M. Soumaré était membre de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), au titre de la République du Sénégal. Une nomination qui met fin à plusieurs mois de fonctionnement au rabais de la commission depuis que les ambitions présidentielles du précédent président ont pris le pas sur toutes les activités de l'organisation régionale.
 

dimanche 20 novembre 2011

Le Pape s'adresse aux politiques africains

 Les Vérités de Benoit XVI au Continent Africain


Le 19 novembre 2011, à l'occasion de sa rencontre avec les corps constitués de la nation béninoise au Palais de la présidence de la République, Sa Sainteté, le Pape Benoît XVI s'est adressé aux classes politiques africaines. Voici le discours qu'il a prononcé.

Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs les représentants des Autorités civiles, politiques et religieuses, Mesdames et Messieurs les Chefs de mission diplomatique, Chers frères dans l’Épiscopat, Mesdames, Messieurs, chers amis, DOO NUMI ! (salut solennel en fon) Vous avez désiré, Monsieur le Président, m’offrir l’occasion de cette rencontre devant une assemblée prestigieuse de personnalités.

 
C’est un privilège que je sais apprécier, et je vous remercie de grand coeur pour les aimables paroles que vous venez de m’adresser au nom de l’ensemble du peuple béninois. Je remercie également Monsieur le représentant des Corps Constitués pour ses mots de bienvenue. Je forme les voeux les meilleurs à l’intention de toutes les personnalités présentes qui sont des acteurs de premier ordre, et à différents niveaux, de la vie nationale béninoise. Souvent, dans mes interventions antérieures, j’ai uni au mot Afrique celui d’espérance. Je l’ai fait à Luanda voici deux ans et déjà dans un contexte synodal. Le mot espérance figure d’ailleurs plusieurs fois dans l’Exhortation apostolique post-synodale Africae munus que je vais signer tout à l’heure. Lorsque je dis que l’Afrique est le continent de l’espérance, je ne fais pas de la rhétorique facile, mais j’exprime tout simplement une conviction personnelle, qui est également celle de l’Église. Trop souvent, notre esprit s’arrête à des préjugés ou à des images qui donnent de la réalité africaine une vision négative, issue d’une analyse chagrine. Il est toujours tentant de ne souligner que ce qui ne va pas ; mieux encore, il est facile de prendre le ton sentencieux du moralisateur ou de l’expert, qui impose ses conclusions et propose, en fin de compte, peu de solutions adaptées. Il est tout aussi tentant d’analyser les réalités africaines à la manière d’un ethnologue curieux ou comme celui qui ne voit en elles qu’un énorme réservoir énergétique, minéral, agricole et humain facilement exploitable pour des intérêts souvent peu nobles. Ce sont là des visions réductrices et irrespectueuses, qui aboutissent à une chosification peu convenable de l’Afrique et de ses habitants. J’ai conscience que les mots n’ont pas partout le même sens. Mais, celui d’espérance varie peu selon les cultures. Il y a quelques années déjà, j’ai consacré une Lettre encyclique à l’espérance chrétienne. Parler de l’espérance, c’est parler de l’avenir, et donc de Dieu ! L’avenir s’enracine dans le passé et le présent. Le passé, nous le connaissons bien, regrettant ses échecs et saluant ses réalisations positives. Le présent, nous le vivons comme nous le pouvons. Au mieux j’espère, et avec l’aide de Dieu ! C’est sur ce terreau composé de multiples éléments contradictoires et complémentaires qu’il s’agit de construire avec l’aide de Dieu. Chers amis, je voudrais lire, à la lumière de cette espérance qui doit nous animer, deux réalités africaines qui sont d’actualité. La première se réfère plutôt de manière générale à la vie sociopolitique et économique du continent, la seconde au dialogue interreligieux. Ces réalités nous intéressent tous, car notre siècle semble naître dans la douleur et avoir du mal à faire grandir l’espérance dans ces deux domaines particuliers. Ces derniers mois, de nombreux peuples ont manifesté leur désir de liberté, leur besoin de sécurité matérielle, et leur volonté de vivre harmonieusement dans la différence des ethnies et des religions. Un nouvel État est même né sur votre continent. Nombreux ont été également les conflits engendrés par l’aveuglement de l’homme, par sa volonté de puissance et par des intérêts politico-économiques qui font fi de la dignité des personnes ou de celle de la nature. La personne humaine aspire à la liberté ; elle veut vivre dignement ; elle veut de bonnes écoles et de la nourriture pour les enfants, des hôpitaux dignes pour soigner les malades ; elle veut être respectée ; elle revendique une gouvernance limpide qui ne confonde pas l’intérêt privé avec l’intérêt général ; et plus que tout, elle veut la paix et la justice. En ce moment, il y a trop de scandales et d’injustices, trop de corruption et d’avidité, trop de mépris et de mensonges, trop de violences qui conduisent à la misère et à la mort. Ces maux affligent certes votre continent, mais également le reste du monde. Chaque peuple veut comprendre les choix politiques et économiques qui sont faits en son nom. Il saisit la manipulation, et sa revanche est parfois violente. Il veut participer à la bonne gouvernance. Nous savons qu’aucun régime politique humain n’est idéal, qu’aucun choix économique n’est neutre. Mais ils doivent toujours servir le bien commun. Nous nous trouvons donc en face d’une revendication légitime qui touche tous les pays, pour plus de dignité, et surtout pour plus d’humanité. L’homme veut que son humanité soit respectée et promue. Les responsables politiques et économiques des pays se trouvent placés devant des décisions déterminantes et des choix qu’ils ne peuvent plus éviter. De cette tribune, je lance un appel à tous les responsables politiques et économiques des pays africains et du reste du monde. Ne privez pas vos peuples de l’espérance ! Ne les amputez pas de leur avenir en mutilant leur présent ! Ayez une approche éthique courageuse de vos responsabilités et, si vous êtes croyants, priez Dieu de vous accorder la sagesse ! Cette sagesse vous fera comprendre qu’étant les promoteurs de l’avenir de vos peuples, il faut devenir de vrais serviteurs de l’espérance. Il n’est BUREAU DE PRESSE DU SAINT-SIÈGE 3/2 pas facile de vivre la condition de serviteur, de rester intègre parmi les courants d’opinion et les intérêts puissants. Le pouvoir, quel qu’il soit, aveugle avec facilité, surtout lorsque sont en jeu des intérêts privés, familiaux, ethniques ou religieux. Dieu seul purifie les coeurs et les intentions. L’Église n’apporte aucune solution technique et n’impose aucune solution politique. Elle répète : n’ayez pas peur ! L’humanité n’est pas seule face aux défis du monde. Dieu est présent. C’est là un message d’espérance, une espérance génératrice d’énergie, qui stimule l’intelligence et donne à la volonté tout son dynamisme. Un ancien archevêque de Toulouse, le Cardinal Saliège disait : « Espérer, ce n’est pas abandonner ; c’est redoubler d’activité ». L’Église accompagne l’État dans sa mission ; elle veut être comme l’âme de ce corps en lui indiquant inlassablement l’essentiel : Dieu et l’homme. Elle désire accomplir, ouvertement et sans crainte, cette tâche immense de celle qui éduque et soigne, et surtout de celle qui prie sans cesse (cf. Lc 18, 1), qui montre où est Dieu (cf. Mt 6, 21) et où est l’homme véritable (cf. Mt 20, 26 et Jn 19, 5). Le désespoir est individualiste. L’espérance est communion. N’est-ce pas là une voie splendide qui nous est proposée ? J’y invite tous les responsables politiques, économiques, ainsi que le monde universitaire et celui de la culture. Soyez, vous aussi, des semeurs d’espérance ! Je voudrais maintenant aborder le second point, celui du dialogue interreligieux. Il ne me semble pas nécessaire de rappeler les récents conflits nés au nom de Dieu, et les morts données au nom de Celui qui est la Vie. Toute personne de bon sens comprend qu’il faut toujours promouvoir la coopération sereine et respectueuse des diversités culturelles et religieuses. Le vrai dialogue interreligieux rejette la vérité humainement égocentrique, car la seule et unique vérité est en Dieu. Dieu est la Vérité. De ce fait, aucune religion, aucune culture ne peut justifier l’appel ou le recours à l’intolérance et à la violence. L’agressivité est une forme relationnelle assez archaïque qui fait appel à des instincts faciles et peu nobles. Utiliser les paroles révélées, les Écritures Saintes ou le nom de Dieu, pour justifier nos intérêts, nos politiques si facilement accommodantes, ou nos violences, est une faute très grave. Je ne peux connaître l’autre que si je me connais moi-même. Je ne peux l’aimer, que si je m’aime moi-même (cf. Mt 22, 39). La connaissance, l’approfondissement et la pratique de sa propre religion sont donc essentielles au vrai dialogue interreligieux. Celui-ci ne peut que commencer par la prière personnelle sincère de celui qui désire dialoguer. Qu’il se retire dans le secret de sa chambre intérieure (cf. Mt 6, 6) pour demander à Dieu la purification du raisonnement et la bénédiction pour la rencontre désirée. Cette prière demande aussi à Dieu le don de voir dans l’autre un frère à aimer, et dans la tradition qu’il vit, un reflet de la vérité qui illumine tous les hommes (Nostra Aetate 2). Il convient donc que chacun se situe en vérité devant Dieu et devant l’autre. Cette vérité n’exclut pas, et elle n’est pas une confusion. Le dialogue interreligieux mal compris conduit à la confusion ou au syncrétisme. Ce n’est pas ce dialogue qui est recherché. Malgré les efforts accomplis, nous savons aussi que, parfois, le dialogue interreligieux n’est pas facile, ou même qu’il est empêché pour diverses raisons. Cela ne signifie en rien un échec. Les formes du dialogue interreligieux sont multiples. La coopération dans le domaine social ou culturel peut aider les personnes à mieux se comprendre et à vivre ensemble sereinement. Il est aussi bon de savoir qu’on ne dialogue pas par faiblesse, mais qu’on dialogue parce que l’on croit en Dieu. Dialoguer est une manière supplémentaire d’aimer Dieu et le prochain (cf. Mt 22, 37) sans abdiquer ce que l’on est. Avoir de l’espérance, ce n’est pas être ingénu, mais c’est poser un acte de foi en un avenir meilleur. L’Église catholique met ainsi en oeuvre l’une des intuitions du Concile Vatican II, celle de favoriser les relations amicales entre elle et les membres de religions non-chrétiennes. Depuis des décennies, le Conseil Pontifical qui en a la gestion, tisse des liens, multiplie les rencontres, et publie régulièrement des documents pour favoriser un tel dialogue. L’Église tente de la sorte de réparer la confusion des langues et la dispersion des coeurs nées du péché de Babel (cf. Gn 11). Je salue tous les responsables religieux qui ont eu l’amabilité de venir ici me rencontrer. Je veux les assurer, ainsi que ceux des autres pays africains, que le dialogue offert par l’Église catholique vient du coeur. Je les encourage à promouvoir, surtout parmi les jeunes, une pédagogie du dialogue, afin qu’ils découvrent que la conscience de chacun est un sanctuaire à respecter, et que la dimension spirituelle construit la fraternité. La vraie foi conduit invariablement à l’amour. C’est dans cet esprit que je vous invite tous à l’espérance. Ces considérations générales s’appliquent de façon particulière à l’Afrique. Sur votre continent, nombreuses sont les familles dont les membres professent des croyances différentes, et pourtant les familles restent unies. Cette unité n’est pas seulement voulue par la culture, mais c’est une unité cimentée par l’affection fraternelle. Il y a naturellement parfois des échecs, mais aussi beaucoup de réussites. Dans ce domaine particulier, l’Afrique peut fournir à tous matière à réflexion et être ainsi une source d’espérance. Pour finir, je voudrais utiliser l’image de la main. Cinq doigts la composent, et ils sont bien différents. Chacun d’eux pourtant est essentiel, et leur unité forme la main. La bonne entente entre les cultures, la considération non condescendante des unes pour les autres, et le respect des droits de chacune sont un devoir vital. Il faut l’enseigner à tous les fidèles des diverses religions. La haine est un échec, l’indifférence une impasse, et le dialogue une ouverture ! N’est-ce pas là un beau terrain où seront semées des graines d’espérance ? Tendre la main signifie espérer pour arriver, dans un second temps, à aimer. Quoi de plus beau qu’une main tendue ? Elle a été voulue par Dieu pour offrir et recevoir. Dieu n’a pas voulu qu’elle tue (cf. Gn 4, 1ss) ou qu’elle fasse souffrir, mais qu’elle soigne et qu’elle aide à vivre. À côté du coeur et de l’intelligence, la main peut devenir, elle aussi, un instrument du dialogue. Elle peut faire fleurir l’espérance, surtout lorsque l’intelligence balbutie et que le coeur trébuche. Selon les Saintes Écritures, trois symboles décrivent l’espérance pour le chrétien : le casque, car il protège du découragement (cf. 1 Th 5, 8), l’ancre sûre et solide qui fixe en Dieu (cf. Hb 6, 19), et la lampe qui permet d’attendre l’aurore d’un jour nouveau (cf. Lc 12, 35-36). Avoir peur, douter et craindre, s’installer dans le présent sans Dieu, ou encore n’avoir rien à attendre, sont autant d’attitudes étrangères à la foi chrétienne (cf. saint Jean Chrysostome, Homélie XIV sur l’Epitre aux Romains, n. 6, PG 45, 941C) et, je crois, à toute autre croyance en Dieu. La foi vit le présent, mais attend les biens futurs. Dieu est dans notre présent, mais il vient aussi de l’avenir, lieu de l’espérance. La dilatation du coeur est non seulement l’espérance en Dieu, mais aussi l’ouverture au souci des réalités corporelles et temporelles pour glorifier Dieu. À la suite de Pierre dont je suis le successeur, je souhaite que votre foi et votre espérance soient en Dieu (cf. 1 P 1, 21). C’est là le voeu que je formule pour l’Afrique tout entière, elle qui m’est si chère ! Aie confiance, Afrique, et lève toi ! Le Seigneur t’appelle. Que Dieu vous bénisse ! Merci.

Visite pontificale du Pape Benoît XVI au Bénin

Discours du Pape Benoit XVI à sa descente à cotonou
En visite au Bénin du 18 au 20 novembre 2011, Sa Sainteté, le Pape Benoît XVI s'est adressé plusieurs fois aux Béninois et à travers eux, à toute la communauté africaine. Lire ici son discours prononcé le 18 novembre à sa descente d'avion.

Monsieur le Président de la République, Messieurs les Cardinaux, Monsieur le Président de la Conférence Épiscopale du Bénin, Autorités civiles, ecclésiales et religieuses présentes, Chers amis,

Je vous remercie, Monsieur le Président, pour vos chaleureuses paroles d’accueil. Vous savez l’affection que je porte à votre continent et à votre pays. Je désirais revenir en Afrique, et une triple motivation m’a été fournie pour réaliser ce voyage apostolique. Il y a tout d’abord, Monsieur le Président, votre aimable invitation à visiter votre pays. Votre initiative est allée de pair avec celle de la Conférence épiscopale du Bénin. Elles sont heureuses, car elles se situent dans l’année où le Bénin célèbre le 40ème anniversaire de l’établissement de ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège, ainsi que le 150ème anniversaire de son évangélisation. Étant parmi vous, j’aurai l’occasion de faire d’innombrables rencontres. Je m’en réjouis. Elles seront toutes différentes et elles culmineront dans l’Eucharistie que je célébrerai avant mon départ. Se réalise également mon désir de remettre sur le sol africain l’Exhortation apostolique post-synodale Africae
munus. Ses réflexions guideront l’action pastorale de nombreuses communautés chrétiennes durant les prochaines années.
Ce document pourra y germer, y grandir et y porter du fruit « à raison de cent, ou soixante, ou trente pour un », comme le dit Jésus-Christ (Mt 13, 23).
Enfin, il existe une troisième raison qui est plus personnelle ou plus sentimentale. J’ai toujours tenu en haute estime un fils de ce pays, le Cardinal Bernardin Gantin. Durant d’innombrables années, nous avons tous les deux oeuvré, chacun selon ses compétences propres, au service de la même Vigne. Nous avons aidé au mieux mon prédécesseur, le bienheureux Jean-Paul II, à exercer son ministère pétrinien. Nous avons eu l’occasion de nous rencontrer bien des fois, de discuter profondément et de prier ensemble. Le Cardinal Gantin s’était gagné le respect et l’affection de beaucoup. Il m’a donc semblé juste de venir dans son pays natal pour prier sur sa tombe et pour remercier le Bénin d’avoir donné à l’Église ce fils éminent.
Le Bénin est une terre d’anciennes et de nobles traditions. Son histoire est prestigieuse. Je voudrais profiter de cette occasion pour saluer les Chefs traditionnels. Leur contribution est importante pour construire le futur de ce pays. Je désire les encourager à contribuer par leur sagesse et leur intelligence des coutumes, au délicat passage qui s’opère actuellement entre la tradition et la modernité.
La modernité ne doit pas faire peur, mais elle ne peut se construire sur l’oubli du passé. Elle doit être accompagnée avec prudence pour le bien de tous en évitant les écueils qui existent sur le continent africain et ailleurs, par exemple la soumission inconditionnelle aux lois du marché ou de la finance, le nationalisme ou le tribalisme exacerbé et stérile qui peuvent devenir meurtriers, la politisation extrême des tensions interreligieuses au détriment du bien commun, ou enfin l’effritement des valeurs humaines, culturelles, éthiques et religieuses. Le passage à la modernité doit être guidé par des critères sûrs qui se basent sur des vertus reconnues, celles qu’énumère votre devise nationale, mais également celles qui s’ancrent dans la dignité de la personne, la grandeur de la famille et le respect de la vie. Toutes ces valeurs sont en vue du bien commun qui seul doit primer, et qui seul doit constituer la préoccupation majeure de tout responsable. Dieu fait confiance à l’homme et il désire son bien. C’est à nous de Lui répondre avec honnêteté et justice à la hauteur de sa confiance.
L’Église, pour sa part, apporte sa contribution spécifique. Par sa présence, sa prière et ses différentes oeuvres de miséricorde, spécialement dans le domaine éducatif et sanitaire, elle souhaite donner ce qu’elle a de meilleur. Elle veut se montrer proche de celui qui est dans le besoin, de celui qui cherche Dieu. Elle désire faire comprendre que Dieu n’est pas inexistant ou inutile comme on cherche à le faire croire, mais qu’Il est l’ami de l’homme. C’est dans cet esprit d’amitié et de fraternité que je viens dans votre pays, Monsieur le Président.
(en fon) ACe MAWU T]N NI K]N DO BENIN TO ] BI JI (Que Dieu bénisse le Bénin !)

vendredi 11 novembre 2011

Projet de livre


 Le document qui suit est le texte manuscrit d'un projet de livre que je conduit et qui est actuellement à la phase d'édition. Mais en attendant sa finalisation, je propose aux lecteurs de mon site web la lecture en avant première. Bonne lecture, je suis ouvert à vos commentaires.
Aubin R.TOWANOU


 Quand la médecine tue impunément
                                             Témoignage













Avant-propos : retardé mais pas anéanti…
Lorsque vous empruntez un ascenseur pour monter dans un building et qu’une panne intervient et vous y bloque pendant plusieurs heures, une fois sorti d’affaire, vous êtes tenté de prendre désormais les escaliers. Pour moi, le choix est fait. Je n’ai pas été obligé de prendre les escaliers, mais j’ai choisi cette voie. Car, je suis sûr, conscient de mes capacités, que je ne suis que retardé. Anéanti, non. Il ne s’agit pas d’une lamentation de la part d’une victime animée de rancœur. Les lignes qui suivent posent, sans état d’âme, un problème de santé publique. Un problème souvent évoqué sans qu’on ne s’y attarde suffisamment afin de rechercher les solutions adéquates. Solutions sans lesquelles les malades au Bénin, voire en Afrique, ne bénéficieront quasiment jamais d’une sécurité sanitaire conséquente. Même les derniers états généraux de la santé, tenus en 2007 au Bénin, n’ont pas eu la clairvoyance de soulever la question. Quelle faiblesse de la part de personnes dites scientifiques !
Autant, tout l’or du monde, concentré entre les mains des Africains, ne pourrait permettre le développement du continent avec ses élites actuelles, autant il n’est pas évident que le transfert des technologies nous conduirait à jouir d’une couverture sanitaire viable. Il ne s’agit pas de démagogie, ni de fatalité, mais d’un mal ancré dans le « moi » de l’homme noir. Prenons l’exemple du pays le plus riche et le plus industrialisé du continent qu’est l’Afrique du Sud. Ce pays a été l’un des premiers à accueillir sur son sol une intervention chirurgicale réussie sur le cœur humain, soit dit en passant. Ce pays, dont l’économie est en avance sur celles de nombreux pays européens, connaît des crises énergétiques à l’image de la quasi-totalité des pays du continent. Pourquoi ? Comment ?  Les exemples du même ordre sont légion. Il est inutile de se voiler la face et de continuer de rêver sans prendre la peine de se poser la question essentielle : « Si nous décidons aujourd’hui de développer notre continent, où est la ressource humaine sur laquelle nous pouvons compter ? ». Il s’agit de savoir ce que fait chacun de nous chaque jour à son poste de travail pour apporter sa pierre à l’édifice du développement. Car, on ne peut pas développer le moindre espace sur cette terre si la majorité de ses occupants n’est pas animée d’un état d’esprit favorable au développement. On ne peut développer un pays avec des hommes éduqués sur la base d’un modèle inexistant, ne répondant à aucun objectif précis, préalablement défini et tirant sa source dans les réalités endogènes.
Sur notre continent en général, il suffit d’aller à l’école pour se retrouver un jour détenteur d’un diplôme donné. Cela, sans la moindre vocation, ni une orientation répondant à un besoin du pays clairement défini. Et c’est seulement à ce moment là qu’on se surprend à être ingénieur, avocat, médecin, journaliste, magistrat,  enseignant (là, c’est encore pire)… certes, ce n’est pas le cas de tout le monde, mais c’est la triste réalité pour la majorité des hommes qui vivent sur notre continent aujourd’hui et qui se disent appartenant à ce qu’il convient d’appeler « élite ». Dans ces conditions, il n’est pas rare de voir des gens moyennement formés se surprendre d’entendre leurs professeurs dire : « à partir d’aujourd’hui, vous êtes docteurs en médecine, vous êtes médecins … ».
Des médecins de tels profils, livrés ainsi sur le marché du travail, avec une telle insuffisance de formation et surtout de vocation, ne peuvent valablement garantir aux citoyens d’une nation une sécurité sanitaire conséquente. Car, la seule chose qui préoccupe ces genres de « professionnels », c’est comment gagner de l’argent et non comment servir des personnes en détresse, une nation. Posons-nous souvent la question de savoir pourquoi la majorité des médecins africains préfèrent être nommée à un poste de responsabilité administratif à l’exercice de la médecine ou à la conduite d’une recherche scientifique ? Avez-vous cherché à comprendre pourquoi le médecin béninois est dit « très compétent » en France et même ailleurs en Occident, mais malheureusement pas souvent qualifié mêmement chez lui ? C’est peut être dur de lire ces lignes, mais il s’agit là d’une triste réalité qui crève l’œil. Que chaque médecin qui lit les paragraphes qui vont suivre sache qu’il s’agit d’un cri de détresse d’un homme qui a été victime des pratiques d’un ou de plusieurs de ses collègues. Ou tout simplement le cri de l’une de ses propres victimes qu’il a contribué lui-même à rendre invalide à vie ou qu’il a tué pour avoir été peu rationnel, peu rigoureux, bref, peu professionnel.
Pourtant, nous sommes dans un domaine où il n’y a de place que pour la rigueur. Parce qu’il s’agit de la vie des hommes. Le présent livre relate un témoignage relatif à une situation de double erreur médicale sur le même malade face à des médecins qui n’ont que la sorcellerie comme excuse pour se donner bonne conscience. En d’autres termes, lorsqu’un médecin fait une erreur médicale au Bénin, il évoque le fait que le sujet a été envoûté, c’est-à-dire, victime de la sorcellerie. Si c’était si facile pour le sorcier d’arracher un sujet au contrôle rationnel du médecin, alors qu’est-ce qu’on attend pour « donner la sorcellerie » à tous les médecins formés dans les facultés de sciences de la santé des universités béninoises ? Et pourquoi pas ailleurs en Afrique où les mêmes causes produisent les mêmes effets ? Puisqu’il s’agit là d’une réalité endogène qui devrait faire partie intégrante de la formation si tant est que les médecins ont vocation à servir sur une terre où s’expriment aussi les sorciers. Mais comme on a choisi et continue à former des hommes adaptés à des réalités occidentales pour servir ici en Afrique, nous avons encore plusieurs décennies d’errance devant nous en santé et dans beaucoup d’autres domaines.
 Encore une fois, toutes mes excuses aux éminents intellectuels qui se sentiraient vexés par mon commentaire. Ce ne sont pas des gloses, mais des réflexions basées sur des faits avérés. En tant que journaliste, je trouve injuste que d’autres professionnels se retrouvent systématiquement devant les tribunaux en cas de fautes professionnelles établies pendant que le médecin, dont l’erreur porte sur des humains, ne soit l’objet d’aucune critique sérieuse, voire d’aucune poursuite. Je ne considère pas en effet les simulacres de procès souvent sans suite efficiente.  Le présent livre souhaite que cette aberration ne prospère plus dans notre pays qui se veut une société de droit et pourquoi pas partout ailleurs où les mêmes causes continuent de produire les mêmes effets.
Quant-à l’opportunité de la publication ou non du présent livre, consultés, plusieurs médecins m’ont promis un procès. D’autres m’ont conseillé de me préparer à vivre l’enfer sur terre. Pour toute réponse, je n’ai qu’une phrase que je tiens de l’un de mes anciens patrons : « Il vaut mieux un instant tel un lion, que de vivre toute une éternité tel un mouton ».

















