mardi 4 janvier 2011

Les mauvaises jurisprudences de 2010 en Afrique de l’Ouest

Le Benin bat tous les records

De l’année 2009 à 2010, l’Afrique de l’Ouest a connu une série d’événements politiques ayant conduit à des actes juridiques de grande portée pour l’avenir du continent. Au nombre de ces actes, il y en a qui, paradoxalement et/ou malheureusement, n’ont eu, ou n’auront, d’effet que l’espace du temps passé au pouvoir par leurs auteurs. Sur ce registre, la Cour constitutionnelle du Bénin se positionne au premier rang. Quelle fatalité !
Tout a commencé par les errements constitutionnels de l’ex-président nigérien, Mamadou Tandja qui s’est vu, à un moment donné, dans la peau de l’homme qui seul connait et peut défendre les intérêts de l’ensemble des Nigériens. Il lui est quasiment arrivé de légiférer par discours ou par intention. En un mot, sa volonté ou ses fantasmes se confondaient aux principes et aux règles constitutionnels, aux normes républicaines tout court. Il a pensé qu’il lui était permis, comme ailleurs en Afrique, de sauter le verrou de la limitation de mandat présidentiel pour s’éterniser au pouvoir. Seulement, dans son égarement constitutionnel, il a oublié qu’ailleurs, ceux qui révisent leur Constitution pour des raisons égoïstes disposent d’une majorité parlementaire confortable pour y arriver. Mais dans le cas de Tabdja, ne disposant pas de majorité, il a préféré dissoudre le Parlement dont la quasi-totalité des députés, qui le soutenaient précédemment, étaient contre son projet, son égarement. C’est là que Tandja venait de faire une jurisprudence inédite en Afrique. La suite, est très illustrative. Tandja est aujourd’hui en résidence surveillée à Niamey, ville sur laquelle il a régné en maître.
Cette mauvaise jurisprudence nigérienne mise entre parenthèse par l’armée républicaine n’a pas servi de leçon ni à Cotonou, ni à Abidjan. En Côte d’Ivoire, c’est Laurent Gbagbo qui, après avoir refusé d’organiser les élections pendant cinq ans (ou dix selon l’entendement), perd la présidentielle dans les urnes et se fait payer une victoire au Conseil constitutionnel en défiant tout le monde au vue et au su de tous. Pire, il force la victoire au Conseil constitutionnel en brandissant le caractère « sans recours » des décisions de l’institution constitutionnelle instrumentalisée. Seulement voilà, c’est encore lui qui propose, quelques jours plus tard, la remise en cause de la décision « sans recours » du Conseil constitutionnel chosifié en proposant la mise sur pied d’une commission internationale de vérification des documents issus de la présidentielle. Quelle contradiction ! Là encore, Gbagbo invente une jurisprudence propre à lui en proposant à la communauté internationale une remise en cause d’une décision en principe « sans recours » issue d’une institution constitutionnelle devant être, en principe, au dessus de la mêlée.
Dans la foulée, le Bénin, à travers sa Cour constitutionnelle, présidée par Robert Dossou, a fait au cours de l’année 2010 une série de « jurisprudences révolutionnaires » qui le placent en tête du palmarès. De mémoire, revenons sur quelques unes. Avec la Cour constitutionnelle de Robert Dossou, une loi ordinaire votée au Parlement pour en modifier une en vigueur peut être remise en cause pour des prétextes fallacieux. Pour cette institution, sous le « changement », on peut faire d’un instrument dont le processus de réalisation à issue incertaine est en cours, une contrainte incompressible dans la perspective d’une élection à échéance fixe. Nous en étions là lorsque la Cour de Robert Dossou nous apprend avec consternation qu’en fait, le Parlement n’a plus le droit de légiférer si ce n’est pour corroborer une décision du gouvernement. Ainsi, désormais au Bénin les députés peuvent ratifier une convention ; voter une loi portant autorisation d’accord de prêt ; ils peuvent voter la loi de finances ; ils peuvent voter un projet de loi, donc issue du gouvernement ; … mais ils n’ont plus le droit de légiférer librement au service de la nation béninoise si tant est que l’objet abordé n’est pas bien accueilli par le gouvernement, pardon, le président de la République. C’est dans cet ordre d’idée que le Parlement béninois ne peut plus fixer, par la loi, le montant de la caution payable par les candidats aux élections présidentielle et législatives. Le Parlement béninois ne peut plus revoir à la hausse le nombre de députés devant siéger à l’Assemblée nationale au regard de l’évolution démographique du pays. Les députés béninois ne peuvent plus…, la liste est longue et place ainsi le Bénin en tête des pays où on fabrique des jurisprudences rien que pour servir un président de la République égoïste qui accepte d’être entouré d’opportunistes serviles. Pourvu que cet état de fait ne conduit pas le Bénin au même port que celui du Niger et de la Côte d’Ivoire…
A R T

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire