Quand la trésorerie tue les partis
Considérés comme étant des clubs électoraux, les partis politiques au Bénin ont besoin d’être réformés en ce qui concerne la gestion de leur finance. Car, au-delà de toute conviction politique, l’argent prend une part importante dans le destin des formations politiques béninoises. Ils n’ont d’avenir qu’au gré de la bourse de leur principal bailleur de fonds ou de sa position à la tête d’une structure étatique pourvoyeuse, licitement ou non, de ressources financières.
Ralphe Zinsou
Au bout de cinq ans de gouvernance sous le régime Boni Yayi, le nombre de partis politiques qui comptaient jadis sur l’échiquier national et qui ne pèsent plus rien est longue. Le Parti du renouveau démocratique (Prd), la Renaissance du Bénin (Rb), le Parti social démocrate (Psd), le Mouvement africain pour la démocratie et le progrès (Madep), Force clé, l’Union pour la République (Upr), etc. sont autant de partis qui comptaient un nombre représentatif de députés à l’Assemblée nationale, de conseillers élus aux conseils communaux et municipaux, voire des maires. Aujourd’hui, ils sont réduits à leur plus simple expression. Le dernier exemple en date est le Prd qui est en passe de perdre le privilège d’avoir son propre groupe parlementaire à l’Assemblée nationale. La raison de cette débâcle reste la même. Quand la trésorerie va, les partis ont le vent en poupe, mais lorsque la finance est grippée, tout bascule dans la désolation.
Créés dans l’abondance, ils disparaissent…
Le Parti du renouveau démocratique (Prd), au-delà des convictions politiques de Me Adrien Houngbédji, avait pour objectif, non écrit, de le porter au pouvoir suprême au Bénin. Ainsi, au lieu de fonctionner sur le plan financier comme une institution impersonnelle, le Prd avait pour trésorerie la bourse de Me Adrien Houngbédji. Il devait tout financer même si parfois, des personnes proches de lui et disposant de moyens conséquents, devraient aussi mettre la main à la poche. Ainsi, lorsque le Prd a eu le privilège de 2006 à 2008 de participer à l’action gouvernementale, sous le régime de Mathieu Kérékou, des ressources pouvaient provenir de plusieurs sources autres que celles se rapportant au seul Adrien Hougbédji. De 2008 à 2011, en dehors de quelques préposés à être inscrits sur des listes électorales, de certaines bonnes volontés et autres députés élus, la cagnotte est désespérément remplie par le seul et unique bailleurs, Me Houngbédji. Lui-même l’a clairement affirmé dans une émission télévisée où il parlait même du financement solitaire de l’alliance « Union fait la nation ». Aujourd’hui hors jeu pour ce qui concerne la magistrature suprême, il est clair qu’il ne mette plus la main à la poche comme par le passé et du coup, c’est la descente aux enfers. Et sans un éventuel sursaut d’orgueil de sa part, le parti mourra de sa plus belle mort comme d’autres avant lui. Ainsi, le Prd donne un exemple typique de comment, avec une trésorerie male cadrée, les partis meurent au Bénin sans tambour ni trompète. Ceci après avoir connu des années de gloire au rythme d’espèces sonnantes et trébuchantes.
A quelques nuances près, la Renaissance du Bénin, formation politique créée à la tête de l’Etat lorsque son leader charismatique briguait la magistrature suprême, connaît le même sort. Lorsque ce parti avait tous les postes de l’Administration publique à sa portée, sans avoir le moindre programme identifiable et soutenable, il a compté jusqu’à 35 députés au Parlement. Il s’agit, à peu de chose près, de la situation actuelle des « Force cauri pour un Bénin émergeant » (Fcbe), formation politique de l’actuel président de la République. Depuis que la Rb a perdu le pouvoir, principal pourvoyeur de ressources pour ce parti, la descente aux enfers a commencé et s’est poursuivi dans le temps. Même si le parti est arrivé, lors des dernières municipales à Cotonou, à prendre la tête de la mairie, parce que vengé par les Cotonois, plus rien n’est sûr à l’horizon 2013. Et le nombre de députés répondant de cette formation politique au Parlement est édifiant.