 1-LE « MALADE SPECIAL ».
Mercredi 25 janvier 2006, 3 heures du matin.
Un journaliste, Directeur de Publication d’un quotidien, vient d’être admis dans les services de traumatologie du Centre de santé Saint Luc sis à Saint Rita à Cotonou. En effet, les agents du Centre national hospitalier et universitaire Hubert Koutoukou Maga de Cotonou, centre public de référence, étaient en grève. A la suite d’une série d’examens, le diagnostic est établi : pas la moindre égratignure sur le corps, aucune douleur de la tête jusqu’à la hanche, mais au niveau des membres inférieurs, un problème : une fracture du fémur droit. Il s’agit d’une fracture simple qui, apparemment, n’a causé aucun dégât collatéral.
Cet hôpital vient donc d’enregistrer un cas délicat de malade. Délicat, pas à cause du tableau. Car, au XXIème siècle, ce n’est pas une fracture facilement traitable qui peut constituer un casse-tête. D’ailleurs, aucun médecin, ami du malade n’a en fait une préoccupation particulière. Lais le cas est délicat parce que le malade est le Directeur de Publication du journal « Le Matinal », le plus grand quotidien privé du Bénin. Délicat surtout, parce que le pays se prépare à entrer dans la phase active du processus électoral comptant pour la présidentielle de mars 2006. Il apparaît donc évident qu’une longue période au lit pour ce malade entraînerait une perturbation majeure au sein de sa rédaction. En effet, un dispositif particulier a été mis en place dans le journal pour gérer ce scrutin aussi capital que celui qui consacrera le départ du pouvoir du Président Mathieu Kérékou. Une forte personnalité qui vient de boucler vingt-huit ans au pouvoir, dont dix-sept à la tête d’un régime dictatorial, un sous une transition démocratique et dix sous le « Renouveau Démocratique ». Donc, un monument doit céder le fauteuil présidentiel.
Dans la matinée du 25 janvier 2006, le « malade spécial » a en effet droit à une attention spéciale. Il reçoit beaucoup de visiteurs et a plusieurs garde-malades autour de lui. Le ballet de personnalités à son chevet est tel qu’un autre malade, qui s’est fait opérer quelques jours plus tôt, lui lance : « que faites-vous dans la vie ? Vous devez être une personne importante au Bénin. Vous êtes un malade spécial qui n’a certainement pas sa place ici… ». En effet, personnalités publiques bien connues, directeurs généraux d’entreprises publiques comme privées, diplomates, magistrats, membres de hautes institutions de la République comptent parmi ces visiteurs. Parmi eux, certains débarquent après s’être informés sur le meilleur centre et le meilleur spécialiste pouvant accueillir et soigner un tel cas de fracture. J’étais le malade spécial qui bénéficiait d’autant de soutiens et compassions.
Avant la fin de la journée, j’ai l’embarras de choix. Tant les spécialistes au Bénin sont nombreux. En fait, ils sont de deux ordres : d’un côté, les médecins au sens occidental du thème et de l’autre, les garants de la culture endogène qui traitent les fractures à l’indigénat. D’office, je refuse de recourir à ce qu’il convient de nommer médecine traditionnelle ou « tradithérapie ». Ainsi, la médecine moderne sera l’option choisie. Là, deux possibilités s’offrent : Soit, on me met un plâtre pour m’immobiliser pendant trois mois, soit on m’opère en me mettant un clou. Ce dernier procédé est dénommé ostéosynthèse qui réduit largement le temps d’immobilisation du malade. Pour moi, cette deuxième proposition est la meilleure. Mais avec la série d’adresses de centres et de spécialistes, un choix est impératif. Je me renseigne pour savoir les différences qui existent entre les centres et les spécialistes. Pour ce qui concerne les centres, on m’indique que les différences tiennent souvent à la propreté des locaux, à la possibilité pour le malade de disposer d’une chambre individuelle et quelques fois enfin ce qu’ils appellent le plateau technique. Pour ce qui concerne les spécialistes, on me rassure que tout chirurgien qui n’est pas à un coup d’essai, peut intervenir en toute sécurité. Il faut alors prendre la décision, soit d’opérer un transfert en vue de recevoir des soins ailleurs, soit de rester sur place pour une intervention qui sera assurée par le spécialiste d’ostéosynthèse du centre de santé Saint Luc de Cotonou. Le spécialiste ici est le Directeur Adjoint dudit centre.
Entre temps, je reçois un appel téléphonique important. Celui en directe du siège de campagne du candidat Boni Yayi. A cette occasion, je vais échanger avec le Directeur de cabinet du Ministère de la Santé Publique. Celui-ci me demande comment cela se passe, le centre dans lequel je me trouve, le nom du chirurgien, etc. Avant de raccrocher, il me pose une question très importante. « Avec les examens effectués, est-ce que votre tableau présente des complications qui nécessitent qu’on vous soigne ailleurs qu’au Bénin ? Si c’était le cas, n’hésitez pas à nous informer… ». Je rassure le Directeur de cabinet. Avant de raccrocher, j’échange aussi avec un cousin impliqué dans le staff de campagne du même candidat. Celui-ci me propose une prise en charge par ses amis en poste au Cnhu, malgré la grève. Celui-ci a eu droit à un poste au gouvernement quelques années plus tard à l’occasion du second mandat de Boni Yayi.
Appréciant toutes les informations qu’on m’a données, je décide alors de me faire opérer sur place. Décision confortée par un de mes amis qui travaille en tant qu’infirmier dans l’établissement où je suis admis. Je ne savais pas, en optant pour cette procédure que je jouais ainsi une carte importante de mon destin.
En effet, Monsieur Charles Toko, Directeur Général du groupe de presse qui m’emploie, mon patron, me rend visite peu de temps après. Je lui présente la situation et il me demande si je suis sûr de la capacité du centre à m’apporter les soins efficients. Je tente de l’en convaincre en arguant que la différence avec les centres dits d’excellence, ne réside que dans le confort et ceci entraîne naturellement des coups. Silencieux un moment, mon patron me lance qu’il a l’impression que je ne sais pas ce que je vaux. Il me demande de ne pas craindre les dépenses pour rester dans un centre qui ne pourra pas m’administrer des soins adéquats.

Jeudi 26 janvier 2006.
Il sonne sept heures lorsque l’infirmière de garde passe me voir. Il m’annonce que le chirurgien vient de lui confirmer ma prise en charge au bloc opératoire dans les heures qui vont suivre. Avant de m’annoncer cette nouvelle, elle s’est rassurée, exécutant une instruction du chirurgien, que je suis capable de payer cash la prestation. Oui, dans ce centre on ne s’amuse pas avec le règlement des factures. En effet, durant mon hospitalisation, j’ai été plusieurs fois obligé ou gentil en payant des factures de malades retenues après intervention pour défaut de règlement de tout ou partie de facture d’intervention, d’hospitalisation ou de pharmacie. Aussitôt après l’échange avec l’infirmière de garde, une série d’examens est recommandée. Les garde-malades, au nombre desquels, mon épouse, se plient en quatre pour faciliter les prélèvements en vue de l’exécution des examens. Au bout de deux heures, les résultats des examens préopératoires sont déjà disponibles. Ce jeudi est une belle journée ensoleillée. L’ambiance est à la bonne humeur même si mes parents donnaient l’impression d’être quelque peu soucieux. A ma lecture, la bonne humeur prenait le dessus. Même ma sœur qui célèbre son anniversaire est présente, munie de quoi festoyer avec les autres gardes-malade. Dans la salle d’hospitalisation, il y a trois autres malades. L’un attend une opération chirurgicale pour le retrait d’un clou à la suite d’une fracture du fémur. Un autre s’apprête pour l’ablation de son appendis. Le dernier avait déjà été opéré pour un mal au niveau de ses viscères. En cette matinée du jeudi 26 janvier 2006, je reçois une suite interminable de coups de fil, des visites aussi. Je n’aurai que ça comme occupation. Car, je ne dois ni manger ni boire. Les minutes qui passent pèsent lourdes.

A dix heures trente minutes, un message du chirurgien arrive dans la salle d’hospitalisation. Non, ce n’est pas pour moi. En fait, le message s’adresse à la malade qui attend une ablation de clou. Elle a été aussitôt conduite au bloc. Une heure plus tard, une scène de panique se produit : les infirmiers se ruent en direction du bloc opératoire, tous affolés. A leur retour, il y a plus de peur que de mal. Ils ont ramené la malade, emportée une heure plus tôt, dans son lit d’hospitalisation. Celle-ci va très mal. L’infirmier major soupçonne une hypoglycémie. On lui met alors un sérum glucosé. Quelques minutes plus tard, elle revient à elle, reconnaît les siens. Curieux, je me renseigne très rapidement. En effet, lorsqu’un malade qui attend d’être reçu au bloc constate que celle qui le précède en sort en catastrophe, ça fait naturellement un effet pas très agréable. Je serai bientôt informé de la situation. Ça me rassure. En fait, la malade en question, suite à une anesthésie locale au niveau de la jambe, a subi avec succès l’ablation du clou. Mais une fois transférée dans l’antichambre attenante au bloc opératoire, elle a tenté de se lever. Et c’est là qu’elle a perdu le contrôle de sa jambe, encore sous l’effet de l’anesthésie. Elle est tombée avec, au bras, le cathéter d’un perfuseur. Elle a par la suite perdu connaissance. Rassuré, j’ai retrouvé mon état de concentration préopératoire momentanément perturbé par les appels téléphoniques qui continuaient de pleuvoir. Une infirmière exige que je range mes portables. J’ai fait semblant d’obtempérer sans cesser de recevoir les appels importants.
Le soleil passe au zénith. La tension monte toujours. De temps en temps, des agents du centre, dont notamment l’ami infirmier, passent me rassurer pour m’indiquer qu’il s’agit d’une intervention qui dure généralement deux heures. D’autres ajoutent que la plaie postopératoire guérit généralement entre deux à trois semaines. En résumé, pour tout ce monde, le « malade spécial » que j’étais devait pouvoir reprendre ses activités au bout d’un mois de soins.
Ce jeudi 26 janvier 2006, à treize heures, le chirurgien demande à ses collaborateurs d’aller me chercher. Une précision importante : le malade doit être muni d’un carton rempli de différents produits pharmaceutiques ainsi que des consommables à l’usage du chirurgien. Il doit aussi présenter un reçu attestant qu’il a effectivement payé les frais de la chirurgie. Ce qui a été fait et me voilà sur la table d’opération. Je suis accueilli par une charmante dame, toute de vert vêtue, dont l’image est restée gravée dans ma mémoire. C’est une anesthésiste, la trentaine, un mètre soixante environ, aussi joviale que sa beauté est frappante. Elle sait donner au malade la joie de vivre, de bonnes raisons de continuer à s’accrocher à la vie malgré ses vicissitudes. Il s’agit d’une femme ronde qui ne souffre d’aucun signe d’obésité apparente.  Avec sa poitrine forte qui laisse transparaître deux tétons appréciables à travers sa blouse, elle affiche, à hauteur de la hanche, un bassin arrondi, charnu sans être abondant. En somme, il s’agit d’une créature ordinaire, mais dont la conduite envers moi est exceptionnelle, impressionnante. Suivant les échanges que j’ai eus avec plusieurs personnes ayant été anesthésiées au moins une fois dans leur vie, il apparaît que les anesthésistes, lorsqu’elles sont femmes, sont souvent très belles. C’est à croire qu’au moment du recrutement, parmi les préposées, on en choisit que les plus jolies. Ou du moins, généralement, lorsque les hommes sont admis au bloc en attendant une intervention chirurgicale, ils sont dans un état psychologique tel que toutes les créatures féminines qui passent sont jolies à leurs yeux.
Cette femme, cette anesthésiste particulière à mes yeux, me prend en charge à l’entame de mon « aventure chaotique ». Entre elle et moi, une discussion s’engage. Les salutations d’usage, les présentations, la situation matrimoniale, un échange sur l’existence de Dieu, des sourires réguliers, bref, un cocktail agréable par lequel elle donne la preuve d’une compétence professionnelle rassurante.
Soudain, je découvre, à quelques mètres de nous, un homme en blouse verte devant un écran en train de visualiser un cliché de radiologie. Je fais un effort d’identification et constate qu’il s’agit du mien. Le chirurgien que je viens ainsi de découvrir pour la première fois au bloc, passera plus d’une demi-heure à observer le cliché dans tous les sens. Je suis aussitôt traversé par un sentiment confus. Je me demande si c’est à quelques minutes de l’intervention que le médecin chirurgien découvre, en même temps qu’il me voit, le cliché montrant l’état de la fracture. Je veux lui en poser la question, mais déjà l’anesthésiste le sollicite pour une rapide concertation. Après quoi, le compte à rebours est déclenché : on me prend le bras pour me placer un second cathéter. Puis, c’est mon dos qui est sollicité pour l’injection du produit anesthésiant. Il s’agit d’une anesthésie locale des membres inférieurs encore appelée rachianesthésie. A la suite, quelques tests sont effectués pour s’assurer de l’effet du produit administré. C’est alors que le chirurgien intervient. Et là, commence mon calvaire.
Mais avant, je sais une chose : l’heure précise à laquelle la piqûre de l’anesthésiant m’a été injectée. Et l’opération débute. Elle durera bien longtemps. Elle durera plus que le temps qu’il faut pour que l’effet de l’anesthésie commence à faiblir. C’est en ce moment-là que je sens les coups de marteau que le chirurgien assène au clou introduit à partir de la hanche, plus précisément sur la tête du fémur. La douleur est si intense que je lance : « j’ai mal, je sens les coups de marteau. Il ne peut en être autrement ? » A cette question, aucune réaction. Alors, le staff médical prend la décision de m’endormir. Anesthésie générale. Quelques temps après, je reviens à moi et constate la manipulation répétée d’un aspirateur manuel dans un geste effréné. Pourquoi cette précipitation ? Quelque chose d’anormal se passe-t-il ?
On aspire à un rythme régulier un liquide au niveau de la cuisse et on vide l’aspirateur dans un récipient. Je commence à prendre peur et demande : « c’est mon sang que vous aspirez comme ça ? » A cette question, je n’aurai droit qu’à une nouvelle injection qui m’endort aussi vite que la précédente. Plusieurs heures s’écoulent. J’imagine que l’équipe d’intervention ne comprend certainement plus rien. En tout cas, elle a du mal à maîtriser la fracture, et c’est peu dire, car, plusieurs jours plus tard, je me rends compte qu’au lieu d’un enclouage, j’ai eu droit à un émiettement d’une bonne partie du fémur. C’est ce que révèlera la radio de contrôle effectuée une semaine plus tard.  Il n’est pas excessif de parler d’une « intervention chaotique ». Car, lorsqu’un malade se présente à l’hôpital avec une fracture – bien entendue délicate mais pas catastrophique – et qu’après une ostéosynthèse, un cliché de contrôle lui montre un fémur broyé avec une dizaine de fragments attachés tel un fagot de bois au moyen d’un fil d’acier, il y a de quoi qualifier cette chirurgie de « chaotique ».
Revisitons le bloc opératoire où s’est déroulée l’opération. Ce passage est interdit aux âmes sensibles. Car, le récit qui va suivre dépasse l’entendement du néophyte. Il s’agit, dans une grande part, du fruit des investigations personnelles du « malade spécial ». Une déformation professionnelle en somme.
D’abord, le chirurgien qui tentait d’enfoncer le clou dans la cavité de l’os, a été surpris que l’un de ses coups de marteau ait provoqué la fragmentation de l’os au niveau du foyer de la fracture. Mais il s’agit là d’un accident qui arrive souvent lors d’une ostéosynthèse, a-t-on appris. Mais ce qui amena la catastrophe, c’est le fait que l’un des fragments de l’os qui s’est détaché, a percé un vaisseau sanguin de grande taille, provoquant d’emblée une hémorragie grave. Là encore, face à un tel cas, les chirurgiens de métier ne s’affolent pas. Mais dans mon cas, le médecin se serait affolé. Tous les actes qu’il posait pour contrôler l’hémorragie, ont été vains. Ainsi, d’échec en échec, il provoqua d’énormes dégâts au niveau des muscles de ma cuisse. C’est justement en ce moment précis que je constatai qu’on aspirait indéfiniment mon sang. Finalement, l’hémorragie sera maîtrisée, mais le mal est fait.  J’aurai eu droit à plus de quatre poches de sang dans ce bloc opératoire hors du commun. Et tout cela se passe pendant huit heures de remue-ménage, d’émotions, de tension et de troubles. Car, les garde-malades étaient tous malheureux et s’attendaient déjà au pire. Lorsqu’un infirmier sortait du bloc, c’était la panique dans leur rang. Tant ils avaient été sollicités pour acheter, soit des poches de sang, soit d’autres produits pharmaceutiques. Pourtant, aucun pronostic ne prédisait au départ un tel tableau triste. Tous ceux qui avaient annoncé deux heures d’intervention étaient passés à côté. Le malade qui était entré au bloc avec environ 12g d’hémoglobine par décilitre de sang en était sorti avec environ 4g seulement. Oui, 4g : c’était le taux que j’affichais le lendemain de l’intervention. Le médecin aussi craignait le pire. Puisqu’à l’issue de l’opération, il avait instruit ses collaborateurs pour qu’ils me transfèrent au service de réanimation. Mais une surprise agréable intervint. Je m’étais réveillé au moment où on s’apprêtait à m’y emmener.
« Comment ça s’est passé » ? avais-je alors demandé. A peine m’avait-on répondu. Et moi d’enchaîner : « Je peux prendre du vin à partir de demain ? » Suite à cette question, le chirurgien avait réagi en s’adressant aux infirmiers : «  s’il est si lucide, alors ramenez-le dans son lit d’hospitalisation ».
Cette phrase résonnera pendant des mois dans ma tête. J’ai mis des jours à m’informer avant de comprendre pourquoi le médecin a eu cette réaction. Un infirmier qui était de garde le soir du jour de l’intervention avait avoué par la suite que, conscient de ce qui s’était passé au bloc, il s’attendait au pire. Au point où, de temps en temps, il venait à mon chevet pour s’assurer que le drame ne s’était pas produit. Cet infirmier avait été si traumatisé par mon cas et par celui de bien d’autres avant et après moi qu’il a dû, quelques mois plus tard, troquer sa robe blanche contre une veste ordinaire. Il a changé de profession et m’a rendu une visite de compassion à mon domicile.
Quant au chirurgien, à la suite de cette « opération chaotique », il n’est pas venu me rendre visite au bout de cinq jours d’hospitalisation dans le centre où il est Directeur Adjoint. Interrogés sur cette situation, les infirmiers m’ont dit qu’il s’informait de mon état au niveau du « staff » qui se réunissait tous les matins de jours ouvrables. Il a fallu que j’obtienne son numéro pour le convaincre de me rendre visite. Selon des indiscrétions, il paraît que c’est son comportement habituel. Tout puissant, imbu de son titre de directeur adjoint, il se moquerait pas mal de « ses » malades, surtout ceux en détresse.

2-DES SUITES OPERATOIRES CHAOTIQUES
Après la prestation de notre « super-chirurgien », plusieurs médecins, pour la plupart amis, sont venus à mon chevet et m’ont apporté des soins de grande qualité. Car, à 4g d’hémoglobine, j’ai encore besoin de transfusion sanguine et même plus pour survivre. On m’administre des poches de sang, mais puisque je suis muni d’un drain,  j’en perds presque autant. Un drain qui se remplit à raison de 300 à 500 cl par jour. Le professeur Albert Tévoédjrè, ancien ministre et ancien député à l’Assemblée Nationale, haut fonctionnaire des Nations Unies, est un de mes amis. Ayant appris ce qui se passe, il a envoyé son chauffeur muni d’une enveloppe de soutien. Après quoi, il a demandé à un médecin, Mme Egouléty, de me rendre visite pour apprécier la situation. Cette brave dame a été prompte et m’a administré des soins parallèles. Mes parents aussi étaient aux aguets en expérimentant sur moi tout ce qu’ils apprennent pour remonter le taux d’hémoglobine. Surtout pour ce qui concerne mon alimentation. C’est en fait le résultat de toutes ces attentions qui me sauvera. Même mon chirurgien traitant est aujourd’hui incapable de dire comment, anémié au bloc, j’ai été sauvé. Oui, je me suis retrouvé progressivement, mais à quel prix ?
Car, je dois faire face à plusieurs ordonnances médicales tous les jours, en plus de payer les frais d’hospitalisation, sans compter la prise en charge de certains agents pour bénéficier de soins appropriés. Je l’ai fait surtout pour une raison toute simple : étant donné que j’avais une plume critique en tant que journaliste, il fallait éviter que mes adversaires recrutent au sein de mon entourage pour se venger. Oui : je présente un tableau favorable à toute tentative de sabotage.
En effet, au-delà de l’anémie, la plaie postopératoire présentera un tableau catastrophique. La plaie suinte en permanence et les médecins n’ont aucun argument pour me rassurer. Et lorsque ce suintement s’est ajouté à tout ce que je perds comme liquide par le biais du drain, la situation est devenue plus que critique. A tout ceci s’ajoutent les dégâts provoqués par la botte de « dérotation » que le chirurgien a fait installer par un infirmier. Cette botte est si serrée qu’elle provoque une plaie qui pourrissait déjà au niveau du talon du pied opéré. Plus personne ne sait où mettre la tête. Un jour, mon patron m’appelle au téléphone et demande de mes nouvelles. Grande a été sa surprise d’apprendre que mon état est stationnaire mais que, depuis plusieurs jours, on recherche dans toutes les pharmacies à Cotonou un antibiotique sans succès. Lorsque je lui indique, sur sa demande, le nom et le prix du produit, il déclare : « tu traverses une situation aussi délicate et tu n’informes personne. Si je ne t’avais pas appelé comment ferais-je pour savoir ça ? Si le produit n’existe pas à Cotonou, on ne peut pas envoyer quelqu’un le chercher à Lomé ? Même si ça ne marche pas à ce niveau on peut demander à des amis de le prendre en France par exemple. Au moyen du premier vol sur Cotonou, on pourra le récupérer … Je t’envoie de l’argent dans la journée…».
 Le jour suivant, le médecin prescrit un produit de remplacement et tout rentre dans l’ordre. Enfin, je crois… Car  plusieurs jours plus tard, mon état est loin de rassurer. Ainsi, une série de questions commence par occuper les discussions au sein du staff médical et dans mon entourage. Une fracture qui n’est pas soignée, une plaie postopératoire qui ne guérit pas, un drain qui vide le malade de son sang, etc. Le tableau est suffisamment préoccupant pour me ruiner le moral. Surtout à moi, qui, au départ, ne pensais pas faire plus de deux semaines dans cet établissement.  Je viens, en effet, de passer trois semaines sans savoir quand et comment m’en sortir.
Oui, dans ce centre qui marquera négativement à jamais mon esprit, il n’y a plus personne pour me situer. Le chirurgien, lors de l’une de ses rares visites – obtenue après insistance et intervention de plusieurs personnes –  annonce : « je vous reprends ce mardi au bloc ». On est vendredi.
Je demande alors à un collaborateur du chirurgien de bien vouloir lui dire que j’aimerais échanger avec lui pour savoir le plan médical qu’il compte désormais adopter. Miracle. Contre toute attente, notre chirurgien accepte de me parler et vient à moi. Sa réponse est claire : Il avance :
« Ecoutez, je vais maintenir le fémur en l’état, c'est-à-dire que les multiples fragments de l’os attachés à la partie inférieure du fémur resteront intactes. Mon travail consistera juste à faire passer un clou dans la cavité de la partir supérieure jusqu’à l’intérieur du fagot attaché. L’ensemble sera relié au reste du fémur par introduction du prolongement du clou ».
Interloqué par ce discours, je lui demande :
-Est-ce avec un tel procédé, je pourrai me lever et tenir sur cette jambe ?
Cette question n’aura pas de réponse. En effet, le chirurgien se dérobe suite à un appel téléphonique qu’il a reçu. Pendant ce temps, je continue à poser des questions à l’infirmier qui a suivi nos échanges. Je lui fais observer que je suis sans la moindre égratignure et que j’ai environ 12 g d’hémoglobine avant mon admission au bloc et voilà ce à quoi je suis maintenant réduit.
-Qu’est-ce que je dois attendre d’une telle intervention ? ai-je aussitôt complété.
Après un long silence, l’infirmier pousse un soupir et me dit, presque avec un ton de lassitude :
« Il faut s’en tenir à la volonté de Dieu ! ».
 Dans quel monde vit-on ? Des scientifiques de ce niveau qui s’en remettent désespérément à la volonté de Dieu ? Non seulement ça illustre le niveau d’irresponsabilité de ces praticiens, mais cela, incontestablement, fait peur. Alors, j’entreprends une action : j’envoie les radios contrôles à plusieurs autres spécialistes pour qu’ils se prononcent en proposant un protocole d’intervention. En vingt quatre heures, quatre différents spécialistes apprécient le tableau. L’un d’eux, reconnu pour sa compétence, propose un protocole qui emporte l’unanimité. Je prends contact avec lui et le met en relation avec mon chirurgien. A la fin de leurs échanges, mon chirurgien accepte d’adopter le protocole d’intervention dont il a pris le soin de faire le schéma sur papier. Je me tourne alors vers lui. Un dialogue s’ensuit. Je le rapporte in extenso.
-Vous êtes capable d’intervenir suivant ce protocole ? lui demandé-je.
-Bien sûr que oui, répond-il. Mais actuellement, je ne dispose pas au bloc opératoire d’un matériel essentiel dans la mise en œuvre du protocole.
- De quel matériel s’agit-il ?
- Il s’agit d’une petite plaque métallique dont on se sert pour fixer l’os au niveau du foyer de la fracture au moyen de vis. Dans notre centre ici, c’est nos partenaires belges qui nous fournissent ces types de matériels. Nous sommes actuellement en rupture de stock et attendons la prochaine mission belge pour nous ravitailler.
- Mais, rétorqué-je, moi j’ai déjà acheté par le passé un tel matériel dans le cadre des soins prodigués à l’une de mes sœurs. Je suis donc prêt à prendre l’achat en charge.
A cette proposition, il a un rictus de la bouche et me fait :
-Je ne sais pas où ce genre de matériel est vendu à Cotonou. Aussi, il y a un problème de qualité à résoudre avant tout achat.
- Dans ce cas, prenons contact avec vos partenaires belges. Ils pourront nous envoyer le matériel sur commande.
- Comment ça ? La commande risque de ne pas arriver à Cotonou très tôt.
- Il suffit de leur adresser un message par téléphone ou par mail avec toutes les précisions de mesure sur le matériel pour qu’ils nous l’envoient par avion par exemple.
Il me regarde pendant un long moment et conclut :
- Je n’ai jamais procédé ainsi et je crois que ce n’est pas opérationnel.

A la suite de ce dialogue, je décide de négocier avec le spécialiste qui a proposé le dernier protocole afin qu’il accepte de venir au bloc pour une intervention corrective. Il faut éviter, dans mon état délicat, d’effectuer des déplacements. Le spécialiste de l’extérieur rejette la demande et propose de me prendre dans un centre privé alors que lui-même est un fonctionnaire en service au CNHU, centre dit d’excellence du service public. Il produit un devis comptant pour dix jours d’hospitalisation. Dix jours au bout desquels il promet pouvoir résoudre l’énigme. Au bas du devis, on lit « un million cinq cents mille francs Cfa ». Une précision suit : « ceci est susceptible de connaître des modifications au moment de la prise en charge effective du malade ».
Une petite réunion avec les miens a lieu. Mais, contre toute attente, cette proposition est rejetée. En effet, pour d’autres médecins, la plaie hyper humide ne permet pas une intervention en dix jours d’hospitalisation. D’un autre côté, il y a une anémie à gérer. On ne peut prendre au bloc un sujet de 37 ans qui est à moins de sept grammes d’hémoglobine par décilitre de sang lorsqu’on a encore la possibilité d’attendre. Ces médecins concluent que ce spécialiste qui, par ailleurs, refuse d’intervenir dans l’hôpital de référence dans lequel il travaille, ne serait pas sincère. En réalité, on soupçonne qu’il soit simplement motivé par l’argent. Car, une fois sur place, il va faire savoir qu’il ne peut intervenir aussitôt. Toutefois, aucun des médecins n’a remis en cause sa compétence, ses capacités en matière de chirurgie fine et le protocole qu’il a proposé. Pour ces médecins, une fois que le malade serait hospitalisé dans le centre privé en question, il ferait observer son incapacité à intervenir dans l’urgence. Je serais obligé de faire face à des frais d’hospitalisation exorbitants. En effet, la journée d’hospitalisation, conformément au devis qu’il a produit, vaut cinquante mille francs Cfa. Mieux, il est soupçonnable étant donné qu’il perçoit un pourcentage des frais payés par chaque malade qu’il amène dans le centre privé qu’il a recommandé.
Je sollicite un autre médecin, intervenant dans un centre de santé de même standing que celui dans lequel j’étais. Il accepte de me suivre sur place dans le but de programmer une intervention chirurgicale collégialement avec mon médecin par qui le drame est survenu. Mais ceci ne sera pas possible. Car, mon chirurgien refuse cette offre, arguant que ce chirurgien et lui s’équivalent. Une déclaration scandaleuse qui, encore une fois, me plonge dans une série d’interrogations sur mon fameux chirurgien. Dans un premier temps il accepte qu’un spécialiste, reconnu comme meilleur à lui, vienne intervenir sur place, mais il refuse d’accepter de travailler en tandem avec un autre spécialiste dont il juge la compétence équivalente à la sienne. A partir de ce moment, je suis convaincu que j’ai affaire à tout, sauf à un scientifique. Je décide alors de changer de centre d’autant que l’autre accepte de m’accueillir dans son centre. C’est dans ce contexte que la charmante anesthésiste qui est de passage un jour dans ma chambre, remarque ma présence et me lance: « toi, qu’est-ce que tu cherches encore ici ?». Une phrase que je mettrai des jours à comprendre. Entre temps, un infirmier m’annonce s’il peut faire venir un spécialiste en « science occulte » pour s’assurer que tout ce qui m’arrive est naturel. Etrange. C’est là que me reviennent en mémoire les paroles de mon patron qui, dans une nuit profonde, m’a appelé au téléphone et m’a dit : « Je suis actuellement en brousse dans le Nord Bénin, ce qui t’arrive n’est pas naturel. Demande à tes parents de se porter vers les spécialistes de « science occulte » pour en savoir plus et prendre les mesures qui s’imposent. En réalité, il s’agit d’un mauvais sort qu’on m’a jeté, auquel j’ai échappé et qui t’a atteint… Je t’enverrai par la suite l’un de tes collègues qui est avec moi … ». Ce collègue ne répondra jamais à ce rendez-vous.
Informés de cet appel du patron, mes parents s’affolent et l’un d’entre eux lance : « tu as bien entendu maintenant ? Quand on te parle, tu fais le rationnel, le cartésien et tu rejettes toutes les réalités de chez toi. Te voilà seul face à ton destin. Si tu nous avais écoutés… ».
Y avait-il une raison valable qui pouvait pousser le Directeur Général à m’annoncer une telle nouvelle ? Quelques souvenirs refont encore surface.
Dans la nuit du mardi 6 au mercredi 7 décembre 2005, alors que je venais de déposer un collègue informaticien chez lui à la maison, j’ai été interpellé par les occupants d’un véhicule 4X4. Ceux-ci me disaient que ma moto avait pris feu. Perturbé, je m’étais arrêté pour voir de quoi il s’agissait. Quand je m’étais retourné, la 4X4 n’était plus là. Je repris la route et quittai la voie principale pour prendre la ruelle menant à mon domicile. Là, une surprise m’attendait. A un lot de ma maison, je remarquai, garée à la devanture, la même 4X4 qui m’avait intrigué non loin de chez mon collègue. Les deux portières-avant étaient ouvertes, libérant deux occupants qui en étaient descendus presque aussitôt. Je compris qu’un comité d’accueil m’attendait. Fallait être un idiot pour ne pas voir le danger venir. Je rebroussai violemment chemin et retournai chez le collègue. Je lui demandai de bien vouloir m’accompagner chez moi pour constater ce qui se passait. Quelques minutes plus tard, on était déjà à l’entrée de la ruelle menant chez moi. la 4X4 n’était plus là, mais avait fait mouvement vers la voie principale. De fait, je fis demi-tour pour me glisser dans la pénombre, attendant le véhicule au niveau de l’intersection, entre la voie principale et la ruelle menant chez  mon collègue informaticien. Là, nous vîmes passer le véhicule à vive allure. Hélas, nous ne pûmes distinguer le visage des gens qui étaient à bord, ni lire l’immatriculation de la voiture.
Après la disparition du véhicule, je rentrai chez moi avec mon collègue pour vérifier s’il y avait encore là la moindre situation embarrassante. On ne sait jamais : il se peut que les mystérieux visiteurs aient laissé sur place l’un des leurs pour m’inquiéter. Nous avions alors fouillé la rue en vérifiant sur plusieurs dizaines de mètres autour de mon domicile. Après quoi, nous nous séparâmes. Je retournai déposer mon collaborateur avant de revenir à la maison. C’est seulement à partir de cet instant que je me rendis compte que c’était une tentative d’agression ou d’enlèvement. Car, une fois rentré, mon épouse m’accueillit avec une série de questions. Le dialogue que nous eûmes se résuma à peu près à ceci :
-Qu’est-ce qui s’est passé ? s’était-elle enflammée: c’est d’abord une grosse voiture qui gare devant la maison, ses portières s’ouvrent et se referment sans que personne n’entre à la maison. Plus d’une dizaine de minutes  après, c’est le bruit du moteur de ta moto qu’on entend comme si tu allais entrer, mais tu ne rentres pas non plus, et tu reprends le chemin inverse. Maintenant que tu es là tout en sueur, je peux savoir ce qui se passe ?
J’étais embarrassé, mais je tentai de la rassurer.
-Non, il ne s’est rien passé, lui dis-je. Tu t’es fait peut-être une idée parce que tu as peur.
-Ne te moque pas de moi, repoussa-t-elle, tu sais très bien que je n’arrive pas toujours à dormir quand tu ne rentres pas tôt.
Ok. Je t’expliquerai dès que j’en aurai le cœur net. C’est que j’ai été surpris par une situation ce soir
-Dois-je comprendre que tu n’as pas confiance en moi ?
-Ce n’est pas ça, mais…
Alors, je lui expliquai les faits, détaillant chacune des scènes vécues. Ce fut alors en ce moment que mon épouse se rendit compte de ce à quoi je venais d’échapper. Je lui indiquai qu’il lui fallait beaucoup de courage qu’il lui revenait à elle aussi d’être vigilante, non seulement pour elle mais également pour les enfants.
Le lendemain, je fis le point à mon Directeur Général. J’étais accompagné de mon collègue d’infortune. Après nous avoir attentivement écoutés, celui-ci conclut : « tu sais que nous évoluons vers une période difficile et qu’il faut faire très attention. En tout cas, moi, j’ai déjà pris mes dispositions… ». Joignant l’acte à la parole, il me montra un objet (du genre amulette) et une arme à feux (quelque chose ressemblant à une carabine).
De fait, nous décidâmes de déposer une plainte au Commissariat Central de la ville de Cotonou. Cette plainte contre X a été enregistrée le 9 décembre 2005. Dans la déclaration, je fis référence, par ailleurs, à une situation survenue un mois plus tôt. En effet, un soir, alors que j’étais absent, mon épouse avait reçu la visite d’un inconnu qui lui fit comprendre qu’il était mon émissaire spécialement venu prendre un document dans ma bibliothèque. A la question de savoir de quel document il s’agissait, l’intéressé avait avancé que c’était un document qu’il ne pourrait identifier qu’une fois devant la bibliothèque. Mon épouse lui avait demandé si moi-même je n’étais pas à Cotonou. L’inconnu avait répondu par l’affirmative. Alors, elle lui avait suggéré de retourner me voir pour que je procède comme d’habitude lorsqu’il était question d’envoyer quelqu’un  chercher  un document à la maison. L’homme était reparti sans que personne ne le revoie. Ma plainte n’a pas non plus été suivie d’effet. En tout cas, je n’ai pas connaissance de la moindre procédure ouverte à cet effet.
Alors, pourquoi des gens m’en voudraient-ils ? C’est encore là une longue histoire. Le Bénin était en ce moment à la veille d’une élection présidentielle et le choix du journal était très clair. C’est son opposition farouche, sans condition, à toute tentative de révision constitutionnelle dans le but de maintenir Mathieu Kérékou au pouvoir. Mais il y avait un autre engagement fait par le Directeur Général du journal, celui de soutenir le candidat Boni Yayi, actuel Président de la République du Bénin à qui tout le monde, même ses détracteurs d’hier, fait aujourd’hui allégeance. Il est important d’insister que ce choix du Directeur Général n’était en rien celui du journal qui, suivant sa ligne éditoriale de l’époque – c’est encore vérifiable à travers les archives et l’internet – n’avait pas pris parti de manière à perdre sa crédibilité. Il s’agissait donc de deux choix qui perturbaient la tranquillité de nombre de profiteurs du régime de Mathieu Kérékou. Et tout le monde sait qu’en situation de menace sur leurs intérêts, rien ne pouvait arrêter les hommes politiques de ce régime. On a encore en esprit l’interpellation de Christine Muratet et de celle de Jean-Luc Apklogan, respectivement envoyée spéciale et correspondant permanant de Radio France internationale (Rfi) alors qu’ils couvraient la présidentielle de mars 2001. Election qui enregistrait la candidature du président Kérékou qui venait d’achever son premier mandat de cinq ans sous le Renouveau Démocratique. Ces journalistes avaient été interpelés parce qu’ils avaient eu le courage de diffuser sur les ondes de la radio internationale les propos tenus par le candidat Nicéphore Soglo qualifiant le scrutin de « mascarade », de « tripatouillage ». L’arrière-garde du pouvoir Kérékou, qui ne recourt pas souvent aux sciences occultes lorsqu’il s’agit de contradicteurs expatriés, avait préféré les intimider en les faisant incarcérer dans les locaux de la police pendant des heures. En se référant à ces cas, on comprend mieux ce qui m’est arrivé.
Quand mon patron me révéla la dimension paranormale de mes malheurs, je me rendis compte que le hasard n’existait pas et qu’il s’agissait sans doute d’une action menée par nos détracteurs contre les intérêts de notre journal. J’en informai mes parents qui eux, nourrissaient déjà des soupçons sur l’origine et les ratés de mon intervention. A partir de cet instant, un autre cheminement commence.
Désormais, je dois m’enduire le corps des liquides et pommades de toutes natures, avaler des poudres et décoctions diverses, mâcher des choses que je reconnaissais à peine, subir des scarifications, bref tout ce qui est dit censé me sortir d’affaire.
Sur le plan purement clinique, tout a été planifié et je dois être transféré dans un nouveau centre. Informé, mon chirurgien refuse d’établir un rapport d’incapacité. Il me demande de prendre un engagement signé pour dire que c’est volontairement que j’ai interrompu les soins en prenant la décision de partir. Il m’adresse un premier rapport que je lui retourne. Je lui demande de bien vouloir établir un rapport indiquant qu’il n’est plus en mesure de me prendre en charge. Une formule intermédiaire est trouvée et j’ai été finalement transféré. Une observation importante : le médecin n’a plus jamais cherché à savoir ce qu’est devenu le malade qu’il a contribué à mettre dans un  état critique.
16 février 2006.
Dans le centre de santé qui m’accueille, il sonne vingt et une heures quand le véhicule du Samu s’immobilise au portail. C’était le « centre de santé de Mènontin »Une équipe d’infirmiers est déjà en place pour m’accueillir. En fait, l’une de mes sœurs qui travaille dans ce centre avait pris toutes les dispositions pour qu’il en soit ainsi. Les brancardiers se sont mis aussitôt au travail pour me conduire dans une chambre et m’installent dans un lit apprêté pour la circonstance. Une fois encore, j’ai refusé d’occuper une chambre individuelle, préférant la salle d’hospitalisation qui prend environ huit lits. Pour moi en effet, une salle d’hospitalisation commune est l’occasion de vivre ce qui se passe dans cet univers dont j’ignorais les réalités au départ. Les descriptions habituellement colportées par la rumeur – ou dans le meilleur des cas par des personnes ayant été une fois hospitalisées – décrivent un milieu particulièrement hostile. Parfois le personnel médical, surtout les médecins dénoncent le laxisme des autorités dans le financement des hôpitaux du secteur public. Ils les traitent même de mouroir. Ces réalités sont, à peu de choses près, les mêmes dans les deux centres qui m’ont accueilli successivement. En effet, la salubrité n’y est pas digne d’un centre dit de santé. Dans le premier centre, si la salle d’hospitalisation dispose d’un sol carrelé, bénéficiant d’un nettoyage quotidien relativement moyen, dans le second par contre, le nettoyage est, dans le meilleur des cas, hebdomadaire sur un sol en ciment ordinaire, pas du tout lisse pour pouvoir permettre une désinfestation quotidienne. Pour ce qui concerne spécifiquement la qualité des soins, plusieurs observations s’imposent. Des infirmiers sans blouse interviennent, dans certains cas, à mains nues. Des infirmiers qui soignent des plaies post-opératoires avec les mêmes instruments d’un malade à l’autre. Parfois, il suffit juste d’un lavage des instruments au dakin pour passer d’un malade à l’autre en donnant l’impression de garantir à ceux-ci l’hygiène adéquate. Lorsqu’un malade libère un lit, celui-ci ne subit aucun nettoyage avant qu’on ne l’attribue à un autre. Si dans le premier centre, la buanderie est assurée par un prestataire associé, dans le second, elle est faite sur place à ciel ouvert et dans des conditions douteuses. Pour les toilettes, il est inutile de décrire les conditions dans lesquelles malades et garde-malades se mettent à l’aise. S’il faut reconnaître que pour certains usagers, ces conditions sont nettement meilleures à celles dans lesquelles ils vivent dans leurs domiciles, pour d’autres il s’agit de situations insupportables avec des risques d’infections. C’est dans un tel milieu aussi hautement dangereux pour la santé des hommes, que des médecins et infirmiers sont supposés assurer la santé et l’hygiène aux malades. C’est à se demander ce qu’on fait des maladies nosocomiales dans ces conditions. Seul le Créateur, qu’évoquent souvent les médecins, peut répondre à cette interrogation. Mais je me suis accommodé à cette réalité scandaleuse plusieurs mois durant.
28 mars 2006.
Dans le nouveau centre, je continue de lutter contre l’anémie. Mon taux d’hémoglobine a passé la barre des 8g. Un léger mieux. Sur le plan physiologique, je ne suis plus fatigué comme avant. Un bilan général me permet de me convaincre que mes craintes à la suite des nombreuses transfusions sanguines sont en voie d’être dissipées. Cependant, la fracture reste à réduire. Et ce 28 mars 2006 n’est qu’un autre épisode de mon calvaire.
En effet, je reçois un coup de fil de la part d’un ami, employé au Ministère de l’Intérieur. Celui-ci m’annonce que le service de renseignement du Ministère de l’Intérieur, animé par des policiers, a reçu pour mission de procéder à mon interpellation. Pourquoi ? Parce que le journal dont je suis resté – un peu plus sur papier que dans la réalité– Directeur de Publication a publié un article qui ne serait pas en faveur d’un proche du Président de la République sortant. Nous sommes déjà au lendemain de l’élection présidentielle et le nouvel élu s’apprête à être investi. Aussitôt, les sbires de l’ancien régime se sont mis au travail. Ils m’appellent, tout en ignorant l’état dans lequel je suis. Je leur  indique l’endroit où je suis hospitalisé. Par précaution, j’envoie un texto à mon patron pour l’en informer. Celui-ci me répond : « à partir de cet instant, ne passe plus plusieurs heures au même endroit. Cache-toi autant que possible jusqu’au 6 avril ». Le 6 avril 2006 est le jour de l’investiture du président Boni Yayi. Et il apparaît évident qu’après l’avènement du nouveau pouvoir, il ne serait plus possible pour un service de renseignement d’arrêter un journaliste comme moi sans mandat. Il ne s’agit pas d’affirmer ici que l’arrestation des journalistes est le propre du pouvoir Kérékou, bien au contraire. Mais il se fait qu’à l’époque, voyant leur fin très proche, certains zélés du pouvoir finissant étaient prêts à tout. Quelques heures plus tard, des garde-malades spéciaux débarquent à l’hôpital et investissent ma chambre, du moins l’entrée de ma chambre. Dans l’impossibilité de m’enlever ou de tenter une violence contre moi, ils ont pris la décision de surveiller sans discontinuer mes faits et gestes. Ainsi, ils se relaient sans cesse devant la salle d’hospitalisation vingt-quatre heures sur vingt-quatre. J’en informe aussitôt la direction de l’hôpital. Celle-ci me rassure et m’indique qu’aucun mandat d’emmener ne peut être exécuté contre moi. J’en suis là quand, le 04 avril 2006 un autre ami, employé à la Direction des Services de Liaison et de la Documentation près la Présidence de la République (service de renseignement d’Etat), m’appelle au téléphone. Directeur de publication du plus grand quotidien du Bénin, j’avais en effet « mes hommes partout ». Il m’annonce qu’on vient de prendre la décision de me transférer à hôpital d’instruction des armées. Le 05 avril, l’exécution de la mission est lancée et une ambulance est envoyée pour qu’on me récupère. Aussitôt, mon informateur me met la puce à l’oreille. Ainsi, une interminable attente commence. Entre-temps, j’ai changé de numéro Gsm pour éviter d’être sur écoute. J’ai pris la décision d’informer deux personnalités que je connaissais bien. L’ancien président de la République Emile Derlin Zinsou et le professeur Albert Tévoédjrè. Ils m’ont promis voir la situation de près. Après plusieurs heures d’attente, je rappelle mon informateur qui me révèle que la mission a été suspendue. En effet, alors que l’ambulance était déjà en route pour le centre de santé situé à l’Ouest de Cotonou, un ordre venu d’« en haut » a demandé l’interruption de la procédure autoritaire. Ainsi, je ne connaîtrai pas ce transfèrement dont l’issue serait totalement incertaine. C’est un dénouement certes, mais mon moral en sera affecté. De cet état de stress permanent, je garde aujourd’hui, entre autres, des maux quasiment incurables. Avec, comme conséquence une tension artérielle perturbée et un cœur relativement fragilisé.
Sur un autre plan, et de manière régulière, je suis confronté à une série d’assignations en justice. Toujours absent au tribunal, aucun de mes collaborateurs ayant rédigé et signé les articles objet de diffamation, ne prennent la peine de répondre aux audiences. Au point où je suis obligé, à un moment donné, de solliciter la direction de l’hôpital afin d’adresser au Procureur de la République une correspondance assortie d’un certificat médical. Il fallait justifier mes absences répétées aux audiences. La complicité de l’avocat du journal aidant, ma démarche a été acceptée. Il s’agit de Me Joseph Djogbénou avec qui je suis resté en contact depuis mon lit d’hôpital. Malgré ses honoraires impayés, celui-ci a réussi à convaincre le tribunal de ma bonne foi. Mais s’agissant de certains dossiers, il a jeté l’éponge du fait de la non-collaboration des responsables du journal. Aucun avocat digne du nom n’accepte d’ailleurs d’allonger la liste des procès perdus. Pour les futurs clients, cette statistique ne fait pas bonne presse.
Pendant ce temps, le Directeur Général du groupe de presse, plus menacé que moi, a dû prendre la clé des champs. Il a été contraint de quitter le Bénin pour ne pas être arrêté et sauvagement maltraité. Lorsqu’il me disait de m’en aller, il avait déjà organisé sa propre fuite mais il ignorait l’état dans lequel je me trouvais. Dieu merci, le 6 avril est enfin arrivé. De mon lit d’hospitalisation, j’ai suivi avec soulagement l’investiture du nouveau président. De ce fait, plus aucune arrestation arbitraire n’est plus à craindre, en tout cas, par moi. Mais les dossiers d’assignations régulières devant les tribunaux n’ont pas été interrompus. Cependant, avec un fémur toujours fracturé, pourrais-je avoir une autre préoccupation plus importante que ma guérison ?
L’actualité, ce 10 avril 2006, au-delà des rumeurs sur la formation du gouvernement impatiemment attendu, c’est l’éclipse solaire. Même les médecins du centre où je suis hospitalisé en ont fait leur chou gras. D’ailleurs, de par le monde, le sujet est abondamment relayé par la presse. Le lendemain, c’est-à-dire le 11 avril 2006, tous les malades hospitalisés attendront en vain les médecins pour leur visite quotidienne. Certes, les infirmiers de garde sont présents à leurs postes (au singulier), mais les médecins, eux, ont préféré déserter leurs cabinets (au singulier) toute la journée. Je sollicite une aide-soignante pour en savoir plus sur cette absence étrange de la quasi-totalité des médecins. Pour toute réponse, la charmante dame m’informe que les médecins ont organisé une sortie spéciale à l’intérieur du pays afin de mieux vivre l’éclipse. Un phénomène qui doit durer moins de quinze minutes suivant les prévisions des spécialistes. Il avait été prédit que la meilleure vue de ce phénomène ne serait possible que dans la région centre du Bénin. C’est donc pour mieux vivre l’évènement que plusieurs responsables du centre de santé, notamment les médecins, ont pris l’initiative d’effectuer un voyage en groupe dans la ville de Bohicon, située au centre du Bénin.
Le 16 avril 2006, j’effectue une série d’examens. Les résultats sont concluants. J’ai pu passer la barre des 9g d’hémoglobine. Le chirurgien m’annonce mon admission au bloc dans deux jours. Un sentiment de joie extraordinaire me transporte. J’informe alors mes proches qui, eux, se replongent dans des prières interminables. Désormais, chaque heure qui passe est comparable à une journée entière. J’émets un chèque et demande qu’on achète tous les produits prescrits par le chirurgien. En effet, ici comme ailleurs, le malade doit prendre en charge une bonne partie, sinon la totalité, des consommables dont a besoin le chirurgien pour intervenir. Aussi, Il doit aussi payer à l’avance les frais d’intervention. Notons que pour cette deuxième opération, étant donné la familiarité qui s’est désormais installée avec les agents de ce centre, personne ne m’a exigé le paiement des frais d’intervention avant coup. Rappelons aussi qu’ici, l’une de mes sœurs est en service.
Dans l’après-midi de ce 16 avril 2006, je reçois la visite de mes enfants accompagnés d’un de leurs neveux et d’une nièce. L’ambiance est à la décrispation. Mon père, mon oncle sont aussi là. Je suis soumis à une série de questions. Mes visiteurs veulent savoir tout sur mon état. Pourquoi je suis cloué au lit, pourquoi dois-je boire et manger en restant allongé, que signifient ces cathéters qui me relient à tous les perfuseurs en hauteur, bref une suite de questions auxquelles j’ai essayé de répondre.
