Si Bruno Amoussou n’a pas créé son Psd à la tête du pouvoir, il l’a fortement financé et promu grâce à la position privilégiée qu’il a occupé dans le régime Kérékou. Après, et étant déclaré forclos à la présidentielle, la descente aux enfers est en pleine marche. Ce dernier n’a connu que le parcourt d’un certain Albert Tévoédjrè, même si celui-ci gère autrement sa chute. Lazard Séhouéto qui a créé son parti « au pouvoir », préfère aujourd’hui qu’on parle de l’Union fait la nation plus que tout autre chose. Idem au Madep fortement financé au départ par l’homme d’affaires Séfou Fagbohoun qui était, au départ, un privilégié du régime Mathieu Kérékou. On imagine d’ores et déjà le sort de « Fcbe » après 2016, dans le meilleur des cas.
Quelle trésorerie pour quel parti ?
Au Bénin, l’histoire du renouveau démocratique nous renseigne que si un parti politique n’est pas créé par un homme ayant des ambitions politiques personnelles immédiates liées à une échéance électorale, il est créé par un homme déjà au pouvoir qui veut en faire une machine de gestion de pouvoir. Ainsi, la trésorerie des partis politiques est souvent confondue à celle de leur initiateur. La liste des militants adhérents n’intéresse personne, encore moins leur cotisation pour consolider la finance du parti. La formation politique ne dispose généralement pas de comptabilité ni de comptable. A l’occasion des rendez-vous importants (élections nationales, élections à la tête d’une institution, nominations,…) à qui mieux-mieux, on met la main à la poche et non à la caisse, pour répondre aux besoins de financement qui s’imposent. Au finish, personne ne peut évaluer les dépenses du parti et ceci arrange tout le monde tant que le combat a un sens. Mais une fois forclos, étant données les limitations constitutionnelles, le chef de parti, ici promoteur politique, regrette ses dépenses folles qui avaient pourtant un but pour lui en son temps. A partir de là, l’hémorragie des militants s’aggrave et tout fini par une descente aux enfers. Et lorsque la formation politique ne trouve par un repreneur ayant du cran, elle sombre et disparaît de l’échiquier politique national comme elle a été créée.
Quel financement pour la pérennité ?
Ailleurs où l’expérience démocratique mérite d’être copiée, les partis politiques sont financés prioritairement par les cotisations des militants, les apports des mécènes. Aussi, pour ce qui concerne des ressources importantes, les formations politiques étant considérées comme des groupes de pression, des lobbys ont une formule simple. Ainsi, lorsqu’elles arrivent à position des cadres militants ou non à des postes de responsabilité, (élus ou nommés), procurant des avantages, ceux-ci financent la trésorerie du parti en guise de reconnaissance. On peut évoquer ici les emplois fictifs de Chirac en tant que maire de Paris. Pour tirer le plus de profit des nominations, les responsables politiques à la tête des Etats vont pousser le bouchon aussi loin que possible. En dehors des salaires mirobolants accordés, des primes impossibles ont été créées comme les stock-options ainsi que les parapluies dorés auxquels on attribue des critères de rentabilité, de performance. Nous n’allons pas occulter les affaires « Elf » et « Clearstream » en France pour évoquer le financement occulte des partis politiques en Occident. Cependant, il importe de souligner que les formations politiques que nous évoquons ici sont créées en dehors et au-delà des personnes mais attachées à une idéologie politique et se dotent régulièrement de programmes de gouvernement adaptés aux réalités du présent. Notons tout de même que l’exemple français est loin d’être considéré comme l’idéal en politique. Les pays scandinaves donnent de belles leçons de gestion transparente et orthodoxe de parti politique qui peuvent inspirer les Béninois. C’est peut-être la condition pour sortir de la médiocrité actuelle qui se résume en une seule phrase. Seules les formations politiques au pouvoir ou composant avec le pouvoir, dans une certaine mesure, peuvent connaître une promotion politique lorsqu’elles ne sont pas créées par un richissime personnage.
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