3- SPIRTUALITE ET DEUXIEME OPERATION…
Tout étant prêt, le 17 avril 2006, je dois être transféré dans la salle d’hospitalisation du service de réanimation. C’est là qu’il faut préparer le malade en vue d’une intervention le lendemain. Il s’agit d’une mise en condition propre à ce centre hospitalier. Lorsque l’infirmier a terminé son travail de mise en condition, les heures qui suivent constituent des moments émotionnels particuliers. Je me suis mis alors à prier. C’était une situation inhabituelle d’autant que, sans m’en rendre compte, mes lèvres se sont mises à psalmodier des prières. Le texte de ce recueillement est si intense qu’il s’est fixé dans sa mémoire. Il est devenu depuis lors ma prière quotidienne. Le voici tel quel:
« Je confesse à Dieu tout puissant, … »  (prière ordinaire de l’Eglise catholique)
Que Dieu tout puissant nous fasse miséricorde, nous bénisse et nous conduise à la vie éternelle. Amen.
« Seigneur, je m’en vais vers toi, … »  (chanson ordinaire du christianisme)
« Mon Dieu, je te cherche de tout mon cœur, … »  (chanson ordinaire du christianisme)
« Je vous demande l’amour seigneur,… »  (chanson ordinaire du christianisme)
Seigneur Dieu, Dieu d’amour, de miséricorde, de consolation, …
Merci pour tout ce que tu m’as fait au cours de la journée d’hier.
Merci pour toute la protection que tu m’as apportée au cours de la nuit antérieure.
Merci pour toute la protection que tu vas m’apporter au cours de la nuit qui commence,  pour les heures à venir et pour les siècles et les siècles.
Seigneur Dieu, Dieu d’amour, de miséricorde, de consolation, …
C’est toi qui m’as créé,
C’est toi qui m’as fait,
C’est toi qui m’as protégé depuis ma naissance jusqu’à ce jour,
C’est toi qui m’as donné la preuve que tu es prêt à me protéger aujourd’hui et demain,
Humblement, je reconnais devant toi que je suis un pauvre pécheur qui demande pardon pour mes péchés,
Pardonne-moi mes péchés et protège-moi davantage aujourd’hui et demain,
Protège moi parce que tu en as les moyens, la possibilité, la disponibilité, la volonté, la capacité…
Et moi, pauvre pécheur que je suis, je crois en toi, j’ai foi en toi, j’ai confiance en toi,
C’est pourquoi, je te demande de me protéger contre les forces du mal,
De me protéger contre les forces négatives,
De me protéger contre les énergies négatives,
De me protéger contre les vibrations négatives,
De me protéger contre toute entité du mal qui m’empêche de faire des pas positivement significatifs sur les chemins du monde,
De me protéger contre toute entité du mal qui m’empêche de faire des pas positivement significatifs sur les chemins me conduisant à une santé robuste.
Dès qu’une entité du mal s’approcherait de ma personne, que tu l’anéantisses à bonne distance et m’accorde ta protection,
Seigneur Dieu, Dieu d’amour, de miséricorde, de bonté,…
Protège tous mes proches sans oublier mes ennemis si leur bonheur peut faire qu’ils pensent et fassent du bien à mon égard.
Seigneur Dieu, Dieu d’amour, de miséricorde, de bonté,…
Prends mes enfants, mes frères et sœurs, ma mère, mon père, mon épouse et tout mon entourage fait que nous recouvrons le bonheur terrestre que tu promets Accorde nous une santé robuste, une santé miraculeuse.
C’est toi qui as fait l’option du miracle et l’exerce depuis ma chute. Merci pour ton œuvre.
Pour ceux qui se comportent comme étant mes ennemis, autant qu’ils le mériteront jette sur eux un regard miséricorde et fait en sorte qu’ils cessent de me voir en mal.
Fais qu’avec ta puissance régénératrice, ta puissance de guérison,
Sous ton regard vigilent, ton regard magnanime, ton regard miséricordieux, ton regard bienveillant, ton regard bienheureux, ton regard bienséant, ton regard bienfaisant,
Fais que mon corps recouvre la santé,
Associe les forces positives des mânes de mes ancêtres,
Joins tes mains à mon action,
Ces forces que tu as créées toi-même et que tu as mises à la disposition de mes ancêtres qui en ont fait des œuvres positivement gigantesques,
Mets ces forces à ma disposition,
Fais-moi envahir par les forces du bien,
Fais -moi envahir pas les forces positives,
Fais -moi envahir par les énergies positives,
Fais -moi envahir par les vibrations positives,
Fait-moi envahir par ta lumière divine, ta lumière céleste,
Qui m’éclaire,
Qui me conduit,
Qui me montre le chemin,
Qui guide mes pas
Qui m’oriente,
Fais -moi envahir par toute entité du bien qui me permet de faire des pas positivement significatifs sur les chemins du monde,
Fais -moi envahir par toute entité du bien qui me permet de faire des pas positivement significatifs sur les chemins me conduisant à une santé robuste,
Une santé telle qu’il me faut pour accomplir mes missions terrestres à moi confiées par toi, Seigneur Dieu de miséricorde.
Je vous demande l’amour Seigneur, je vous demande l’amour. L’amour des autres et de vous seigneur, l’amour des autres et de vous… (Chanson ordinaire du christianisme)
Seigneur, prend ma vie professionnelle, fais en ce que tu veux, je suis à toi,
Prends ma situation socioprofessionnelle, fais en ce que tu veux, je suis à toi,
Prends mon organisme, fais en ce qui me convient, je suis à toi,
J’ai confiance en toi et je sais que tu ne peux que vouloir du bien pour moi,
Prends mon organisme, associe les forces positives des mânes de mes ancêtres,
Joints tes mains à l’action de tes serviteurs qui m’accompagnent,
Qui me soignent,
Qui me traitent,
Qui me consolent,
Qui me conseillent,
Qui m’orientent,
Fais que chaque fois qu’une main est posée sur mon corps dans le cadre de ma guérison,
Que tes mains se substituent à celle-ci et que l’action sur mon corps ait un effet positivement significatif,
Un effet positivement multiplicateur,
Un effet positivement accéléré,
Afin que je guérisse des maux dont je souffre.
Bénissez le Seigneur,
vous tous serviteur du Seigneur,
qui demeurer dans la maison de Dieu,
durant les heures de la nuit,
Levez les mains vers lui,
Et bénissez votre Dieu,
Que le Seigneur soit béni de Sion,
Lui qui fit le ciel et la terre… (chanson ordinaire du christianisme )
Notre père, … (prière ordinaire de l’Eglise catholique)
Je vous salue … (prière ordinaire de l’Eglise catholique)
Je vous salue… (prière ordinaire de l’Eglise catholique )
Je vous salue… (prière ordinaire de l’Eglise catholique )
Gloire au père, au fils et au saint esprit. Comme il était au commencement, maintenant et toujours dans le siècle et des siècles
Amen. »

A la suite de cette séance de prière originale et inspirée du néant, je retrouve mon état émotionnel de départ. En effet, mon sommeil qui était déjà très perturbé, sera particulièrement agité cette nuit du 17 avril 2006. Au moindre bruit, je soulève la tête, dès que la porte d’entrée s’ouvre, je me redresse. Les quelques rares moments de somnolence sont régulièrement interrompus par des rêves ou des cauchemars.
A un moment donné, je me plonge dans une réflexion intense. Je revisite ces moments où je priais constamment Dieu, ces instants où je voyais tous mes proches se recueillir régulièrement autour de moi, ces moments où plusieurs pasteurs venaient à mon chevet invoquer Dieu et me donner espoir… Je me demande si, en ces moments délicats, on ne me considère pas comme quelqu’un qui ignore tout de la spiritualité. Car, dans les propos tenus, certains insinuent que je suis responsable de ce qui m’arrive. Leur logique est toute simple : ils démontrent comment autant de malheurs se sont concentrés sur moi. Mais, étant donné qu’ils sont aux aguets, ils continuent d’unir leurs prières pour me les faire éviter. Pour d’autres, c’est par l’occultisme qu’ils contrecarrent les mauvais sorts qu’on m’a jetés. J’encaisse sans grande réaction. Mais ces commentaires ne me laissent pas indifférent. Si au départ, je leur remettais ce qu’ils réclamaient en terme d’argent pour entreprendre tel ou tel acte spirituel censé faire pièce aux envoûtements dont je serais l’objet, je commence, par contre, à me demander si ma crédulité ne me joue pas des tours.
Mais, au-delà de ces commentaires, je demeure plus tourmenté et plus préoccupé que jamais. Je me suis même laissé convaincre que je ne permettrai pas à mes visiteurs de me raconter leur vie comme si c’était leur spiritualité qui les protégeait de tout. Mais à l’œuvre, je n’en ai pas le courage. Ainsi, au cours de cette nuit du 17 avril 2006, profondément bouleversé par ces commentaires,  je fais la réflexion suivante. Il y a incontestablement une part du sort dans ce qui arrive aux hommes. Ma vie en elle-même est un exemple : pendant que tout allait relativement bien pour moi, pendant que je connaissais un bonheur relatif sans recourir à quelque spiritualité que ce soit, aucun des donneurs de leçon qui me rendent visite à l’hôpital, n’avait levé le petit doigt pour me reprocher quoi que ce soit. Je me souviens que mon compatriote Oshofa, prophète créateur de l’Eglise du Christianisme céleste est mort des suites d’un accident de la voie publique. Pourtant, dans les pratiques courantes de cette église qu’il a créée, il y a la « vision », une manière de sonder l’avenir en vue d’éviter, autant que possible, les événements malheureux. Cette pratique est la règle dans cette religion bien que la Bible soit le premier outil de travail. J’estime alors que si le prophète Oshofa peut mourir des suites d’un accident de circulation, alors rien, ni personne n’est à l’abri des mystères de la vie. Je me rassure ainsi pour dire que si c’était possible de s’engouffrer dans la spiritualité pour passer une existence paisible de manière aussi convaincante que mes visiteurs se plaisent à le dire, aucun homme ne se laisserait surprendre. Il s’agit du domaine de l’insondable où tous les abus sont permis, où toutes les mystifications et escroqueries sont autorisées. Ainsi, celui qui n’a pas encore connu la surprise la plus désagréable de sa vie se croit le plus intelligent ou le mieux outillé en matière spirituelle. On imagine la nuit blanche que j’ai passée à inventer une longue prière et à agiter toutes ses idées tantôt réconfortant, mais qui ne manque pas de mettre en évidence mon état psychologique bien fragile. Mais aussi longue que peut durer une nuit, le jour finit toujours par se lever.
18 avril 2006, par une calme matinée de saison pluvieuse, je vois le soleil poindre très tôt à l’Fst comme si nous étions en saison sèche. Ce jour, par coïncidence, est la date anniversaire de l’une de mes sœurs aînées. Même les donneurs de leçon si bavards sont incapables de décrypter cette coïncidence. Voici plus de trois mois, j’ai subi ma première intervention chirurgicale à la date anniversaire de l’une de mes sœurs aînées. Et la seconde opération est programmée à la date anniversaire d’une autre de mes sœurs.
Ce 18 avril 2006 est particulier. Déjà à 9 heures, la chaleur ambiante rivalise avec la température de la salle de réanimation. En effet, l’air qui circule dans cette pièce reçoit, à intervalles régulières, celui que vomit le climatiseur. Tôt le matin, la garde-malade, en fait mon épouse, se précipite dans la salle pour avoir de mes nouvelles. Les infirmiers de garde lui expliquent que sa première tâche est de m’aider à faire mes besoins. Ce qui est fait en quelques minutes. Suit alors l’attente angoissante pour le transfert au bloc opératoire. A 9heures 30, le chirurgien effectue la visite de chambres des malades et un peu avant 10 heures l’ordre de transfert est donné. Mais l’infirmier n’aura pas le temps de s’exécuter puisqu’on lui demande d’attendre encore un peu. La raison en est simple : entre temps, un cas d’urgence est admis dans le bloc opératoire pour une intervention urgente.  Il s’agit de sauver une vie. Qu’à cela ne tienne. Je viens de boucler plus de trois mois d’hospitalisation, mon cas peut attendre.
 A 10 heures 45, l’ordre est enfin arrivé. En quelques minutes, on me transporte au bloc opératoire. Là, je reconnais l’anesthésiste. Ici aussi, c’est une femme. Je l’ai reconnue parce ce qu’elle suit tous les matins le chirurgien lors de la visite des malades. J’engage aussitôt une discussion avec elle. Plusieurs fois déjà, on avait échangé sur divers sujets dont ceux relatifs à la profession de journaliste. En effet, le commun des Béninois a des préjugés sur notre métier. Ainsi, lorsque quelqu’un a la chance d’en rencontrer un, il ne se prive pas de le chahuter. Surtout lorsque celui qu’on a à portée de main est le Directeur de Publication du journal le plus lu. Ainsi, l’anesthésiste, tout en conversant avec moi, s’attelle à la tâche. Ici, cela ne va pas se passer comme la première fois. L’anesthésiste certes, parle beaucoup avec moi mais elle ne m’explique rien de ce qu’elle veut faire. Jusqu’à ce qu’elle m’injecte l’anesthésiant, je ne savais pas le type d’anesthésie retenu pour mon cas ce jour là. Bientôt, je m’endors.
L’intervention, d’après ce qui m’a été rapporté, a duré un peu plus d’une heure et elle est déclarée réussie par l’équipe médicale. De retour parmi les miens, je me rends compte qu’il sonne un peu plus de 18 heures. Je constate que j’ai été incisé à un endroit différent de celui de la première intervention qui porte encore une plaie non moins importante. On m’a aussi placé une botte de dérotation qui enveloppe tout le pied jusqu’au niveau du genou. Quand je pose la question au médecin de garde pour savoir le temps qu’il me faudra pour jouir de l’usage de mes jambes, il me répond que tout dépend de la réaction de mon organisme. Ainsi, mon organisme doit s’adapter à la nouvelle donne, gérer les infections éventuelles, faciliter la formation de la cale osseuse et la consolidation efficiente de l’os.  Avant de me transférer dans la salle d’hospitalisation, la radiographie post opératoire est faite et elle donne l’impression que tout est maintenant aligné, en place. Seulement, elle montre clairement un rétrécissement du fémur. Donc un raccourcissement de la jambe. Je suis transféré de la réanimation à ma chambre d’hospitalisation. Là encore, le compte à rebours commence. Je suis impatient de regagner ma maison. Mais les événements me donneront tort.
En effet, une semaine après l’intervention, la plaie opératoire présente un aspect peu rassurant pour le chirurgien. Non seulement, la nouvelle plaie a un aspect délicat mais l’ancienne s’est remise à saigner à nouveau. A cela s’ajoute la botte de dérotation qui avait déjà provoqué le pourrissement de la première plaie toujours non guérie au niveau du talon.  Le chirurgien qui a l’habitude de libérer ses patients, au plus tard, au bout d’une semaine après l’intervention, est incapable de me dire le jour où je pourrai rentrer chez moi. D’ailleurs, les événements sont tels que je ne peux pas moi-même en formuler la demande. Mais à ce moment, une autre question se fait jour en moi : maintenant que l’opération corrective s’est faite et qu’on attend la cicatrisation de la plaie et le début de consolidation de l’os, les maladies nosocomiales ne m’ont-elles pas affecté ? Après ce séjour si long en milieu hospitalier, le pire peut survenir. Le chirurgien ainsi que ses collègues en sont préoccupés. Mais, à un autre niveau, les responsables du centre manifestent, de manière indirecte, leur impatience à faire occuper mon lit par d’autres malades. En d’autres termes, faut enfin que je libère ma place, mon lit. D’autres en ont besoin.
Au bout de quatre semaines, le chirurgien me fait des recommandations pour ma rééducation. Dans un premier temps, il me demande de prendre appui sur deux béquilles pour me déplacer dans les allées. Puis, il me suggère de négocier avec l’un des infirmiers du centre pour que celui-ci vienne me soigner à domicile. Car dans mon état, je ne pourrai pas me déplacer tous les jours pour aller au centre de santé pour y penser mes nombreuses plaies. Une fois ce programme calé, il n’y a plus rien qui s’oppose à la fin de mon hospitalisation. Le chirurgien signe ma « libération » du centre. C’est ainsi que je retrouve la chaleur et la tranquillité de mon appartement. Le soulagement, mais aussi le bonheur d’être chez soi demeure pour moi inestimables.
Pendant mon séjour à mon deuxième centre hospitalier, je pensais bien sûr, à mon avenir professionnel. Cela faisait des mois que j’étais hors course. Je me rappelle avoir reçu un message de mon patron. Il voulait avoir de mes nouvelles, je lui présentai ma situation sanitaire. Il décida alors de me rendre visite dans la même journée. Mais quelques heures plus tard, il m’envoie un message pour reporter le rendez-vous. Le jour suivant, au début de l’après-midi, il me rappela pour m’annoncer sa visite, mais s’empressa d’ajouter de bien vouloir le lui rappeler à dix huit heures. Effectivement, il arriva, conduit à mon chevet par ma sœur. C’était encore à l’hôpital. Sa surprise, en me voyant, était si grande qu’il mit quelques temps avant de m’adresser la parole. Mais ses premiers mots étaient empreints de plaisanterie, puis il me demanda de lui raconter l’enfer que j’ai vécu. Entre sa dernière visite au centre Saint Luc et sa présence à mon chevet ce jour-là, il s’était déjà écoulé quatre bons mois. Quatre mois au cours desquels le Directeur Général et son Directeur de Publication n’ont échangé que quelques messages par téléphone. En effet, à la suite de la panique qui a marqué les derniers jours de mon hospitalisation au niveau du premier centre, j’étais parti sans laisser de trace. Je n’avais informé personne si ce n’étaient mes gardes-malades et autres parents proches. Entre temps, le Directeur Général, très impliqué dans le dispositif de campagne du candidat Boni Yayi, n’avait pas eu le temps de s’occuper de moi. Du reste, je n’en avais pas fait une migraine, comprenant la situation. Une présidentielle n’est pas un jeu d’enfants et lorsqu’on y est impliqué, on n’a pas le temps de faire le travail des autres. Le fait que le Directeur Général n’apparaisse que quatre mois après ne me paraissait pas incongru.
Après lui avoir raconté les détails de mon séjour hospitalier, je serai à mon tour informé des nombreuses tracasseries subies par le journal et le Directeur Général au cours de la période agitée. Mon patron m’indiqua aussi les nouvelles perspectives  qui s’ouvraient pour l’ensemble du groupe. Quand je lui annonçai que j’étais sur le point de rentrer à la maison, il me fit remarquer qu’il ne fallait rien précipiter et qu’avec la plaie qui restait encore humide au niveau du pansement, il urgeait de s’entourer de la présence d’infirmiers susceptibles de  me prodiguer des soins post-opératoires adéquats. Je le rassurai, en lui faisant comprendre les dispositions qui avaient été prises. Puis, il me demanda de lui faire le point des dépenses à effectuer avant ma libération. Aussi promit-il de revenir le jour suivant avec un lot de livres pour m’éviter l’ennui. Il est vrai que ce rendez-vous n’aura pas lieu, en tout cas, pas au centre de santé. Car, le jour suivant coïncidait avec mon retour au bercail. Il honorera cet engagement en me rendant visite à mon domicile quelques documents en mains, comme promis, pour me permettre de chasser l’ennuie.
Mais avant cette date, il s’est passé d’autres événements qui mériteraient d’être évoqués. En effet, au début du mois de mai, je vécus une situation particulière qui modifiera ma conception de mon état de malade hospitalisé.
C’était un après-midi à peine ensoleillé. Le ciel était resté nuageux toute la journée, avec une timide apparition de l’astre du jour. La veille, il s’était abattu sur la ville de Cotonou une de ces fortes pluies qui inondent la grande majorité des quartiers de la capitale économique du Bénin. Les eaux stagnaient un peu partout et les routes, à l’intérieur de la ville, étaient pour la plupart coupées.
Dans la grande salle d’hospitalisation, il régnait un calme inhabituel. En effet, les garde-malades se faisaient rares. Les raisons en étaient multiples. Pour certains, il fallait rester à la maison pour faire face aux affres de l’inondation. Pour d’autres, il fallait réfléchir par deux fois avant de se risquer dans les eaux. Pour d’autres encore, le temps qu’il faisait était propice aux galipettes. Ainsi, il valait mieux raviver son couple au lieu de penser à un malade hospitalisé. Cet après-midi de mois de mai donc, la salle d’hospitalisation était calme et seuls les malades y étaient demeurés. C’est dans ce contexte que j’ai touché doigt des réalités particulières qui font royalement fi des drames que nous vivons, nous !
 Alors que mon épouse m’arrangeait suite à mon déjeuner tardif, le pagne qui me couvrait a été brusquement agité au niveau de l’entrejambe. Surprise, elle s’était redressée et son regard s’était fixé sur l’endroit. Elle ne tardera pas à être servie. Deux fois de suite, des frissons m’arrachèrent deux contractions du muscle pelvien. Assurée qu’elle ne se trompait pas et que ce qu’elle semblait avoir vu était bien réel, elle me lança: « même ici aussi ? ». Je souris et lui répondis que mon handicap actuel était localisé au niveau d’un membre inférieur et non au niveau de l’entrejambe. Madame sourit aussi et lance un regard discret sur l’ensemble de la salle d’hospitalisation. Aussitôt après, elle s’assit sur le lit en me faisant face. D’un geste lent, elle posa la main sur mon ventre en s’assurant qu’elle n’était pas suivie par un regard indiscret. Quelques caresses sur mon ventre et voici mon sexe violemment tendu, pointant la tête au plafond. Madame glissa alors sa main sous la couverture et saisit mon sexe. Dans un geste lent et coordonné et de manière à n’attirer l’attention de personne, elle se mit à me masturber. Envahi par un plaisir que je pensais avoir définitivement perdu, je me laissai faire. Après quelques minutes d’application, mon épouse se retira brusquement et plongea la main dans un sac contenant plusieurs produits pharmaceutiques. Elle en sortit un tube de pommade, qu’elle pressa avant d’en prendre une portion dans la main droite. Dois-je continuer à relater les faits dans les détails ? Toujours est-il que, au bout de notre complicité, mon épouse avait réussi à me faire grimper au ciel, en m’arrachant une éjaculation abondante. C’était pour moi une évasion certes, courte, mais des instants de bonheur qui m’indiquèrent que j’avais recouvré mes sens. Je surpris le regard inquisiteur d’une malade ayant la cinquantaine révolue, mais que m’importait ce qu’elle pouvait penser !
Suite à cet acte qui relève, dans un premier temps, d’une pure occasion osée de plaisir, mon état psychologique de malade grabataire a changé. A cet instant précis, je n’avais aucune idée du sentiment qui animait mon épouse à qui je présente ici des excuses si elle était blessée ou tout au moins gênée. Pourtant, moi, j’étais animé par une satisfaction qui va bien au-delà d’un simple plaisir procuré par un orgasme sexuel exceptionnel. A aucun moment je n’ai été traversé par le moindre sentiment de culpabilité, bien que conscient d’avoir suffisamment osé pour poser un tel acte. En effet, je venais de me rendre compte que je continuais d’exister pour moi et pour les autres. Je me suis rendu compte que j’avais encore le droit de goûter au plaisir sexuel, au plaisir de la vie, donc j’avais le sentiment d’avoir, mieux que jamais, le devoir et la responsabilité de m’accrocher. La responsabilité de m’accrocher davantage à la vie afin de me servir, afin de mieux servir mon entourage immédiat et pourquoi pas la communauté. Et ce sentiment qui m’anime désormais a beaucoup compté dans mes prises de décision pour la suite de mon hospitalisation, pour la suite de ma vie professionnelle, pour ma vie tout court.
Toutefois, après cet acte, je demandai à mon épouse ce qui l’a poussée à avoir autant de courage. Car, pendant qu’elle était en action, un agent de l’hôpital pourrait entrer et nous surprendre. Pour toute réponse, elle répondit qu’elle n’en avait cure. Car, ajouta-t-elle, ils devraient comprendre que, pour quelqu’un qui a vécu une vie normale jusqu’à l’accident, six mois d’hospitalisation ne pouvaient qu’être un calvaire sur le plan sexuel. Elle parlait pour moi et certainement pour elle aussi. Je repris immédiatement là où elle acheva son développement et lui lança : « donc tu dois être autant affectée que moi ? ». Madame sourit et me révéla qu’elle se masturbait aussi. Ainsi, commença pour nous une nouvelle aventure sexuelle qui ne s’achèvera qu’avec la fin de l’hospitalisation. Mais cette habitude nous poursuivra aussi longtemps que possible. En effet, une fois à la maison, étant donné que mon état ne pouvait permettre une vie sexuelle normale, on se contentera d’intimités chaudes faites de masturbations mutuelles. A un âge où on l’homme normal est encore sexuellement très actif, une telle option n’était que la bienvenue mais on s’en contentait.
 Le 18 mai 2006, avant mon départ de l’hôpital, j’ai eu un ultime échange avec les chirurgiens. A l’ordre du jour, les prescriptions médicales : ce que je dois faire et ne pas faire, mon régime alimentaire, mes rendez-vous médicaux à l’hôpital, les soins à domicile, etc. D’ailleurs, arrivé à la maison, je n’avais qu’une seule préoccupation : pourvu que la situation nouvelle ne dure pas trop longtemps. Ce n’est pas trop demander au ciel que de souhaiter une prompte guérison. Mais les choses n’allaient pas se passer comme espéré. Car, plus d’un an après ce 18 mai 2006, ma guérison effective ne s’était pas réalisée. Pour retrouver progressivement l’usage de ma jambe droite, j’ai été obligé de recourir au traitement des tradipraticiens. Entre temps, j’ai été frappé par une hépatite grave. Mon médecin traitant n’ayant pas pu la traiter avec succès, j’ai dû recourir à d’autres docteurs ainsi qu’aux conseils des guérisseurs traditionnels. C’est d’ailleurs pendant ces moments que mon père tirera sa révérence. Il sera enterré un mois après. Le président de la République, en reconnaissance politique pour moi, a fait observer une minute de silence en ouverture d’un conseil des ministres.
D’un autre côté, mes rendez-vous médicaux se tiennent. Au cours de l’un d’eux, mon chirurgien, se référant à l’observation des radios contrôle qu’il déclare concluantes, m’envoie au CNHU me faire fabriquer des chaussures pour compenser la différence de longueur entre mes jambes. Je m’exécute. Quelques jours plus tard, il m’impose l’utilisation d’une béquille au lieu de deux pour marcher. Il me demande, au même moment, de me préparer pour l’ablation du clou. Je suis tenté de lui poser la question de savoir si cette opération n’est pas prématurée. Mais entre le malade et le médecin, qui peut avoir raison ? Qui a effectué de longues années d’études universitaires dans le domaine de la santé ? Qui a la solution, surtout lorsque l’organisme du malade est en train de lutter contre ce corps étranger ? Oui, mon organisme donne l’impression de rejeter le matériel. C’était d’ailleurs l’une des observations faites par le chirurgien à la suite d’une radio contrôle. Autrement dit, dès les premiers mois après l’opération, le malade doit faire face à une douleur atroce au niveau de la partie supérieure de la fesse droite. Ce qui donnerait envie au malade d’être tenté de retirer le clou lui-même. Je demande alors au docteur une radio-contrôle dont l’observation révèle le déplacement latéral progressif du clou. Après quelques mois d’hésitation, je finis par céder à la demande du médecin. J’accepte de me faire opérer pour l’ablation du clou en avril 2007, exactement douze mois après la seconde opération. Toutes les dispositions sont été prises pour cette intervention, qualifiée de banale, soit une réussite. Cette fois-ci, l’opération s’est déroulée dans de très bonnes conditions. Du début jusqu’à la fin, j’échange avec le chirurgien ainsi que ses assistants. A cette occasion je les informe de mon intention d’écrire un livre qui relatera  mon aventure et mes calvaires médicaux. L’atmosphère est à la détente et chacun y va de sa blague préférée. C’est dans une telle ambiance que l’une des assistantes du chirurgien me présente le clou qu’on vient de retirer de ma cuisse, précisément de mon fémur. Tout semble aller bien. Mais encore faudrait-il signaler un fait important survenu avant l’opération. En effet, alors qu’on me préparait pour l’intervention, le chirurgien, en rentrant dans le bloc opératoire, lança : « qu’est-ce que vous lui avez fait ? Il ne fallait pas lui faire une rachi. Juste une anesthésie locale suffirait… ». Là aussi, j’étais scandalisé. Dans quel pays admet-on un malade au bloc sans un protocole opératoire préétabli et affiché ? N’y a-t-il pas risque d’improvisation ? Mais puisque le vin est tiré, il ne reste qu’à le boire. Et les heures qui suivent vont me le prouver.
Dans un premier temps, je recouvre très rapidement la sensibilité de mes membres. Je peux même soulever une à une mes jambes. Quatre heures après ma sortie du bloc, le chirurgien me rend visite. Je lui demande la conduite à tenir à partir de cet instant. Il me recommande d’éviter de prendre appui sur la jambe malade au cours de la première semaine. Une indication qui me surprend d’autant que, lorsque ma sœur aînée s’était retrouvée dans la même situation, elle avait été autorisée à reprendre la marche dès que l’effet de l’anesthésie s’était estompé. Ce n’est pas après avoir passé treize mois d’immobilité permanente qu’on ne peut pas accepter de prolonger son impotence d’au moins de dix jours. Mais le meilleur reste à venir :
Lorsque j’ai demandé le bassin pour uriner, je me suis rendu compte de mon incapacité à pousser. Je sollicite alors les infirmiers qui me disent qu’il s’agit d’un mal dû à l’effet de l’anesthésie. On me propose d’attendre quelques heures. Un temps au bout duquel on introduit une sonde dans le méat urinaire pour vider ma vessie. Je garderai cet appareil pendant environ douze heures. Après le retrait de la sonde, je retrouverai mon aisance urinaire. Mais suivent après d’atroces céphalées. Ce mal est dû au fait que je n’étais pas resté immobile sur le lit au cours des heures qui avaient suivi la rachi. En effet, alors que j’avais des difficultés à pousser pour uriner, les infirmiers m’avaient demandé de me lever pour faciliter l’évacuation. C’était là un acte interdit à un malade dans une telle situation. En effet, rapportent les spécialistes, ce geste est proscrit aux patients ayant subi une rachianesthésie. Ils ne doivent pas se lever régulièrement avant plusieurs heures. Certains spécialistes conseillent même d’immobiliser le cou plusieurs heures après une rachianesthésie. Le mauvais geste étant fait, je me dois simplement d’en subir les conséquences. Pendant plus d’une semaine, je traine de violents maux de tête quasiment indescriptibles. Il faut l’avoir vécu pour en avoir la moindre idée.
Dix jours après, je décide de faire une tentative de marche en m’appuyant sur une canne. A l’essai, je serai désagréablement surpris. En prenant appui sur la jambe, j’ai l’impression que le ciel m’a doté d’un nouveau genou entre la hanche et le vrai genou. La prudence me recommande d’appeler le chirurgien pour le lui annoncer. Celui-ci, pour toute réponse, me demande si, en restant allongé, j’arrive à soulever le pied sans l’aide de mes mains. Ma réponse négative le conduit à me fixer aussitôt rendez-vous pour un examen. Entre temps, j’informe mon patron de l’évolution de la situation. Un message resté sans réponse. Mais je ne m’attends pas à mieux d’autant que mon patron vient d’échouer in extremis aux élections législatives de 2007. La surprise, c’est qu’en envoyant ce message, j’ignorais complètement ce que me réserve la suite des événements.
La veille du jour du rendez-vous de contrôle, je soulève la jambe pour m’allonger lorsque j’entends un bruit, tel un craquement, au niveau de la jambe, dans la région du foyer de la fracture. Je rappelle aussitôt le chirurgien pour lui annoncer la nouvelle en attendant le rendez-vous. Le lendemain, arrivé au centre hospitalier, je fais une radio avant de rencontrer le médecin. Il m’a fallu attendre plus de quatre heures pour avoir accès au service d’imagerie. La raison ? La vétusté des appareils qui tombent constamment en panne, le délestage provoqué par la société distributrice d’énergie électrique, la queue interminable des malades, etc.
Quand, muni de la radio contrôle, je me présente devant le chirurgien, je tombe des nues. Le médecin estime qu’il y a eu rechute et qu’il faudra une nouvelle intervention chirurgicale. Il propose un protocole qui me rappelle un événement du passé. Cette fois-ci, il veut me mettre une plaque. Je réalise finalement que je suis en face de plaisantins qui m’utilisent comme cobaye. En effet, le premier jour de mon hospitalisation, lors de ma rencontre avec l’équipe de chirurgiens, venue à mon chevet, j’avais suggéré que pour mon cas, le protocole le plus indiqué passait par la fixation d’une plaque pour relier les deux bouts de l’os du fémur séparés par le foyer de la fracture. Un protocole qui a pour avantage de favoriser une consolidation lente de l’os, ce qui permet de limiter la réduction de la longueur de la jambe. Un protocole inspiré de la suite de consultations faite depuis mon premier lit d’hôpital. Mais cette proposition avait été écartée par les chirurgiens sans justification. Je m’étonne aujourd’hui d’entendre le même chirurgien, qui était pourtant là ce jour là, me faire cette proposition qu’il avait rejetée treize mois plus tôt. Ma tristesse est totale. Si j’avais la possibilité de lui allonger une gifle, je ne m’en serais pas privé. Mais rassemblant toute mon énergie, je lui fais savoir mon regret d’avoir fait confiance aux médecins béninois. Je lui demande de m’accorder quelques jours de réflexion. Quelques instants après, je reviens à la charge en lui demandant son appréciation des traitements qu’administrent les tradipraticiens dans le traitement d’une fracture. Son discours, sans intérêt, s’achève par une proposition: « si tu veux de ce soin, je te donne quinze jours. Si le tradipraticien n’arrive pas à te permettre de tenir sur la jambe, reviens me voir pour une nouvelle chirurgie… »
Quelques observations s’imposent : le chirurgien qui a eu les moyens d’ouvrir ma cuisse et qui y a fait ce qu’il lui a plu, constate que ses multiples soins n’ont servi à rien au bout de treize mois. Et pour autoriser le malade à recourir aux tradipraticiens, il lui donne quinze jours pour corriger le mal que lui et ses collègues lui ont fait subir. Tout se passe dans le bureau du docteur comme si le ciel était tombé sur ma tête. Je décide alors de prendre congé de lui.


4-L’AVENTURE DE LA MEDECINE TRADITIONNELLE
Revenu à la maison, je réunis mes proches et leur annonce mon intention de recourir enfin à la médecine traditionnelle. Je leur explique que mon mal n’a rien à voir avec l’hôpital comme ils avaient tenté de me le faire comprendre. Agréablement surpris, ils ont tous adhéré à la proposition et ont indiqué la démarche à suivre pour prendre contact avec des guérisseurs « dit compétents ». En quelques heures, le choix est fait et déjà à vingt et une heures, le tradipraticien choisi est à mon chevet. Celui-ci me dit qu’il dispose d’un type de traitement susceptible de me faire recouvrer l’usage de ma jambe au bout de vingt et un jours. Je lui fais savoir qu’il ne s’agit pas d’une fracture récente et qu’il peut prendre tout son temps pour un traitement adéquat. Il m’intime le silence et ajoute qu’il parle, lui, de ce qu’il sait faire. Qu’il ne l’a pas appris, mais que c’est un don. Je ne comprends pas grand-chose à cette affirmation. Le praticien poursuit en déclarant qu’il fera en sorte que j’abandonne les chaussures qu’a confectionnées le service d’appareillage du CNHU. Je lui demande s’il dispose de moyens pour résorber quatre centimètres de raccourcissement de la longueur de l’os. Il m’ordonne une fois encore de me taire. Il se lance aussitôt sur les pouvoirs thérapeutiques que les ancêtres lui auraient légués avec la bénédiction de Dieu. En fait, l’homme n’est pas dans la même dimension que moi. Après quinze mois de souffrance, je ne crois plus aux paroles et aux théories de quiconque, fut-il guérisseur ou envoyé de Dieu. Désormais, il n’y a aucune déclaration à prendre au sérieux si elle ne me permet pas de tenir sur ma jambe. Le tradipraticien ne s’arrête pas en si bon chemin. Il se lance dans un discours d’autosuffisance et d’autopromotion dont l’objectif est de m’emmener à accepter de payer une avance. Saoulé par tant de fatuités, je lui demande de revenir le jour suivant pour le démarrage du traitement. Il avance d’ailleurs son tarif : cent vingt mille francs Cfa payables en trois tranches ! Avant de prendre congé, il m’arrache quelques billets pour acheter différents produits entrant dans la confection d’une tisane et pour l’achat d’un coq et d’une poule. En acceptant sa proposition, je lui fais savoir qu’il me remboursera si son traitement n’était pas concluant. Nous étions le 15 avril 2007.
Le 17 avril 2007, c’est-à-dire deux jours après, le guérisseur prend service. Après une fine pluie matinale, le soleil apparaît. A l’arrivée du praticien, qui n’a aucun sens de la ponctualité, je retrouve une certaine forme de tranquillité qui me fait oublier momentanément mon stress et mes préoccupations. Le guérisseur justifie son retard par le fait qu’il avait le devoir de consulter les ancêtres avant de démarrer le traitement.
L’homme immole d’abord le coq après lui avoir cassé les os de l’aile et de la cuisse du même côté que celui de ma fracture. Il laisse vivante la poule, prononce une série de paroles incantatoires. Une à une, il remplit un canari d’un type de feuilles particulier. Après quoi, il allume le feu pour en faire bouillir le contenu. Pendant que le récipient est sur la braise, place aux paroles du guérisseur. Il m’annonce que mon mal est le fruit d’un envoûtement orchestré par trois différentes personnes, dont un membre de ma famille. Ces gens nourriraient une jalousie morbide à mon endroit. Je ne suis pas au bout de ma surprise : suit une série d’interdits qu’il me recommande de respecter le temps du traitement : ne pas avoir de relation sexuelle, ne pas bouger la jambe malade, ne pas retirer de l’argent des mains de qui que ce soit, ne pas accepter qu’une femme en menstruation entre dans ma chambre, ne pas répondre à quelqu’un qu’on ne voit pas; que personne n’approche de moi si je pleure de douleur. Ai-je le choix devant tant d’énumérations ?  J’accepte. Entre temps, la tisane est prête. Elle est renversée du feu dans une bassine. Installé convenablement sur une natte, je subis un massage avec l’eau trouble de la tisane. Le même geste sera répété pendant trois semaines.  Mais cinq jours avant, le tradipraticien avait déjà lancé son compte à rebours. Chaque fois avant son départ, il disait : « jour J moins… ». Ainsi vient le jour fatidique.
A la fin de la troisième semaine, il m’annonce que je suis sauvé. Je m’interroge pour savoir de quoi il parle. Car, je n’ai pas, moi, l’impression que mon mal est guéri. Ce jour là, à la suite du massage habituel, il me demande de me lever. Hésitant, mais encouragé par lui, je me lève mais impossible de prendre appui sur la jambe malade. Il me maintient un moment dans la position debout avant de me lâcher. J’ai pu tenir en prenant appui presque exclusivement sur ma jambe valide. Non content de cet exercice, il me demande d’effectuer quelques pas de marche. Là, encore me dit-il, il s’agit d’une exigence de la pratique ancestrale. Je sollicite une béquille pour y arriver. On m’en remet une qui me permet de risquer quelques pas. Le guérisseur m’exige alors de rester encore immobile au lit durant quelques jours et tout rentrera dans l’ordre. Combien de jours ? Il ne saurait le dire, me répond-il, étant entendu que la fracture est vieille de plus d’une année. Comment va-t-il réussir alors à résorber la différence de longueur entre les deux jambes ? Là encore, réponse évasive. Et cette séance s’achève, me laissant dans un état psychologiquement délabré.
Au total, il y aura seize séances sur vingt et un jours de traitement. On aura compris que le praticien a manqué six fois à l’appel. Des absences qu’il juge négligeables sur le résultat du traitement.  Des absences dont il estime inutile de lui en demander la justification. Car, ses explications sont plus irritantes les unes que les autres. Si ce ne sont pas des réceptions d’amis qui lui ont pris tout le temps, c’est qu’il était à un office religieux avec son épouse. Quelques fois, c’est un autre malade qui l’a sollicité. Il est arrivé même un jour où il a fait un accident de la voie publique. Accident qu’il attribuera aux personnes qui me voulaient du mal et qui lui auraient jeté un mauvais sort. En tout cas, au bout de vingt et un jours de traitement, je n’ai pas pu prendre appui sur ma jambe contrairement à sa promesse ferme. Dès lors, des questionnements m’envahissent. Moi qui n’ai pas pu échanger avec mon Directeur Général avant l’ablation du clou, comment vais-je m’en sortir ? Si je décidais de me rendre à la rédaction, le risque de servir allongé sur une civière ne serait-il pas grand ?
Je reprends contact avec mes amis médecins et infirmiers pour qu’ils viennent m’examiner à domicile. Avec ma situation qui ne le rassure plus, le tradipraticien n’est plus assidu. Il vient quand il veut et à l’heure qui lui plait. A cette date, il a déjà encaissé deux tranches du coût du traitement, quatre-vingt mille francs Cfa sans oublier la prise en charge volontaire de ses frais journaliers de déplacements. Trois autres semaines passent sans que je ne puisse pas prendre appui sur ma jambe invalide. Un jour, je provoque une discussion avec le praticien sur la situation. Il me fait :
-Est-ce qu’il n’y a pas des dissensions entre ton épouse et toi ? 
-Connaissez-vous un couple qui ne traverse pas des périodes de tension de temps en temps ? lui jeté-je.
-Tout dépend de comment et surtout de ce qui est la cause de leur dispute, a-t-il objecté.
-Dans ce cas, si vous permettez, j’appelle mon épouse et elle va répondre à la question avec précision.
Il me regarde pendant un moment, puis lâche :
- Si cela ne te gêne pas, faisons comme ça pour gagner du temps. Car, s’il y a des contradictions majeures entre ton épouse et toi, ça peut avoir des répercussions négatives sur mon travail ici.
J’appelle mon épouse qui avoue qu’avant mon accident, elle était mécontente de moi du fait de mes sorties répétées non justifiées. Je lui oppose aussitôt ma fonction de journaliste et de Directeur de Publication, fonction qui exige de moi d’être mobile et surtout  d’être souvent en dehors de mon domicile. Nous venons d’offrir au guérisseur du grain à moudre. Il s’y accroche et indique que ce mécontentement jette une ombre sur l’efficacité du traitement.
-Dans ce cas, qu’est-ce qu’il faut faire pour que votre travail ne connaisse plus ce ralentissement ? lui demandé-je.
-Apportez-moi un peu d’eau et de « Sodabi », me répond-il.
Je donne des instructions et les boissons sont mises à sa portée. Et le voilà en train de prononcer une série d’incantations dans sa langue maternelle, le « Idatcha ». A la suite de ce monologue, il demande à mon épouse si elle me pardonne enfin. Madame lui fait savoir qu’elle a même oublié cet épisode de notre vie commune depuis longtemps. Ce à quoi il la rétorque en lui exigeant un « oui » ou un « non ». Mon épouse reprend la parole et la formalité est faite.
Plusieurs jours après, les séances de massages continuent avec les mêmes manquements de la part du guérisseur. Un jour, je lui notifie que toute pratique a ses limites, mais que je suis prêt à prendre en charge ses frais de transport pour qu’il se rende dans son village loin de Cotonou. Mon plan est simple : que le praticien aille échanger avec ses aînés sur mon cas qui est bien préoccupant. Il accepte automatiquement l’offre en ajoutant toutefois qu’il est loin de s’avouer vaincu. Deux jours plus tard, il se rend seul au village à Dassa-Zoumé à environ 200 kilomètres de Cotonou.
A son retour, il revient me voir. Selon ses explications, il aurait soumis mon cas à ses parents, grands praticiens dans le domaine et internationalement reconnus. Après une série de consultations, ceux-ci auraient conclu que ma guérison est sur la bonne voie mais qu’elle prendrait un peu de temps. Dois-je me rassurer pour une telle déclaration ? Quelques jours plus tard, constatant le statut quo, il me révèle que l’une de mes tantes, qu’il a croisée à mon domicile, serait à l’origine de la lenteur supposée de ma guérison. La tante était naturellement d’un certain âge avancé. Mon indifférence à cette information est entière. Surpris, il me demande pourquoi je ne prends rien au sérieux moi. Et d’ajouter qu’il lui faut renforcer le traitement par une série d’actions. Là encore, je débourse près de dix mille francs Cfa pour colmater, dit-il, les brèches.
Un jour, j’organise une rencontre entre le praticien et ma tante présumée sorcière. A cette occasion, le guérisseur demande discrètement à la vieille femme d’émettre des vœux. Il lui tend un bol d’eau. La tante sourit, se saisit du récipient et, sans réfléchir, se lance dans un discours appliqué. Elle énumère des vœux, verse une petite quantité d’eau au sol, en boit une partie et me tend le reste. Je l’imite et donne le bol aux personnes présentes. A la fin, la tante prend la parole et se tourne vers le praticien:
-Homme, lui lance-t-elle, tu pensais que je n’accepterais pas de faire des vœux en faveur de mon neveu pour me traiter de sorcière ?
-Je n’ai jamais dit ça, répond-il. Si vous vous sentez coupable, ce n’est pas à moi de le dire.
-Mais là, vous m’avez m’offensée, reprend-elle. Je ne sais de quoi vous parlez, mais mon fils, mon neveu, qui me connaît, sait très bien que je ne suis pas la personne que vous pensez que je suis.
Fumant de colère, ma tante se lance dans un discours, détaillant son parcours, ses réussites, ses échecs. Elle donne les raisons qui expliquent qu’à plus de soixante-dix ans, elle n’a plus d’enfant alors qu’elle en avait fait au cours de sa vie de femme. Elle précise surtout que c’est plutôt elle qui a été victime de la sorcellerie et qui en porte encore les séquelles.
-Si vous êtes incapable de traiter mon neveu, conclut-elle, dites-le au lieu d’embrouiller le monde…
Le praticien, tout confus, se répand en excuses :
-Pardon maman, mon intention n’était pas de vous vexer. Je n’ai fait que ce que faisaient mes grands-parents. Ne vous fâchez pas pour ça.
Après cette intervention, on a changé de sujet. Le praticien demande à partir, mettant ainsi fin à l’incident. En tout cas, plus personne ne reviendra sur le sujet.
Mais mon calvaire ne s’achève pas pour autant. Après quelques autres semaines de massage, je fais une proposition au praticien. Je lui demande de bien vouloir organiser mon propre déplacement dans son village pour de nouvelles consultations. Il accepte et effectue un nouveau voyage chez les siens à ma compagnie.
Ce matin de mois de juillet 2007, l’espoir renaît dans mon ménage. Espoir parce qu’il a été convenu que d’autres guérisseurs traditionnels se penchent sur mon cas. Des guérisseurs « plus expérimentés », m’a-t-on dit. Moi, qui ne dispose d’aucune capacité d’appréciation de ces professionnels, je me laisse faire. Il a été donc décidé que j’aille sur place dans un village, me faire examiner. Un bienfaiteur s’est offert de m’y emmener. Il s’agit d’un prêtre particulier. C’est lui qui m’a recommandé le tradipraticien. Celui-là même qui faisait partie de mes premiers visiteurs suite à mon accident. Il m’avait d’ailleurs indiqué de ne pas me soigner à l’hôpital qui risque de ne pas me sortir d’affaire. Propos que je n’ai pas pris au sérieux, venant d’un prêtre que je voyais autrement. C’est à peine si je n’ai pas ris de lui tout rationnel que je me considérais.
A six heures ce matin-là, le soleil est déjà rayonnant. Mes proches parents sont là qui, pour me dire au revoir, qui, pour m’accompagner dans cette nouvelle aventure. Les petits colis indispensables pour effectuer le voyage sont apprêtés. A six heures deux minutes, on tape à la porte. C’est le bienfaiteur qui apparaît. Il porte une soutane longue et blanche. C’est un prêtre de l’église catholique romaine. Je sors de ma chambre pour le recevoir au salon. Après les civilités, on prend immédiatement la route. Si les examens des grands guérisseurs du village s’avèreraient concluants, on rentrerait à Cotonou le même jour. Après trente minutes de route, on marque un arrêt chez mon tradipraticien qui nous rejoint à bord. C’est d’ailleurs lui qui nous servira d’éclaireur.
Une heure et demie plus tard, les « missionnaires » sont en pleine circulation à Bohicon, une ville du centre Bénin. C’est justement la localité où vit ma mère. Le prêtre me demande si je préfère rendre visite à ma maman ou si, au contraire, je la verrai au retour. Je choisis la deuxième proposition. Choix soutenu par ma sœur et mon épouse qui étaient e la partie. Le chauffeur accélère. Trente minutes après, le moteur de la voiture commence à toussoter, puis la voiture ralentit et s’arrête. Le chauffeur n’est pas affolé, encore moins son patron. On est en ras campagne. Ils descendent pour aller voir de près ce qui pourrait justifier une telle panne. Cinq minutes plus tard, le chauffeur s’en va chercher de l’aide. En effet, bien que l’incident soit intervenu en rase campagne, il y a des habitations dans les environs. Quelques minutes plus tard, le chauffeur est rejoint par le tradipraticien. Tout à coup, les deux sortent d’une des habitations avec des bols remplis d’eau. Ainsi, tour à tour, ils vident le contenu des récipients sur le moteur. Cette action dure plus d’une quarantaine de minutes. Après quelques essais, le chauffeur reprend le volant et redémarre. Le sourire revient sur toutes les lèvres, sauf sur celles du prêtre. Celui-ci demande au conducteur de ne plus aller au-delà d’une certaine vitesse.
Une heure de temps plus tard, nous découvrons, une à une, les montagnes de roches granitiques qui bordent la route de part et d’autre. Il s’agit des collines qui annoncent la ville de Dassa. Une cité connue pour ses spécialistes en traitement de fracture. Une pratique ancestrale considérée comme l’activité principale des membres de l’ethnie « Tchakaloké » du coin. Arrivés devant l’entrée de la grotte mariale – un site de pèlerinage pour les chrétiens catholiques–, nous exécutons, tel un mouvement synchronisé, un signe de croix. Dassa-Zoumé est une ville dont le sol est rocailleux et où des collines disputent la terre aux paysans.
Sur instruction du tradipraticien, le chauffeur abandonne la chaussée principale et emprunte un sentier. Au bout de deux kilomètres, notre éclaireur lance : « c’est ici, nous sommes arrivés ». Le chauffeur immobilise la voiture. Le prêtre descend et se précipite vers la portière avant où je suis installé et m’aide à descendre.
Le paysage paraît simple. Comme dans la plupart des villages du Bénin, la brousse et les habitations se partagent l’espace. Quelques grands arbres se dressent dans le paysage, avec souvent, en prolongement, une broussaille entretenue à dessein pour servir de lieu de pâturage aux animaux domestiques en divagation. De temps en temps, on voit des paillotes servant de cuisines, des fétiches nus ou sous abris, des tombeaux jouxtant des logis. Au milieu de ce décor, des enfants généralement au ventre ballonné présentant diverses maladies de peau ; des adultes dont des femmes à mamelles nues, surprises, mais gentilles, nous couvrant avec leurs mains, de leurs salutations chaleureuses. La curiosité des adultes est encore plus forte du fait de la présence du prêtre parmi nous. Bien que surpris, les villageois n’auront pas l’occasion de nous aborder, au-delà des civilités d’usage.
Pendant ce temps, à grands pas, le tradipraticien nous devance pour aller informer son père toujours vivant. Il prend la direction d’un bâtiment singulier qui attire l’attention. Un bâtiment en murs faits de ciment non badigeonnés et surélevés d’une toiture métallique uniformément rouillée. C’est quasiment le seul logement bien construit dans cette cour composée majoritairement de logis en banco couverts de pailles. Le temps d’un éclair, notre guérisseur réapparaît à l’entrée du grand bâtiment et nous invite à le rejoindre. Un banc posé à côté d’une natte par-ci, une table par là, plus loin, deux chaises ainsi que des tabourets tantôt nus, tantôt portant des bols contenant une tisane ou un repas : tel est le vivoir du vieux Tchakaloké qui reçoit ainsi son fils accompagné de ses invités. Lui-même, grand praticien à la retraite, contrôle une cour composée de cinquante personnes. Il est installé dans un grand fauteuil. C’est donc bien lui que nous sommes venus consulter. Chacun s’incline pour lui présenter ses hommages. Mais lui, dans un geste de désapprobation, nous demande de nous mettre à l’aise pour le saluer. Une modestie qui prend tout son sens lorsque, parmi nous, se trouve un prêtre en soutane blanche.
Notre éclaireur nous présente à son père. Ayant compris qu’il s’agit d’un cas de maladie spéciale qui tourmente son fils, le maître des lieux prend la parole et rassure tout le monde. Il estime que ce voyage est la bienvenue et qu’il mettra tout en œuvre pour qu’il soit concluant. Il s’adresse à son fils dans la langue locale et celui-ci se retire de la salle. Puis, il engage un échange avec nous, notamment avec le prêtre qui l’informe sur son propre parcours. Le vieux sait désormais à qui il a à faire.
De retour dans le séjour, le fils est accompagné de trois autres personnes du même âge. Ils discutent quelques secondes avec le vieil homme, puis ressortent aussitôt. Quelques minutes plus tard, ils reviennent dans le séjour et le vénérable vieillard se lève. Notre guérisseur me demande de le suivre pour se rendre dans une pièce jouxtant le séjour du père. C’est dans cette salle que ma jambe serait examinée. Mais pour y accéder, il faut regagner la cour puisqu’il n’y a aucune ouverture entre cette pièce et le séjour.
Il s’agit d’une salle simple où rien d’extraordinaire n’est visible. Sur le sol cimenté, il y a plusieurs nattes enroulées posées côte à côte. Le prêtre, curieux, a demandé à assister à la séance. Mes autres parents ont profité de l’occasion pour s’informer sur les produits alimentaires agricoles qu’elles pouvaient acheter dans ce village à prix abordables. Dans la salle qui nous accueille, trois chaises et tabouret y sont disposés pour permettre au prêtre, au patriarche et moi-même de nous mettre assis. En dix minutes, je suis bien installé, la jambe tendue sur un support plat. Le vieil homme donne des instructions à ses fils qui les exécutent aussitôt. La jambe est manipulée comme recommandé. Et le vieux donne quelques minutes plus tard son verdict : la fracture est maîtrisée, seulement la guérison se fait bien lente. Ainsi, le traitement doit être poursuivi dans des conditions qui prennent en compte d’autres réalités que le vieux notifiera à son fils.
 A la suite de la rencontre, une averse est sur le point de se déclencher. Suite à une concertation, la décision est prise de laisser le praticien sur place pour lui permettre de constituer un bon stock de plantes tel que recommandé par le patriarche. Je prends rendez-vous avec le praticien à qui je remets les frais de transport pour son retour retardé. Nous repartons à Cotonou. Je suis un peu plus rassuré sur mon sort bien que n’étant toujours pas tranquille.
Une fois encore, le praticien foulera au pied la parole donnée en revenant à Cotonou avec un grand retard. Mais le plus important, c’est qu’il soit revenu. Il reconstitue le contenu du canari et, conformément aux recommandations de son père, doit appliquer la nouvelle formule tous les deux jours. Recommandations qu’il a respectées pendant une semaine avant de renouer avec ses absences injustifiées. Quand je lui demande s’il connait les plantes que lui avait indiquées son père le jour du voyage, il déclare qu’il s’agit de plantes qui ne poussent pas au sud Bénin. Là encore, grande a été ma déception. Je lui avais pourtant proposé, à maintes reprises, que s’il existait des plantes dont il avait besoin, même loin de Cotonou, il n’aurait qu’à se manifester, j’allais lui mettre de l’argent à disposition pour qu’il aille les chercher. Sans aucune gêne, le praticien avait souri et avait ajouté : « vous savez, la dernière fois, après votre départ, j’ai tenu une réunion avec mes parents qui m’ont dit que j’ai mal fixé le prix du traitement… ».
Je lui demande combien de personnes résident dans son village, capables de traiter une fracture à cent vingt mille francs. Il est resté sans répondre. Je lui fais savoir que je suis disposé à payer n fois le prix, mais l’essentiel est le résultat. Un autre jour, il me demande de l’aider à faire face à une dépense urgente de dix mille francs Cfa. D’autres fois, c’est sa moto qui est en panne. Mais à chaque fois, je me fais le devoir de le soutenir. Mais tout ceci n’a servi à rien, du moins pas immédiatement.
A la suite d’une séance de massage, le praticien propose d’aller faire une offrande quelque part à un fétiche. Il réclame dix mille francs pour la course. Il prend l’argent mais reconnait ne pas l’avoir fait au bout d’un mois. Soit c’est parce que les jours qui passent ne sont pas propices pour le rituel, soit c’est à cause des décès au village. Une autre fois, c’est la maladie de sa mère qui justifie son absence. A son retour et après quelques séances de massage, il annonce la mort de sa mère pour solliciter le reste de ce que je lui dois. Il faudrait qu’il arrive à faire face aux dépenses relatives aux obsèques de la défunte. Une fois la dernière tranche en poche, il disparaît. Mais puisque mes parents savent où il habite, de fréquentes visites se feront chez lui.
Entre temps, un léger mieux commence à s’observer. La jambe gagne de jour en jour en solidité. Avec une canne, je puis me déplacer. Bien que titubant, sautillant presque dans ma démarche, je remarque que mon état est plus rassurant que celui dont je jouissais treize mois après mon accident. Plusieurs jours passent sans qu’on n’aperçoive la silhouette du praticien. Une nouvelle équipe a été constituée pour lui rendre visite. A cette occasion, il explique qu’il n’a pas encore achevé les cérémonies relatives aux obsèques de sa défunte mère. Mais il accepte de me voir pour me débarrasser de mes cheveux et de ma barbe qui se sont épaissies entre temps. Promesse respectée. Le praticien, accompagné de son fils, débarque à la maison. Ils effectuent les rituels exigés par la tradition. Désormais, je peux me raser. Après cette séance, on établit un nouveau calendrier, mais il ne l’a jamais respecté. En effet, il a promis passer au bout d’une dizaine de jours ramasser ses affaires. Mais avant, il doit passer plusieurs fois pour des massages réguliers. Jamais, il n’a été là jusqu’au jour où je lui envoie une énième fois des messagers pour lui demander de venir chercher ses effets afin de me libérer totalement. Cela, d’autant que la présence de ses affaires implique le respect d’une série d’interdits. De toutes les manières, je sais que je ne peux plus compter sur lui. Au bout de quelques jours, il revient prendre ses effets sans me poser la moindre question. D’ailleurs, il lui semble corvéable de me demander l’état de ma jambe. Depuis des semaines, il ne m’a plus touché et cela ne paraît pas l’émouvoir. Interpellé sur cette question, il déclare qu’il reviendra un autre jour pour s’y consacrer. Mais il ne reviendra plus jamais sur ses pas. Cinq mois se sont déjà écoulés depuis le premier massage intervenu le 17 avril 2007. Je tiens, à ce moment là, à peine debout au moyen d’une canne, mais je reste confiant. Je me souviens qu’au moment où je consultais les tradipraticiens en vue d’un choix, j’en ai rencontrés qui m’avaient affirmé que pour mon cas, il lui faudrait au moins six mois de massage pour espérer un résultat probant. Mais ce qui est fait est fait. Et une autre question commence à me tarauder : dois-je prendre la décision de reprendre le chemin de la rédaction ? Après tout, je suis un employé et ma position est telle que tout ce que faisaient mes collaborateurs en mon absence m’engageait légalement.

5-ET L’HOMME RESTERA TOUJOURS ONDOYANT
Un jour, je prends la décision de retourner à la rédaction en usant de délicatesse pour éviter d’éventuelles déconvenues. Mais un événement viendra m’en dissuader. En effet, depuis mon départ du journal, personne ne m’a jamais appelé pour me parler de mon salaire. Je prends la décision de contacter  le comptable, suite à un échange avec le Directeur commercial. Celui-ci m’annonce que depuis mon hospitalisation, le paiement de mon salaire a connu quelques perturbations et que je devrais avoir reçu au moins deux mois. Je n’ai jamais rien perçu, lui ai-je dit. Quelques heures plus tard, je reçois un appel téléphonique m’annonçant qu’un salaire et demi est disponible et que quelqu’un  a été chargé de me le remettre en mains propres. Quelques jours plus tard, le même montant m’a été versé. Ainsi, j’ai été payé trois mois sur cinq. Mais j’apprends que le Directeur Général a fait bloquer le paiement de mes mensualités et qu’il va nommer un nouveau Directeur de Publication. Une situation qui me surprend et qui me contraint de ranger au placard mon projet de reprise. Pour moi, il n’y a qu’une seule conséquence à tirer de cette situation. Je ne suis pas actionnaire dans le journal, n’en suis pas le premier bénéficiaire de sa bonne marche. Bien qu’ayant fait un accident de travail, je n’ai pas exigé une prise en charge du journal. Qu’il me souvienne que c’est le Directeur Général en personne qui avait établi un lien entre ce qui m’est arrivé et lui, c’est-à-dire que mon accident serait un coup monté par x qui devrait l’atteindre. Curieux qu’il se donne le droit de faire bloquer mon salaire alors que je n’ai plus eu de contact avec lui depuis ma rechute.
Quelques semaines plus tard, je reçois un appel téléphonique de mon collègue avec qui j’étais le jour de la tentative d’agression. Celui-ci me rapporte les menaces régulières du Directeur Général à mon encontre. Il précise qu’il s’agit de manœuvre pour m’obliger à reprendre coûte que coûte. Je lui fais savoir de renoncer à m’appeler s’il n’a rien de positif à me confier. Etant dans une situation psychologique délicate, fallait pas qu’il en rajoute. Il me propose d’appeler le Directeur Général pour en savoir davantage. Ce à quoi je n’ai pas répondu. Au bout de plusieurs semaines, un autre appel téléphonique d’un collègue me fait comprendre qu’il s’est tenu une réunion du personnel du journal et qu’à l’occasion, le Directeur Général a l’intention de nommer un nouveau Directeur de Publication. Je lui réponds qu’il s’agit là du dernier de mes soucis. D’abord parce que je ne suis préoccupé que par ma santé et que le fait de continuer de porter de manière fictive le titre de Directeur de Publication ne m’apporte que des assignations en justice du fait des bêtises publiées dans le journal au quotidien. En effet, à la date de cet appel, je comptabilise une bonne dizaine d’assignations graves. N’eut été mon état de santé, mon absence aux audiences m’aurait attiré des ennuis supplémentaires. Les rédacteurs des articles, objet de citation, ne prennent aucune précaution préalable, mais la gestion des assignations elles-mêmes, laisse à désirer. En fait, j’ai été plusieurs fois interpellé par l’avocat du journal à qui les citations sont transmises quand ils s’en souviennent. Et au bout d’un temps, les lettres de rappel adressées par l’avocat pour se faire payer sont restées sans suite. Ne pouvant rien régler dans ma situation, je ne fais, à chaque fois, que fondre en excuse devant le Conseil de « Le Matinal ».
Quelques jours plus tard, l’ourse du journal change. Le titre du Directeur de Publication a été attribué à quelqu’un d’autre. Plus tard, un autre ex-collaborateur m’appelle, m’annonçant que le Directeur Général lui a demandé de lui indiquer ma maison parce qu’il s’apprête à y envoyer un huissier de justice. Je  lui réponds de bien vouloir respecter ses ordres.
Le 14 décembre 2007, je reçois, à quatorze heures trente-trois minutes, la visite du collaborateur d’un huissier de justice. Il est porteur d’une « sommation d’assister » libellée comme suit :
« Sommation d’assister - L’an deux mille sept et le quatorze décembre à quatorze heures trente trois minutes – A la requête de la Société « Le Matinal » Sarl, ayant son siège social à Cotonou République du Bénin au lot N°153-154 à Atinkamey, 06BP1989, Tel. : 21 31 49 20, agissant aux poursuite et diligence de son gérant, demeurant et domicilié ès qualité audit siège ; - Qui nous expose : - Que dans le cadre de ses activités, sa mandante emploie Monsieur Aubin Towanou en qualité de Directeur de Publication ; - Que suite à un accident survenu le 25 janvier 2006, son Directeur de Publication sus-nommé a été immobilisé à la maison afin de récupérer sa santé et n’a repris le service que le 1er octobre 2006 ; - Que depuis mi-avril 2007, il a encore abandonné son poste de travail en laissant son bureau fermé et en gardant par devers lui, les clés ; - Que durant toute cette période, la société est restée sans son Directeur de Publication ; - Que cette situation lui cause de graves préjudices et empêche du reste, les responsables d’accéder aux documents dudit bureau ; - Qu’il convient dans ces conditions de faire ouvrir les portes du bureau pour les besoins de la société ; - C’est pourquoi, - Nous, Janvier Rigobert Dossou-Gbété, huissier de justice près le tribunal de première instance de Porto-Novo et la cour d’appel de Cotonou, demeurant et domicilié à Porto-Novo, carré N°302, rue de la Financial Bank, Tel. : 90 92 45 48 / 95 05 48 54, soussigné ; - Faisons sommation à Monsieur Aubin Towanou, demeurant et domicilier à Cotonou à Sainte-Rita, maison Hinvi, où étant et parlant à : - Sa personne ainsi déclarée qui a reçu copie de notre exploit et signé l’original – D’avoir à se remettre la clé du bureau qu’il occupe au siège du journal « Le Matinal » et à être présent ou se faire représenter le lundi 17 décembre 2007 à 16 heures précises pour un état des lieux contradictoire. – Lui déclarant que la présente sommation lui est faite à toutes fins que de droit et aux fins de s’y conformer. – Lui déclarant en outre que faute par lui de se présenter ou de se faire représenter à la date et heure ci-dessus, il sera procédé à l’ouverture en son absence comme en sa présence. – Sous toutes réserves – A ce qu’il n’en ignore – Et nous lui avons, étant et parlant comme ci-dessus, remis et laissé copie du présent exploit dont le coût est de : - original : deux feuilles de timbre à 2.400 francs – copie : deux feuilles de timbre à 2.400 francs – ( Signature de Me Janvier R. Dossou-Gbété, huissier de justice - Porto-Novo ».
A la suite de la lecture de cet exploit d’huissier, je relève une erreur. Il s’agit de la date de la reprise après mon premier séjour hospitalier. J’ai repris en août et non en octobre comme stipulé. En fait, l’informateur de l’huissier s’est référé aux archives du journal pour voir la date à laquelle j’ai commencé par publier à nouveau dans le journal. J’ai repris dès le mois d’août et ai continué à faire signer mes articles par un collaborateur. Mais c’est seulement à la rentrée d’octobre 2006 que j’ai renoué avec ma signature personnelle en publiant un texte original dont la teneur suit :
«  Texte publié le lundi 02 octobre 2006 dans le numéro 2449 du quotidien « Le Matinal » sous la rubrique « Reflet », éditorial du journal.
Le retour,
Aujourd’hui, lundi 02 octobre 2006, c’est la rentrée pour l’ensemble de la communauté scolaire et « universitaire » béninoise. Coïncidence pour coïncidence, c’est ce jour que nous vous revenons après la traversée du désert. Nous aurions bien voulu parler de la rentrée des classes. Mais nous ne pouvons pas reprendre la signature de votre rubrique sans taper à la porte. Des appels anonymes, faits de menaces, une tentative d’agression nocturne, un accident de la voie publique, une hospitalisation sous surveillance policière etc. C’est la série d’événements qui justifie l’absence, depuis janvier 2006, de la signature de votre serviteur au niveau de la rubrique « Reflet » que vous avez adoptée. Qu’a-t-il fait votre serviteur pour mériter tout cela ? C’est la question qui vous vient peut-être à l’esprit après la lecture des premières phrases du présent papier. Un papier que des gens oseront qualifier de chiffon. Mais en quelques mots, nous nous autorisons, après moult réflexions, ce qui n’est pas de nos habitudes, de vous donner des éléments de réponse à la question qui vous vient à l’esprit. Nous pouvons nous tromper. Dans ce cas, nous implorons votre indulgence. C’est pourquoi, loin de notre conclusion, si nous en avons une, nous vous invitons, fidèles lecteurs de « Reflet », à faire vous-même la part des choses pour avoir le privilège de conclure une fois cette rubrique à notre place. Nous étions en septembre 2005, votre serviteur a été invité à plusieurs festins odieux. Mais nous avons décliné toutes les offres. Nous vous faisons grâce du grand détail pour rester conforme à notre sens du respect de la confidentialité. Seulement, nous sommes contrains, par décence, de vous affirmer qu’au nombre de tous les festins odieux auxquels nous avons refusé de participer, il y en avait un qui mérite d’être partagé avec vous pour votre gouverne. Il s’agissait d’un festin dont la finalité est d’empêcher le peuple béninois de sanctionner, en mars 2006, ceux qui avaient à cette époque la lourde responsabilité de conduire sa destiné. Cette table était bien garnie. Il y avait tout ce qu’il fallait pour convaincre votre serviteur. Il y avait même de quoi lui ôter son droit à la raison pendant au moins quelques minutes. Le temps pour nos interlocuteurs à table de nous arracher le oui que nous regretterions certainement. Votre serviteur a dit non. Pardonner-nous si ce développement s’apparente à une main levée sur ce qui mérite un sceau de confidentialité. Car, notre initiative a peut être une valeur thérapeutique. Ceux qui nous connaissaient avant janvier 2006 et qui auront l’occasion de nous rencontrer à nouveau comprendront aisément notre état d’esprit. Les être vivants, notamment les humains, sont violents hélas ! A la suite de notre série de refus, notre téléphone portable était devenu la cible d’appels venant de personnes n’ayant jamais eu le courage de décliner leur identité. Mais ils savaient menacer, terroriser, torturer, etc. Tout ceci nous a laissé indifférent. Puisque, en prenant la direction de publication de votre journal, dans les conditions que vous savez, nous avons bien mesuré l’ampleur de notre responsabilité. Passée l’étape des appels anonymes, nous ferons l’expérience d’une tentative d’agression. Une agression intervenue le mercredi 7 décembre 2005 au-delà de deux heures du matin, alors que nous rentrions de la rédaction. Une agression évitée de justesse dont une plainte contre X a été déposée au commissariat central de Cotonou le 09 décembre 2005. Une plainte restée sans suite. Quant à notre accident, il n’est peut-être pas à rattacher à cette série de faits. Mais c’est le contexte dans lequel il est intervenu en janvier 2006 qui est illustratif. Et permettez-nous quand même d’avoir de l’imagination en dehors de toute accusation. Pour ce qui concerne la suite de cet accident, nous vous en faisons grâce. Mais pas sans vous expliquer que, alors que nous soufrions notre martyr sur un lit d’hôpital, les manipulateurs, que nous choisissons de ne pas nommer, ont décidé de perturber notre tranquillité en envoyant dans un premier temps, une surveillance policière et dans un second temps, une ambulance pour nous transférer à l’hôpital d’instruction des armées. Cette dernière initiative a été abandonnée à la dernière minute. Nous remercions celui ou ceux qui ont pris la responsabilité de cet abandon. Notons que tout ceci est fait sans la moindre procédure judiciaire contre nous. Aujourd’hui, le plus important n’est pas là. Le plus important est qu’après toutes ces péripéties, nous vous revenons plus que jamais en état de vous servir. Pardonnez-nous si vous ne nous reconnaissez pas entre ces lignes. Nous sollicitons votre indulgence parce que nous ne vous avions pas habitué à cela. Mais comprenez notre émotion et retenons que nous ne recommencerons plus. Si nous ne faisons rien pour marquer notre retour après toute cette absence, ç’aurait été un manque de respect à votre égard. Alors, prenons ceci comme la marque d’un nouveau départ dans notre relation média-public. Permettez-nous de ne pas dire sous quel signe nous plaçons ce nouveau départ au risque de répondre en chœur comme, c’est la mode, « sous le signe du « changement » ».
Aubin R. Towanou»

A lire le contenu de la sommation d’assister, j’appelle le Directeur Commercial et lui annonce la nouvelle. Celui-ci me donne l’impression de n’avoir pas été associé à l’initiative. Je lui dis tout simplement que ce n’est pas pour l’interpeler mais pour obtenir de lui un service. Je l’informe que lorsque j’ai été nommé, je suis allé chercher la clé du bureau au domicile de mon prédécesseur à Porto-Novo. Pourtant, celui-ci n’était pas un malade grabataire. Je lui demande de bien vouloir recevoir un émissaire qui va lui remettre la clé de mon bureau afin qu’il me représente le jour où l’huissier ferait ouvrir les portes. Ayant, entre temps, transmis copie de la sommation d’assister à mon avocat, j’envoie la clé au Directeur Commercial assortie d’une correspondance lui demandant de récupérer mes affaires personnelles.
Me reviennent alors en mémoire les conditions dans lesquelles j’avais repris le chemin de la rédaction en août 2006 avant de connaître la nouvelle rechute. En effet, suite aux obsèques de mon père en juillet 2006, je recevais régulièrement des messages du Directeur Général, me demandant d’accélérer les choses pour vite reprendre. Je  pris alors la décision de retourner à la rédaction pour répondre enfin à ses sollicitations. Après quoi, je suis resté en contact avec lui par l’intermédiaire de la messagerie écrite sur Gsm. Ainsi, on s’échangeait régulièrement des texto du genre « …tu me manques… », « J’espère que tu lis le journal de temps en temps et tu sais qu’il a besoin de toi pour sa qualité », « tu sais que je n’ai plus le temps, ne t’abandonne pas à la maladie, fais un effort pour vite te relever… ».
Ainsi donc en août 2006, me voilà à la rédaction. C’était un jeudi soir. Alors que personne ne m’attendait, je débarquais au journal pour la première fois depuis mon accident. Un de mes beaux-frères a eu la gentillesse de mettre sa voiture à ma disposition pour m’y transporter. Quand je fis irruption dans la salle de rédaction, tout le monde était surpris. On imagine l’enthousiasme et la ferveur avec lesquels je fus accueilli. Après avoir fait le tour des bureaux, je m’arrête chez le Rédacteur en chef à qui je reproche de n’avoir pas répondu à mon invitation depuis que j’ai quitté l’hôpital. Celui-ci évoqua le manque de temps pour se justifier. Il ajouta qu’en reprenant à la rédaction, je pourrais les soulager un peu de leurs charges. Je lui indiquai qu’il fallait examiner les conditions dans lesquelles ma reprise pourrait se faire et à quel rythme mon travail allait s’effectuer. Les autres collègues avaient participé à cet échange en y apportant leurs grains de sel. Le tout, dans une ambiance bon enfant. Mais ce n’était qu’une façade, car j’apprendrais que le Rédacteur en Chef que j’avais invité à maintes reprises, mais qui avait toujours décliné l’offre, cachait une méfiance tenace : il m’aurait, selon certaines rumeurs, envoûté et si je l’invitais chez moi, ce serait dans le but de me venger de lui. Pire : j’aurais négocié avec le Directeur Général pour qu’il soit affecté ailleurs dès ma reprise.
Je tombe des nues. Moi qui avais coupé le pont avec tout le monde et qui n’échangeais qu’au moyen de téléphone, comment aurais-je pu m’entretenir avec quelqu’un d’un envoûtement ? Une telle rumeur n’est pas surprenante. En effet, pendant que j’étais à l’hôpital, un collègue avait confié au Rédacteur en Chef que ce qui m’arrivait était le fait d’un envoûtement dont l’auteur serait quelqu’un de la maison qui convoiterait mon poste. D’ailleurs, le collègue en question m’en avait lui-même parlé à l’occasion d’une visite à l’hôpital : « tu ne soupçonnes pas que ce qui t’arrive est un envoûtement dont l’auteur est l’un de nos collègues qui voudrait ta place ? ». A l’époque, je n’en avais pas fait de commentaire. Mais le Rédacteur en Chef s’accrochera à cette rumeur, m’attribuant de tenir de tels propos à son encontre.
J’avais donc repris le chemin de la rédaction. Je m’y rendais tous les jours de seize heures à vingt deux heures. La collaboration avec mes collègues était si agitée que je me posais mille et une questions. Mais je m’étais laissé convaincre d’une chose : ayant, pendant ma longue absence, pris de mauvaises habitudes qui risquaient d’être mises en mal avec mon retour, ils s’acharneraient pour me rendre la tâche difficile.
S’agissant du cas précis du Rédacteur en Chef, j’ai échangé avec le Directeur Général. Je lui fis savoir que je ne comprenais pas d’où sortait cette histoire impliquant ce collègue. Lui, me promit de régler l’affaire au plus vite. Et que dans le cas échéant, il affecterait le Rédacteur en Chef dans un autre périodique du groupe de presse. Plusieurs mois s’écoulent sans que rien ne se règle. L’atmosphère était devenue si tendue et si viciée que je commençai à m’interroger sur l’opportunité de ma présence à la rédaction. C’est dans cette ambiance que j’ai décidé d’adresser une correspondance au Directeur Général. Dans la lettre, je manifestai ma surprise et mentionnai les dysfonctionnements observés et que si cette situation devait perdurer le bon fonctionnement de la rédaction, que je mettais son mandat en jeu en laissant libre cours au Directeur Général de procéder à mon remplacement. Pour ce qui est de l’attitude du Rédacteur en Chef, je commente dans ladite correspondance : « soit le Rédacteur en Chef est effectivement l’auteur de ce qui m’arrive et dans ce cas il est gêné de reprendre la collaboration avec moi qu’il avait destiné à une mort violente, soit il n’en sait rien et qu’il est tout simplement jaloux des libertés qu’il avait prises en mon absence et ne supporterait pas de les perdre du fait de mon retour effectif à la rédaction… ».
Le Directeur Général, après réception de cette correspondance, m’a, de vive voix, notifié la réception de la correspondance. Les jours passaient sans que la situation ne trouve une issue. Même les multiples rencontres organisées par d’autres responsables de la maison pour en finir avec ce qu’il convient de qualifier de « scène féminine de ménage », sont restées sans succès. Ainsi, le malade, ayant d’autres préoccupations plus importantes relatives à sa vie, ne s’occupait que de la rédaction de son éditorial au quotidien. Pour le reste, le rédacteur en chef s’en chargeait en « bonne intelligence », pas sans grincement de dent, avec le secrétaire de rédaction et le Directeur Général. Sur le plan administratif, le Directeur de publication que j’étais s’acquittait, comme cela se doit, de ses obligations. Il répondait même présent à certaines audiences au tribunal dans le cadre des dossiers de diffamation. C’est dans ces conditions que je passerai huit mois, soit d’août 2006 à avril 2007. Mois au cours desquels, après avoir passé ma première semaine sans béquille, en n’usant rien que d’une canne pour me rendre à la rédaction, je serai victime d’un malaise au niveau de la hanche. C’est à cette occasion que mon chirurgien m’imposera sans délais l’ablation du clou implanté dans mon fémur fracturé. Ablation à l’issue de laquelle je ne pourrai plus prendre appui sur la jambe malade. De ce fait, la parenthèse du recours au tradipraticien s’est imposée à moi. Des moments durs qui me rappellent l’incident qui m’a obligé à quitter la rédaction du quotidien de service public « La Nation » pour prendre l’option de la presse privée.
En effet, j’ai servi au début de mon expérience professionnelle au quotidien « La Nation ». Une expérience très enrichissante qui m’a permis d’acquérir les aptitudes professionnelles que j’ai pu améliorer au fil du temps. Mais cette expérience n’a pas été sans grincement de dents. Nous étions en août 1999 lorsqu’un après-midi, aux environs de seize heures, le Directeur Général du journal entre dans la salle de rédaction et interpelle le journaliste stagiaire que j’étais. Il me lance : « qui est programmé pour couvrir la cérémonie de remise de chèque au gouvernement par le repreneur de la Société nationale pour la commercialisation des produits pétroliers (SONACOP) ? ». Il s’agit de l’un de mes aînés, lui ai-je répondu en le désignant par son prénom. Le Directeur Général revient à la charge en affirmant qu’il n’a pas confiance en lui. Il me demande alors de bien vouloir l’accompagner dans son véhicule de service pour couvrir l’événement. Arrivé sur les lieux, je me mets au travail. Quelques minutes avant la fin de la cérémonie, j’aperçois le doyen qui avait été programmé pour le reportage. Celui-ci se précipite sur le chargé de communication de la Continental des pétroles et investissement, groupe repreneur de la SONACOP pour avoir les discours et autres documents de presse. A la fin de la cérémonie, il se presse d’aller au journal pour la rédaction de l’article. Entretemps, il a échangé avec moi pour savoir pourquoi je suis présent sur les lieux, ce que je lui explique. A mon retour à la rédaction, je m’approche de mon aîné et engage une discussion avec lui pour s’entendre sur la rédaction de l’article. C’est à ce moment que le Directeur Général fait son entrée et nous instruits, le doyen et moi, de lui produire des articles rendant fidèlement compte de l’événement. Articles à publier sur une page, format tabloïde. Nous nous mettons alors d’accord pour que le doyen écrive les textes afin que de mon côté,  je les relise en y apportant les corrections nécessaires. C’est au cours de cet exercice que, jetant un coup d’œil sur les feuillets déjà corrigés, mon collègue me lance : « toi, tu modifies mon texte comme bon te semble. Si ça va se passer de cette manière, je refuse que tu continues la correction… ». Après plusieurs minutes de discussion sans issue, je m’en vais rendre compte de la situation au Rédacteur en Chef. Celui-ci appelle le collègue pour avoir sa version des faits. N’étant pas sur les lieux du reportage, le Rédacteur en Chef sollicite le Directeur Général. Il sonnait vingt heures déjà. Quelques minutes plus tard, le Directeur Général entre dans le bureau du Rédacteur en Chef et nous sollicite, nous les deux concernés, afin que nous exprimions devant nos deux patrons. A cette occasion, le Directeur Général demande qu’on lui présente les textes corrigés objet de contestation. Après cinq minutes de lecture, le Directeur Général demande au journaliste contestataire de prendre en compte toutes les corrections faites par le journaliste stagiaire et ceci, jusqu’au dernier papier mais que la page soit cosignée par tous les deux. Après le départ du chef, mon collègue sort précipitamment du bureau du Rédacteur en Chef et y revient quelques instants plus tard en furie. Il me menace, met sur la langue une poudre noire, l’index pointé sur moi : 
« Toi, tu vas voir dans cette maison, me lance-t-il, depuis que tu es arrivé ici, tu emmerdes tout le monde, tu fais l’éclairé, le savant et on ne doit plus travailler en paix. C’est quoi même la chose ? ».
Je n’en revenais pas, encore moins le Rédacteur en Chef qui, lorsque le doyen agitait sa poudre, faisait un geste de mains comme pour se protéger du courant d’air pouvant répandre sur sa figure cette poudre dont-il ignorait la nature. A la suite ce cet incident, plusieurs journalistes, à la rédaction, ont cherché à savoir ce qui s’est passé en s’adressant à moi. Mais je les renvoyais à l’auteur de l’incident en ajoutant que j’attendais juste une chose pour prendre congé de la rédaction. De quoi s’agit-il ?
Pour moi, après un tel incident, le Rédacteur en Chef devait prendre certaines initiatives pour décourager des actes du genre. Mais plusieurs jours sont passés sans qu’aucune décision ne soit prise. Ce serait alors la porte ouverte aux rumeurs de toutes sortes. Puisque je n’ai aucun contrat à durée déterminée avec l’administration du journal, j’ai pris la décision de partir le plus discrètement possible. Quelques jours après, je rencontrai le Directeur Général du quotidien à l’occasion d’un dîner. Nos échanges se sont orientés sur mon départ du journal. Je lui donne les raisons de mon agissement et il me reproche de ne l’avoir pas informé en ajoutant que la porte de son bureau est grandement ouverte au collaborateur assidu que j’ai été pour lui. Mais je ne retournerai pas travailler dans cette rédaction pour la raison simple que c’est justement le Rédacteur en Chef du quotidien « La Nation » qui avait facilité mon entrée dans ce journal. En principe, c’est lui qui devrait me soutenir. Mais la vie ne s’arrêtait pas là, je néglige ce détail, le regard résolument fixé sur mon avenir.
Il est donc évident que je ne m’accroche pas au matériel lorsque, continuant d’avoir à l’esprit un tel incident, je me retrouve encore au cœur d’une nouvelle intrigue avec des menaces graves. Et c’est parce que mes collègues ignoraient ce détail important qu’ils sont passés à côté de l’essentiel dans toutes les initiatives qu’ils ont prises en direction de celui qui fut leur Directeur de publication.


6-ERREURS MEDICALES AU BENIN : OU S’ARRETERA LE MASSACRE ?
Les lignes que nous venons de parcourir posent une série de problèmes qui montrent clairement que, le plus souvent, peu de choses sont rationnelles dans le comportement de l’homme béninois ou africain tout court. Celui-ci, égoïste, ne fait preuve de rationalité ou de légalité que lorsque ses intérêts en dépendent. C’est peut-être dur de l’entendre dire ainsi. Toutes nos excuses à ceux qui se sentiraient blessés par ces affirmations, mais nous le disons parce que conscient qu’aucune société qui fonctionne comme telle ne pourra se développer. Le Bénin émergeant restera, encore pendant des décennies, voire des centenaires, un rêve pieux. Surtout lorsqu’il faut intégrer la réalité selon laquelle la gouvernance mondiale n’a pas encore inscrit au chapitre, le développement du continent noir. D’autant que nous ne faisons rien sans nous référer à ceux qu’on considère comme les « maîtres du monde ». Que peut-on attendre d’un pays où l’informel prend le pas sur le formel et que rien n’est fait pour inverser la tendance ? Que peut-on attendre d’une « élite » qui confond diplômes et compétences ? Que peut-on attendre d’un peuple où n’existent que d’égoïstes corrompus ? Que peut-on attendre d’une Administration où les agents n’avancent pas au mérite mais tout simplement à leur présence au poste ?
On ne peut construire un pays émergeant rien qu’avec la volonté affichée de son chef, pour le cas du Président Boni Yayi. J’aimerais pouvoir être démenti dans un avenir très proche. Si j’ai de l’ambition pour mon pays, je ne suis pas non plus naïf. Prenez par exemple le cas de l’équipe nationale de football qualifiée pour la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations en janvier 2008. L’un des meilleurs joueurs nargue l’encadrement technique et manque de respect à l’entraîneur. Celui-ci, un Allemand, a décidé de le sanctionner. La discipline du groupe veut que les peines prononcées soient exécutées. Mais, contre toute attente, le Président de la République fait pression sur le coach qui se verra dans l’obligation d’aligner le joueur indiscipliné. Pourtant, le Chef de l’Etat prône la restauration de l’autorité de l’Etat. Ce manque de rigueur, ancré dans le subconscient du Béninois, est la cause de son errance sur le chemin du développement.
Ce préalable fait, je ne voudrais pas être égoïste ici en épiloguant sur le volet administratif et social de ma situation. Mais je voudrais diagnostiquer le mal qui guette tous les Béninois, quelles que soient leurs situations. Il s’agit du manque de prise en charge du patient béninois par les formations sanitaires. En effet, il suffit d’ouvrir une liste de personnes victimes d’erreurs médicales causées par les médecins béninois pour se rendre compte de la gravité de la situation. Aller dans n’importe quelle famille béninoise et interrogez les gens sur le sujet, vous vous rendrez compte de l’incurie médicale dans laquelle nous vivons. J’évoquerai ici quelques cas.
Nous sommes en 2004, dans un centre de santé en pleine ville de Cotonou. Un enfant, dont le père est journaliste, reçoit des soins des suites d’un accès palustre. Aujourd’hui, cet enfant a des difficultés à faire usage de ses membres inférieurs parce qu’il a subi, de manière indélicate, des injections de quinine au niveau de la hanche. Le responsable de cette erreur est un médecin généraliste ayant une dizaine d’années de pratique. Il a fallu plus d’un an d’hospitalisation à cet enfant pour récupérer une partie de sa motricité. Pendant ce temps, le médecin coupable n’a jamais contacté les parents de l’enfant qu’il a ruinés.
Au Centre National Hospitalier et universitaire de Cotonou, centre dit de référence, un malade, qui était hospitalisé dans un centre secondaire suite à un accident de la voie publique, devrait y subir une intervention chirurgicale. En fait, ce malade, suite à un accident qui n’a apparemment causé aucun dégât sur son corps, a été mis en observation pendant quarante huit heures sans la moindre complication. Mais à quelques minutes de sa libération, le malade constate qu’il ne sent plus ses membres inférieurs. C’est ainsi qu’il sera transféré du centre secondaire vers le centre de référence. Ses parents se renseignent sur le spécialiste qui pourrait lui assurer les soins adéquats. Les médecins de garde leur  indiquent qu’il n’y a qu’un seul traumatologue au Bénin pour réussir une telle intervention. Les parents s’informent et se rendent au domicile du spécialiste situé à une trentaine de kilomètres de Cotonou. Celui-ci est en même temps professeur agrégé à la faculté de médecine, donc souvent irrégulier à son poste à l’hôpital. Le spécialiste reçoit les parents du malade et leur indique la conduite à tenir pour qu’il opère le malade dans les quarante-huit heures. Les parents devaient réunir au moins huit cent mille francs  Cfa sans les ordonnances médicales. L’argent doit être versé sur le champ avant même que le spécialiste n’arrive au chevet du malade. Les parents, très préoccupés par l’avenir de leur enfant, se plient en quatre pour réunir la somme. Le rendez-vous est alors pris pour le bloc opératoire. Le jour J, le super spécialiste admet le malade au bloc. Environ trente minutes plus tard, le spécialiste sort du bloc tout en sueur et, sans rien dire aux parents du malade, disparaît « tel un bossu ». Les parents se renseignent après son départ et se rendent compte que leur malade n’est plus. Ils apprendront plus tard que, dès que le chirurgien a enfoncé le bistouri dans la peau du malade au niveau de son dos – parce qu’il voulait intervenir aux environs de la colonne vertébrale –  il a provoqué une hémorragie que l’équipe d’intervention n’a pu maîtriser. Ne demandez pas ce que sont devenus les centaines de milliers de francs encaissés. Ils sont partis en fumée exactement comme l’âme du malade.
Une jeune femme qui vient d’accoucher pour la première fois a eu la malchance d’avoir les lèvres de l’utérus largement déchirées. Cela se passe dans le centre de référence qu’est l’Hôpital de la Mère et de l’Enfant. La sage-femme qui a assuré l’accouchement a informé la jeune femme de ce que la partie affectée sera suturée. Elle n’a d’ailleurs pas le choix. Car, la sage-femme a décidé à sa place. La jeune femme n’a pas à régler une facture supplémentaire pour cette intervention. Car, dans l’ordonnance médicale déjà honorée avant l’admission en salle d’accouchement, il y a deux types de fil à suture. L’un résorbable et l’autre, non-résorbable. Le premier a la faculté de fondre dans l’organisme en même temps que la cicatrisation de la plaie. Ainsi, la sage-femme s’est mise au travail immédiatement. Tout ceci se fait sans la moindre mesure d’anesthésie. Un mois plus tard, la suture n’a donné aucun résultat. En effet, la lèvre vaginale s’est cicatrisée, mais en libérant des fils de suture, elle a laissé à découvert la déchirure. La jeune dame retourne à la maternité. On lui conseille que seul un chirurgien pourra corriger cette anomalie. Arrivée chez le chirurgien, la patiente se rend compte que ce qui s’est passé est encore plus délicat. En fait, lors de la suture, la sage-femme n’a pas utilisé le fil résorbable pour les sutures intérieures. Ainsi, à la suite du diagnostic, le chirurgien fait un devis astronomique. Au finish, la jeune dame traîne ce malaise jusqu’à ce jour. Pire, chaque fois qu’elle a des rapports sexuels, son partenaire se plaint de l’existence d’une pointe tranchante qui provoque des blessures sur sa verge.
Au service de gynécologie à Porto-Novo, la femme d’un médecin, supposée bien suivie, a accouché avec la plus grande attention. Il ne peut en être autrement lorsque son mari est médecin. Mais quelques minutes après l’accouchement, la femme du médecin commence à se plaindre de douleurs. Mais à sa grande surprise, le personnel à son chevet se moque d’elle, arguant que ce n’est pas parce que son mari est médecin qu’elle doit abuser de leur attention. Dépassée, celle-ci appelle au moyen d’un téléphone portable son mari qui s’est porté immédiatement sur les lieux. A son arrivée, c’est à peine que son épouse a le temps de dire ce qu’elle ressentait. Le pire s’est aussitôt produit. Elle est morte au bloc où elle a été transférée en urgence. Elle souffrait d’une hémorragie interne grave des suites d’une déchirure dans le muscle utérin.
Dans un cabinet de gynécologie en pleine ville à Cotonou, un médecin a suivi une femme en état de grossesse jusqu’à terme et lui a donné rendez-vous pour un accouchement par césarienne. Le jour J, la femme arrive dans le cabinet et appelle le médecin au téléphone. Celui-ci, médecin employé dans le centre hospitalier public, arrive quelques heures plus tard. Il fait appel à un anesthésiste et apprête la patiente dans son bloc privé. L’intervention démarre et il se rend compte qu’il y a un instrument indispensable qu’il a oublié de prendre au niveau du service public avant d’arriver. Il demande à ses collaborateurs de suivre la patiente déjà ouverte le temps d’aller faire cette course. A son retour, la dame, sous anesthésiste, a déjà perdu énormément de sang. Ne disposant pas de dispositif de réanimation sur place, le médecin transfère la patiente vers le CNHU, mais en route elle meurt. Aux dernières nouvelles, cette affaire ferait l’objet d’une information judiciaire au tribunal de première instance et de première classe de la ville de Cotonou. Et pourquoi ? Parce que le médecin a refusé de produire un rapport sur les faits aux parents de la défunte.
Un homme, au-delà de la trentaine, a commencé par souffrir d’une douleur inhabituelle au niveau de l’une de ses jambes. Douleur qui l’oblige même à boiter quelques fois. Situation qu’il a traînée jusqu’à la quarantaine étant entendu que tous les examens médicaux qu’il a subis sont restés sans diagnostic précis. Il est arrivé un moment où il s’accommodait déjà de son mal pour lequel il tenait quelque fois une canne pour mieux se déplacer. C’est justement ce moment qu’a choisi un chirurgien béninois pour lui proposer une onéreuse opération sur le nerf sciatique. Il accepte la proposition du médecin qu’on présente, en milieux hospitaliers béninois, comme un chirurgien de grand talent. Le jour de l’intervention, le chirurgien de talent n’a pas pu faire autre chose que d’isoler la partie inférieure du corps du patient. Le monsieur a perdu l’usage des membres inférieurs et pire, le contrôle de ses organes d’excrétion. Il ne sait plus quand est-ce qu’il a envie d’uriner et de déféquer. Il ne sent plus ni la faim, ni la soif. Pour les autres parties vitales de l’entrejambe, ne faisons aucun commentaire. Inutile de préciser ici que le chirurgien de renom a empoché la totalité des fonds qu’il a exigés et depuis, ne demande même pas les nouvelles de sa victime.
Au Centre National Hospitalier et Universitaire de Cotonou, un malade admis en urologie souffre de violents maux de bas ventre. Du premier diagnostic fait, il souffrirait d’un mal qui perturbe le comportement de ses testicules. Et la seule solution trouvée était qu’on lui retire le testicule le plus atteint. Une opération a été programmée pour ce faire. Le malade s’acquitte des frais subséquents et on l’opère pour lui retirer un testicule. A  la suite de cette première intervention, le mal persistait et devenait plus atroce. Le même médecin revient avec le même diagnostic suite à une seconde série d’examens. Solution, il faudra procéder à l’ablation du second testicule, donc castrer le malade pour le guérir de son mal. La seconde intervention chirurgicale a été alors programmée. Heureusement pour ce malade, un des médecins du service venait d’un stage de plusieurs mois en Europe. Il n’avait pas encore pris service parce que bloqué par ses collègues jaloux de sa promotion. Par curiosité, ce médecin, touché par les cris de souffrance du malade, demande à voir le diagnostic qui est fait. Il propose alors au malade de faire retarder la seconde intervention chirurgicale en lui suggérant un traitement médicamenteux. Juste deux produits pharmaceutiques associés à une solution à base de plante. Un traitement qui marcha comme si c’était ce médecin qui avait envoûté le malade. Jusqu’aux dernières nouvelles, ce malade n’a plus jamais souffert de ce mal. Et heureux soit-il, car il profite de son testicule sauvé de justesse pour avoir deux enfants. Dans ce centre, nous ne sommes pas choqués lorsque nous affirmons qu’il arrive que l’Etat mette la main à la poche pour l’acquisition de matériel valant plus d’un milliard de francs Cfa et que, du simple fait d’un individu, animé d’une mauvaise volonté, l’appareil acquis ne fonctionne jamais avant de tomber au rebus.
Un centre de santé de grande capacité situé en plein cœur de Cotonou reçoit en urgence un malade mourant. Un malade dont le tableau nécessite des soins intensifs immédiats. Mais à la grande surprise de la garde-malade qui avait malheureusement les poches vides, les soignants exigent le règlement de certaines factures avant toute prise en charge. Surprise par cet accueil, la garde-malade qui est l’employée de maison d’un grand avocat à la Cour, déclare que le patient est le fils d’un tel déjà prévenu de l’urgence. C’est seulement à partir de là et après vérification que les médecins prennent en charge le jeune homme pour lui apporter les soins adéquats. Le père, après la stabilisation de l’état de l’enfant, décide de le transférer au CNHU. Là, également, l’accueil a été le même à la seule différence qu’ici, puisque l’avocat était lui-même présent, on n’a pas douté de sa solvabilité. Cependant, les factures coulaient à flots dans un environnement où la salubrité laissait à désirer et où le patient doit prendre en charge la facture de certains consommables tels un fil à suture, un bistouri...
Dans ce même centre, un malade en hospitalisation a été examiné le matin comme il est de coutume : prise de température, prise de tension etc. Mais ici la particularité est qu’en plus des infirmiers qui y travaillent, ce service est également assuré par les étudiants en médecine. Le jour du scandale qui nous intéresse ici, pour le cas du malade en question, c’est l’un de ces étudiants qui relève la tension. Il marque sur la fiche du malade « tension 18 ». La garde malade est ici la fille du malade. Elle constate la mention et interpelle l’étudiant. Celui-ci, hautin, la refoule en lui lançant : « si je devais répondre à tous les garde-malades ici quand est-ce que je finirai mon travail ? ». La garde-malade retient son souffle. Quelques minutes plus tard, le médecin de garde arrive mais sans voir le malade, lui envoie une ordonnance médicale sur laquelle est inscrit le nom d’une molécule qui a pour fonction de faire baisser la tension artérielle. La fille du malade qui n’est pas convaincu de l’hypertension du père, demande à voir le médecin qui a signé l’ordonnance. Celui-ci ne s’y est pas opposé et suite à un échange, le médecin décide de prendre à nouveau et lui-même la tension du malade. Avec cette décision suivie du geste adéquat, le médecin vient ainsi de sauver un malade qui était prédestiné, comme beaucoup d’autres, à une fatale erreur médicale. Le médecin relève la tension et marque 12/7. Ceci se passe en présence de l’étudiant très gonflé au départ mais qui face à cette situation n’a même pas eu l’humilité de présenter ses excuses. Le médecin retire son ordonnance et incident clos.
A l’hôpital Départemental d’Abomey, ville historique située au centre du Bénin, le service de traumatologie reçoit en urgence un fracturé des deux fémurs. Après les examens d’usage ainsi qu’un échange avec les parents du malade, le médecin propose le plâtre. Conduit au bloc, le blessé en sort avec les deux jambes plâtrées. Chose apparemment normale. Mais en observant de plus près, les parents du malade constatent que ni le pénis, ni l’anus du malade n’est laissé à découvert. Interrogé, le médecin indique qu’il en sera ainsi pendant 72 heures. Ceux-ci sont surpris et se demandent comment est-ce possible qu’on interdise d’excrétion un homme durant 72 heures sans même préciser qu’il doit rester à jeun. Vingt quatre heures après, le malade se plaint de maux de ventre atroces. Pendant ce temps, le médecin reste introuvable. N’en pouvant plus, le malade sollicite un infirmier qu’il corrompt afin qu’il lui creuse un orifice lui permettant d’uriner au moins. Dès que son pénis est libéré, le bassin qu’on lui a placé s’est littéralement rempli d’urine. Si seulement après un tel supplice le malade a vu sa fracture se réduire, ç’aurait été plus supportable. Mais non. Après sept mois d’immobilisation ponctués de contrôles réguliers, la situation a empiré. Ce sera  grâce à l’intervention d’un autre chirurgien que le patient pourra sauver ses deux jambes à la suite d’une double ostéosynthèse. Cela, dans un bloc modeste de l’hôpital de zone de Ouidah, ville située à l’Ouest de Cotonou.
Le Bénin n’a pas le monopole des erreurs médicales impunies. Au Gabon, un pays à Produit intérieur brut (Pib) respectable mais aux populations majoritairement pauvres, il y a le célèbre cas « Sara ». Une fillette qui a été opérée pour un mal de dos. L’intervention chirurgicale a été si chaotique qu’elle a perdu l’usage de ses deux membres inférieurs. Elle en est sortie hémiplégique. Une infirmité provoquée en milieu médical qui a été cachée aux parents de Sara durant plus de trois semaines. C’est seulement à la suite de la libération de la fille qu’un jour, un médecin informe les parents de la situation postopératoire de leur fille par téléphone. Et pour que le cocktail soit au complet, protégeant le chirurgien, la direction de l’hôpital a refusé de produire le dossier médical aux parents de Sara parce qu’elle soupçonne une assignation qui ne peut que conduire à la condamnation du médecin indélicat et pourquoi pas le centre. En attendant un éventuel procès, cette fillette est définitivement hémiplégique et constitue une charge énorme pour ses parents. Traumatisés à jamais, les parents de Sara ont mis sur pied une association de victimes d’erreurs médicales. Dans cette nation qu’on peut qualifier de pays à revenus intermédiaire, la liste non exhaustive des membres de cette association est scandaleuse. Là-bas, comme au Bénin, les médecins fautifs n’ont que la superstition pour se donner bonne conscience. Sacrée Afrique !
A tous ces cas, il faut ajouter les diabétiques qu’on admet en urgence en leur perfusant du sérum glucosé et qui trépassent le plus naturellement possible ; les patients a qui on a souvent transfusé du sang de groupe différent que le leur et qui meurent le plus bêtement possible ; etc. Toute chose qui amène les agents de santé, témoins de trop de négligences en milieux hospitaliers, à oser dire ceci : « pensez-vous que le Sida nous menace autant que la légèreté de nos médecins ? ».
Nous n’avons pas la prétention ici de rapporter tous les cas d’erreurs médicales. Il y en a d’autres de plus monumentale. Les exemples sont multiples et divers. Mais il serait utile de rapporter que les victimes du premier chirurgien qui a soigné le « malade spécial » sont si nombreuses qu’elles peuvent se constituer en association des victimes du médecin X.
Car, parlant de mon aventure à ses amis, ceux-ci, dès qu’ils ont l’identité du médecin, rapportent d’autres cas où a brillé très tristement le même chirurgien. C’est généralement les ostéosynthèses qui constituent sa bête noire. Ailleurs, en chirurgie viscérale par exemple, il disposerait de qualités reconnues irréprochables rapporte-t-on souvent. Mais puisque rien ne doit se passer normalement et avec rigueur sous nos cieux, en tant que directeur adjoint du centre de santé, personne ne l’arrête dans la série de bêtises dont il a désormais le monopole. Il continue par faire des victimes sans que ce qu’il appelle, en parfaite mimétisme avec l’occident, « Ordre national des médecins » ne réagisse pour arrêter le massacre.












7-LA NECESSITE D’UNE MEDECINE INTERMEDIAIRE
Au regard de tout ce qui est raconté et évoqué, nous nous autorisons à faire des propositions à ceux qui réfléchissent sur le devenir de la santé publique sous nos cieux. En effet, comment continuer par soigner le Béninois comme on le ferait en Occident dont les réalités ne sont pas toujours superposables à celles du Sud. Loin d’une rêverie, on peut tirer l’essentiel d’une nouvelle base d’orientation des politiques de santé publique sous les tropiques. Quelle est la capacité d’action d’un médecin, au sens occidental du thème, devant un malade qui est envoûté ? En situation d’ignorance totale de la part du médecin, le malade a plus intérêt à aller mourir tranquillement chez lui que de servir de cobaye inutile dans ce cas. Que peut un médecin, au sens occidental du thème, devant un malade dont le sort est scellé par un groupe de sorciers ? Pas grande chose que l’aider à mourir de sa belle mort. Avec le risque d’avoir un poids assez lourd sur la conscience. Mais lorsqu’un malade envoûté ou ensorcelé se retrouve devant un médecin, au sens occidental du thème, mais qui est, en plus de sa formation occidentale, initié ou tout aussi sorcier, les données changent. Il n’intervient plus en toute ignorance. Il ne dit plus, après une intervention qui tourne mal : « on m’a aidé à mal soigner le malade », « je ne sais pas comment les événements se sont déroulés pour qu’il décède », « …pourtant son tableau était bien maîtrisé… », « les complications se succédaient au point où j’ai failli fuir du bloc… » etc. Toutes choses qui se disent lorsque le médecin soupçonne un envoûtement. Ou tout simplement lorsque la situation lui échappe. Nous n’avons pas la prétention ici de disposer de la solution la plus indiquée au problème, mais n’est-il pas temps d’avoir enfin le courage de commencer par soulever le problème pour y trouver progressivement des approches de solution ? Etant donné le nombre de victimes connues dans le passé ainsi que celles du présent, le futur nous interpelle tous !
Demandez aux barrons du défunt Parti de la Révolution Populaire du Bénin (Prpb), qui avaient engagé une lutte sans merci contre les sorciers, s’il est raisonnable ou possible de finir avec la sorcellerie au Bénin de si tôt. Ils vous diront que c’est impossible de l’éradiquer, ce que l’Occident aurait réussi dès le quinzième siècle. Il ne s’agit pas de faire le lit à une pratique qui, au demeurant, constitue un véritable frein pour le développement. Il y a d’ailleurs un exemple célèbre en cette matière au Bénin. En effet, Premier Ministre sortant et candidat à l’élection présidentielle de tous les dangers en mars 1991 au Bénin, Nicéphore Soglo a eu un mal que le commun des Béninois a assimilé à un envoûtement. Et pour le soigner, on a recouru à tout ce qui était disponible. Des médecins et de grands prêtres féticheurs se sont bousculés à son chevet, tant au Bénin qu’en France. De justesse il en est sorti et sera investi premier Président du Bénin du Renouveau Démocratique. Après lui, c’est son épouse qui va se plaindre d’envoûtement au point de ne plus serrer la main à ceux qu’elle salue. C’est là un pan important de nos réalités. Reconnaissons alors que le poids de ces pratiques dans l’errance que connaît le continent noir est très important. Ainsi, il s’agit de composer avec cette réalité pour cesser d’en être passivement victime. Lever l’équivoque afin que le médecin ne se cache plus, à tort ou à raison, derrière cette réalité est un impératif.
Loin de nous ici l’intention de faire l’éloge de pratiques occultes ou de la sorcellerie. Il ne nous revient pas non plus ici de faire la promotion de ce qu’il convient d’appeler tradithérapie dans sa forme actuelle où l’aléatoire occupe encore une place importante. Mais il est indéniable que la médecine traditionnelle mieux circonscrite, mieux canalisée, contribuera à résoudre d’énormes problèmes de santé sur le continent noir. Et toute politique de santé publique qui ignore cette réalité est vouée à l’échec. Car, jusqu’à la date d’aujourd’hui, le taux de population qui trouve, vaille que vaille, des solutions à ses ennuis de santé dans cette médecine est largement majoritaire. Réalité reconnue par toutes les études faites dans ce sens. Dans ces conditions, l’objectif serait de débarrasser ce savoir des escrocs, des charlatans, des « apprentis sorciers » ainsi que de l’aléatoire afin d’en faire un véritable outil de développement. Les peuples qui aspirent au bien-être et qui, aujourd’hui, présentent des indicateurs fiables sur la voie du développement, telle la Chine, ont emprunté cette voie. Imaginez que j’ai eu droit au départ à cette complémentarité entre les médecins et les tradipraticiens, le résultat aurait été une réussite. Mais il a fallu que je perde plus d’un an de tâtonnements et d’errements avant d’obtenir ce soulagement. Et même là, le tradipraticien ne m’a jamais rassuré tout au long du traitement qu’il m’appliquait. Encore qu’entretemps, le mal était déjà fait.
La tradithérapie n’est pas une pratique parfaite. Ça on le sait. La preuve la plus tangible est l’expérience que j’ai vécue avec le guérisseur traditionnel. Il n’a pu tenir ses promesses en ce qui concerne les échéances qu’il a données. Aussi, le voyage effectué dans son village a permis de me rendre compte de sa non maîtrise de tous les contours de la thérapie. Il présente donc des signes de faiblesse bien que, suite aux soins qu’il a prodigués, je me suis progressivement retrouvé jusqu’à la guérison relativement totale sans recourir par ailleurs à d’autres soins si ce n’est les massages quotidiens que j’assurais moi-même avec l’aide de mes proches. Ce qui ne veut pas dire que ce même praticien ne s’est pas révélé expert respecté ailleurs où le tableau de la fracture était moins complexe. Toute chose qui permet d’affirmer qu’il y a là, dans la tradition, des pistes sérieuses à explorer pour rendre la pratique traditionnelle en matière de réduction d’une fracture plus rationnelle pour le mettre résolument au service de la santé publique. Et non continuer par faire distiller dans l’opinion qu’il s’agit d’un soin auquel recourent les moins nantis. En matière de tradithérapie, mon père a hérité de mon grand-père un médicament à base de plantes et de substances issues des viscères de certains animaux. L’effet de ladite solution sur les infections en général est tel que le produit a pris, en l’espace de quelques années, de la valeur. Aujourd’hui le litre de la solution coûte environ soixante mille francs Cfa et les acheteurs qui y croient fermement ne discutent même pas ce prix. Le produit a fait ses preuves contre les infections rebelles, les tumeurs bénignes, certains cas d’intoxications alimentaires ou tout simplement d’empoisonnement. Aussi, certains séropositifs soulagent leurs souffrances avec le produit en lieu et place des antirétroviraux. Bref, il s’agit d’un liquide précieux qui s’est imposé par son efficacité. Mais là encore, il faut noter qu’il y a certainement un problème de dosage qui se pose et il n’y a que les techniques de laboratoire adéquatement équipés pour y trouver une solution efficiente. C’est en cela que le rôle de l’Etat dans le cadre d’une médecine intermédiaire est indispensable pour ce produit et pour nombre d’autres produits que plupart des Béninois, toute catégorie confondue, consomme sans modération pour lutter contre les maladies courantes. Il s’agit ici d’une piste de réflexion qui n’est pas nouvelle et sur laquelle nous insistons dans le cadre des stratégies à mettre en place pour amorcer véritablement le développement du Bénin. C’est pour nous l’occasion de proposer autre chose que les marches de soutien au Président de la République comme seule action pour accompagner son action. Oui, contribuer matériellement à l’émergence du Bénin et non chanter à longueur de journée autour du chef et dans l’inaction, « Bénin émergeant »… En effet pour nous, le développement est tout sauf les incantations, les slogans.
Au demeurant, il est judicieux de noter ici qu’il est inutile de mener un raisonnement naïf. En effet, nous comprenons toute la difficulté à laquelle sont confrontés les pouvoirs publics du Sud lorsqu’il s’agit pour eux de jeter les bases d’une politique de santé publique. Juste une observation pour stigmatiser ce qui crève l’œil aux personnes averties. Comment est-ce qu’un ministère de la santé d’un pays qui recourt aux ressources financières des organismes mondiaux de santé qui sont eux aussi financés par les multinationales en pharmacie peut faire la promotion d’une politique de santé qui fait la part belle aux pratiques ancestrales ? Et même si ce choix était délibérément fait, où trouver les moyens pour effectuer les recherches indispensables à l’exploitation rationnelle à l’échelle d’une nation desdites pratiques ? Toute la question est là. Le produit « Api-Palu » de Monsieur Valentin Agon a beau faire ses preuves contre le paludisme. A l’étape actuelle, même si tous les Béninois en voulaient, l’offre du produit est bien limitée. Mais comment font les pays comme la Chine pour, non seulement, s’approprier la technologie occidentale en matière de médecine et de pharmacie, mais également faire la promotion de leurs pratiques endogènes ? Comment est-on arrivé à envahir le monde avec ce qu’il convient d’appeler « médecine chinoise » ? Ainsi reconnaissons-nous, pour être lucide et tout autant modeste, le secret de la réussite de la Chine avec laquelle les puissants de ce monde sont obligés de compter. Loin de nous l’intension de faire croire qu’il est possible pour le Bénin, membre de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA), de faire immédiatement aujourd’hui comme la Chine pour se développer. Les atouts comparatifs ne sont pas les mêmes. Mais, il y a certainement de nombreux domaines dans lesquels le continent noir peut
prendre exemple sur ce grand pays émergeant au vrai sens du terme.
La médecine, en tant que système connu et mis en place par les occidentaux  n’est pas au sens strict un mécanisme ayant pour but de prodiguer des soins aux malades, aux humains. C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas un mécanisme à but non lucratif. Nous sommes plutôt en face d’un système qui vise, non seulement les soins aux humains mais plus encore destiné à produire des emplois, à créer de la croissance économique. Ainsi, plusieurs branches de métiers s’y retrouvent, s’y côtoient, dans une interdépendance parfaite ou forcée. Le médecin, à notre sens, placé au sommet de ce système, a besoin des explorateurs diagnostics pour faire un bon examen de son patient, des pharmacies et donc des firmes pharmaceutiques pour disposer de médicaments appropriés… Il s’agit d’un système qui dispose en son sein de plusieurs filières interdépendantes. Les professions y sont nombreuses. Il y a les médecins, les techniciens de laboratoire, les techniciens de l’imagerie, les infirmiers, les sages femmes, les pharmaciens, les délégués médicaux, les négociants commerciaux etc. Nous sommes là en face d’un système qui représente beaucoup dans l’ordre mondial actuel. Celui-ci est essentiel dans le mécanisme de production de la croissance économique mondiale tel que voulu et régenté par les dirigeants de ce monde. Lorsqu’on apprécie les réalités de ce monde avec l’ouverture qu’il faut, on comprend que l’occident ne soit pas prêt à accompagner une approche pouvant remettre en cause un système aussi élaboré. La question qui nous vient bien évidemment à l’esprit est celle de savoir quel intérêt ont ceux qui, acteurs passifs, ne tirent pas le principal intérêt de ce système à le soutenir et mieux que ceux qui en tirent le meilleur profit. Il suffit d’analyser ce qu’il convient de désigner par « le scandale du ‘’Médiator’’ » pour apprécier, à juste titre, l’intérêt économique que recouvre la notion de « médecine » à l’occidental… Cette problématique ainsi soulevée, il ne reste qu’à engager une réflexion endogène à laquelle toute contribution venant de l’Occident à ce sujet ne viserait pas les intérêts des pays du Sud.


Présentation :
Après ses études supérieures en économie, Aubin R. TOWANOU entre en 1998 à la rédaction de « La Nation » – quotidien de service public – où il sera très vite attiré par le traitement des informations politiques et économiques. Pour convenance personnelle, il quitte le journal et choisit en août 1999 de rejoindre le quotidien privé, « Le Matinal ». En quelques années, il occupe plusieurs postes, puis en juillet 2005, est nommé Directeur de Publication. Poste qu’il a occupé jusqu’à la date de son accident qui ouvre la voie aux dérives rapportées dans le présent livre. Aujourd’hui, il est membre de l’Observatoire de la déontologie et de l’étique dans les médias (ODEM) pour un mandat qui s’achève en novembre 2012.


Résumé :
Un journaliste béninois est admis en urgence dans un centre hospitalier de Cotonou pour une fracture du fémur. Pendant de longs mois, médecins, spécialistes et autres guérisseurs se succèdent à son chevet sans pouvoir traiter avec efficacité ce qui, pourtant, est présenté comme un cas banal. Entre opérations chirurgicales répétées, prières, pratiques irrationnelles, médecine traditionnelle, il est happé par un cycle infernal de traitements approximatifs où prospèrent le laxisme, la mauvaise foi, l’incompétence et l’appât du gain.
Aubin R. Towanou ne se contente pas seulement de raconter les faits. Avec humour et un sens presque détaché de son propre drame, il décrit sans concession la réalité des centres hospitaliers béninois qui, en plus d’être de véritables mouroirs, constituent à eux seuls, des institutions du maldéveloppement.